INTERVIEW – Investir dans le bois séduit les épargnants qui se rêvent en propriétaire terrien ou souhaitent profiter de ses avantages fiscaux. Cet actif doit pourtant représenter une part limitée de leur patrimoine, nous explique Michel de Warren, le directeur de l’investissement et de la gestion privée de la Société Forestière de la CDC.
« La forêt doit représenter 5 à 10% maximum du patrimoine de l’investisseur »
Toutsurlisf.com : Devenir propriétaire de plusieurs hectares de forêt peut faire rêver, mais comment s’y prend-on concrètement ?
Michel de Warren : Tout d’abord il faut savoir que l’achat de forêt peut revêtir différentes formes. Il peut s’agir d’une transaction immobilière soumise aux obligations de la loi Hoguet, qui régit toute transaction immobilière, qu’elle touche à un terrain bâti ou non. Dans cette configuration d’achat en direct, l’investisseur peut se tourner vers différents acteurs en matière d’investissement dans le bois comme des agents immobiliers spécialisés -ils sont une demi-douzaine en France seulement- des experts forestiers, au nombre de 150 environ, ou encore des notaires. La Société Forestière reste cependant de loin le plus gros opérateur du marché français en intervenant sur 7 à 8.000 hectares par an.
L’autre moyen d’investir dans une forêt consiste à acheter des parts de groupement forestier. Il s’agit d’un investissement collectif au travers d’une société civile : l’acheteur ne devient donc pas propriétaire de la forêt mais d’une part du capital qui détient la forêt. Ces actions peuvent notamment être commercialisées de manière confidentielle par un certain nombre d’établissements bancaires car elles ne peuvent pas faire l’objet d’une offre publique d’achat.
Que représente ce marché en termes de surface et de valeur ?
La Société Forestière gère à elle seule 1,1 milliard d’euros d’actifs et 232.000 hectares de forêt, ce qui représente 800.000 mètres cubes de bois commercialisés chaque année. Si l’on prend les achats en direct, notons par exemple qu’il n’y a eu que 120 transactions de plus de 100 hectares en 2012, c’est-à-dire dont les montant sont compris entre 500.000 et 1 million d’euros. Cela reste un tout petit marché ! La liquidité est assez bonne mais elle doit être relativisée par la durée assez longue qui s’étend entre le moment où l’on décide de vendre et la réception du chèque. Ce délai s’explique par la lenteur des expertises administratives et des actes notariés, à l’image d’une transaction immobilière par exemple.
Sur quels critères l’investisseur doit-il se fonder pour choisir son bien ?
Chaque acheteur doit avoir en tête un cahier des charges particulier. Il existe en effet de nombreuses variétés de forêts en France : jeunes, vieilles, feuillues ou résineuses. Si l’investisseur possède un capital important, il pourra par exemple être tenté d’acheter une forêt jeune afin de sécuriser son patrimoine, tout en laissant pousser les arbres pour que ses enfants puissent in fine bénéficier des revenus de la forêt. Mais il peut également être à la recherche d’une forêt avec des animaux, uniquement pour chasser et sans nécessiter de tirer des revenus des arbres. Au contraire dans une optique de rendement à court-terme, l’acheteur peut s’enquérir d’une forêt avec de gros arbres qu’il pourra exploiter immédiatement. Le choix peut enfin être guidé par une préférence régionale ou en fonction de l’espèce des arbres.
C’est le rôle de l’intermédiaire spécialisé de comprendre ces exigences et les transposer dans un profil de forêt correspondant. Il faut parfois réaliser une véritable psychanalyse du client pour connaître ses besoins réels !
Acheter une forêt n’est pas un investissement comme un autre. Quelle sont ses spécificités ?
Bien souvent, les acheteurs mettent en avant les particularités fiscales de ce type de placement. Ce traitement, et notamment l’avantage qui existe au niveau successoral, est adapté à ses spécificités de très long terme. Ce n’est pas une niche fiscale ! C’est ce qui explique que ce régime ait été conservé par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis sa création en 1930.
Le marché des forêts se distingue également parce qu’il touche à la sensibilité environnementale. C’est un secteur d’investissement en lien avec le développement durable, la biodiversité, ou encore la protection des eaux. Enfin, c’est un marché fini, car il ne peut y avoir de nouvelle production d’espace. Il reste figé ad vitam aeternam.
Dans quelle stratégie faut-il favoriser ce type de placement ?
A quelle problématique répond l’investissement forestier ? Fondamentalement, il faut bien comprendre qu’il s’agit d’un investissement de long terme dans le respect d’un cycle naturel. Un arbre met entre 100 et 150 ans à pousser. Et c’est du prix des arbres dont dépend généralement le rendement de l’investissement forestier. Mais pas toujours : en Sologne par exemple, c’est plutôt la valeur du foncier qui compte du fait de la proximité avec Paris et de l’attrait de la chasse. Dans le cadre général, les arbres constituent tout de même la valeur de la forêt. Or, le marché du bois est très évolutif. Il souffre aujourd’hui en raison de la crise économique et de la diminution du nombre de constructions de logements. Le cours est même déprimé depuis trois ans. Mais il faut se placer dans une perspective de long terme et savoir dépasser les variations à court terme.
Deuxièmement, le marché du bois s’avère contre cyclique par rapport à la Bourse. Quand celle-ci va mal, le bois se porte bien. Il peut donc offrir des caractéristiques de protection contre la baisse des marchés. Actuellement, avec un livret A à 1,75% et des OAT (Obligations assimilables du trésor, emprunts d’Etat, ndlr) proches de zéro, la forêt devient concurrentielle.
Enfin, n’oublions pas qu’il s’agit d’un investissement immobilier et donc très prisé des investisseurs à la recherche de biens tangibles.
A quels profils d’investisseurs s’adressent-ils ?
Ces éléments positifs ne doivent cependant pas pousser l’investisseur à mettre toute ses économies dans un investissement forestier. Il faut savoir raison garder ne serait-ce qu’en raison de la liquidité relative de ce placement.
Nous recommandons ainsi aux investisseurs de ne pas dépasser 5 à 10% de leur patrimoine en investissement forestier. Mais cela peut être plus en fonction de la surface de son patrimoine et de son attrait pour ce placement.
Dans tous les cas, l’avantage fiscal ne doit pas motiver l’achat mais rester la cerise sur le gâteau. Ces avantages peuvent ainsi disparaître en 5 minutes par une nouvelle loi. L’investissement doit conserver de bons fondamentaux afin de se justifier même s’il perd ses spécificités fiscales.
D’où proviennent les rendements d’une forêt ?
Lorsque vous achetez une OAT, vous bénéficiez de rendements fixes, alors que quand vous achetez une parcelle de forêt, ce rendement est variable en fonction de plusieurs éléments. La forêt est une matière vivante, les arbres poussent et votre stock de bois augmente. En plus, sur le marché du bois, plus un arbre est gros, plus il vaut cher. Il y a donc un effet cumulateur : le stock et la valeur unitaire du stock s’apprécient simultanément.
L’autre élément de rendement provient du produit de la vente de votre bois. La prise de bénéfice intervient au moment de la coupe des arbres. Mais il faut prendre garde à ne pas trop amputer le stock. En outre, il faut savoir que le montant des ventes de bois n’est pas déclaré. Comme pour le forfait agricole, il s’agit d’une déclaration forfaitaire au titre de l’impôt sur le revenu. Mais ce n’est pas tout : la forêt peut également apporter des revenus de loyer lorsqu’elle est utilisée comme support d’une activité de chasse. Au total, il faut savoir que le rendement brut d’une forêt demeure modeste, de 1 à 3% selon les types de forêt. Ce taux ne prend pas en compte les avantages fiscaux en cas de succession ou d’ISF.
En plus, d’autres aspects spéculatifs contribuent à la rentabilité de cet investissement, notamment l’évolution de la valeur du foncier. D’une année sur l’autre le prix d’une forêt augmente en moyenne de 5 à 6%. Mais attention : le marché peut évoluer de façon positive comme négative. Le passé ne présume pas de l’avenir.
Acheter un hectare de forêt est-il risqué ?
Les risques existent. Il y en a eu ces dernières années entre la tempête de 1999 et celle de 2009. Des millions de mètres cubes de bois sont tombés. Mais ces risques : incendie, tempête ou ouragan, sont assurables par certaines compagnies d’assurance comme Groupama, Crédit Agricole ou Gan.
Surtout, contrairement à un investissement boursier par exemple, même si la forêt est sinistrée, l’investisseur reste propriétaire du sol donc il ne peut jamais perdre la totalité de son bien. De même, si le bois tombe, il peut toujours le vendre.
Lors des dernières catastrophes naturelles, entre les aides à la replantation de la part de l’Etat, les indemnisations des assureurs, la vente du bois et la conservation du foncier, nombre de propriétaire ont ainsi pu sauvegarder leur capital.
Propos recueillis par PIerre Havez
La fiscalité très favorable des forêts L’investissement forestier bénéficie d’avantages fiscaux à différentes étapes-clef de sa vie : A l’achat, il est possible sous certaines conditions, de déduire de votre impôt sur le revenu (IRPP), 18% du prix d’acquisition, dans la limite de 11.400 euros par an pour un couple marié et la moitié pour un célibataire, dans le cadre du « defi foret » (dispositif à l’investissement forestier). En contrepartie, l’acheteur s’engage à conserver pendant 15 ans sa forêt ou 8 ans ses parts de groupement forestier. Investir dans un groupement forestier accorde par ailleurs une exonération d’ISF et de succession de 50% du prix d’acquisition limité à 90.000 euros (soit 45.000 euros) au titre de la loi Tepa. Cet avantage est toutefois non cumulable avec la réduction d’IR, ci-dessus. A charge de l’acheteur de choisir quel dispositif est le plus avantageux pour lui. Lorsque vous êtes propriétaires, vous ne payez des impôts au titre de l’ISF que sur un quart de sa valeur (idem pour les parts de groupement forestier). De même, en cas de donation ou de transmission : le patrimoine forestier est exonéré au ¾ des frais de succession. |
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