Emmanuel Macron aurait payé l’ISF en 2015 et rétroactivement pour 2013 et 2014, à cause d’une sous-évaluation d’un bien immobilier. Le ministre de l’Economie affirme être en règle, peu de temps après avoir critiqué l’existence d’un impôt sur la fortune en France.
Macron et l’ISF : immobilier, déclaration rectificative… Le vrai-faux
Emmanuel Macron est désormais assujetti à l’ISF, affirment Mediapart et le Canard Enchaîné. Le ministre de l’Economie et son épouse Brigitte auraient sous-évalué de 200.000 euros leur maison située dans la station balnéaire du Touquet (Pas-de-Calais). Le président du mouvement politique « ni de gauche, ni de droite » En Marche ! paierait en conséquence l’impôt de solidarité sur la fortune depuis 2015 et aurait effectué des déclarations rectificatives pour 2013 et 2014, après avoir déclaré dans la presse qu’il n’y était pas assujetti.
Des informations qui prennent une résonnance toute particulière alors qu’il ne cache plus son ambition politique et qu’il s’est récemment montré critique sur le principe même d’un impôt sur la fortune en France.
Emmanuel Macron est-il assujetti à l’ISF ?
PEUT-ÊTRE, PEUT-ÊTRE PAS
L’ISF est un impôt annuel, fondé sur la déclaration du contribuable, qui se déclenche à partir de 1,3 million d’euros de patrimoine net (valeur des biens tenant compte de la déduction des dettes) au 1er janvier de chaque année. Impossible de savoir si le ministre de l’Economie a rempli une déclaration d’ISF pour 2016. Rien ne l’oblige à rendre cette information publique. Il est simplement tenu de remplir une déclaration de situation patrimoniale auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui n’a pas grand-chose à voir avec une déclaration d’ISF proprement dite.
De son côté, l’administration fiscale est elle aussi tenue au respect du secret fiscal : la loi stipule que les agents des finances publiques doivent « faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits ou informations dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ». Aucune information publique ne permet donc de vérifier la situation du ministre. Un droit derrière lequel il se retranche pour ne pas publier sa situation fiscale.
On observera cependant que ni Emmanuel Macron, ni son entourage, n’ont démenti le fait qu’il payait l’ISF. Et que des éléments relativement précis sur des éléments de son patrimoine ont filtré dans la presse.
Emmanuel Macron est-il coupable de fraude fiscale ?
TECHNIQUEMENT FAUX
« Je suis en conformité avec l’administration fiscale, je suis en conformité avec la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, je me suis toujours conformé à ce que ces administrations ont demandé – quand j’étais un citoyen normal, et a fortiori quand je suis devenu un responsable politique », a déclaré le ministre lors d’un déplacement, le mardi 31 mai 2016.
Selon les éléments dévoilés par Mediapart et le Canard Enchaîné, il serait reproché au ministre d’avoir sous-évalué la maison secondaire du couple au Touquet. Une insuffisance qui n’est pas répréhensible sur le plan pénal et qui ne fait l’objet d’aucune pénalité fiscale lorsque cette inexactitude a été commise de bonne foi (qui est systématiquement présumée).
Le ministre aurait cependant commis une infraction au sens du droit fiscal, passible d’un intérêt de retard de 0,40% par mois.
Il convient d’ajouter que la sous-évaluation est admise par le fisc. Une tolérance inscrite dans le marbre, le code général des impôts (CGI) prévoyant expressément l’absence d’intérêts de retard lorsque l’erreur d’évaluation est inférieure à 10% de la valeur d’un bien.
Emmanuel Macron a-t-il fait l’objet d’un redressement fiscal ?
A PRIORI FAUX
L’entourage du ministre assure que sa situation fiscale n’est pas entachée d’irrégularité et qu’il « n’a fait l’objet d’aucune notification d’un redressement », d’après Le Monde. Une précision similaire à celle relayée par le Canard Enchainé selon lequel « il a fait spontanément fait une déclaration rectificative » pour 2013 et 2014.
Ce retour en arrière sur trois années est lié au caractère triennal du délai durant lequel les services des impôts peuvent effectuer un contrôle et demander des comptes. C’est ce que l’on appelle le délai de reprise.
Emmanuel Macron a-t-il sous-évalué son patrimoine immobilier ?
JOKER
« Après un an et demi de discussions avec le fisc, ayant porté en particulier sur la valeur de la demeure de son épouse au Touquet, Emmanuel Macron a finalement admis qu’il devait payer l’ISF et déposé une déclaration rectificative pour les années 2013 et 2014 », selon Mediapart. La sous-évaluation du patrimoine immobilier serait donc la cause de l’entrée du couple dans le barème de l’ISF.
Sous-évaluer sa maison ou son appartement est un sport national chez les foyers assujettis à l’ISF. A ce titre, le fait qu’Emmanuel Macron et son épousent auraient minoré la valeur de leur résidence secondaire à 1,2 million d’euros, et non 1,4 million selon le fisc, ne serait pas très surprenant. Les époux Macron se seraient comportés comme nombre d’autres contribuables. Impossible cependant de vérifier les faits relatés par Mediapart et le Canard Enchaîné.
En revanche, les données sur l’appartement parisien d’Emmanuel Macron sont publiques, puisqu’il en a fait mention dans sa déclaration à la HATVP. Et force est de constater que le ministre n’a probablement pas sous-évalué ce bien, bien au contraire (voir ci-après).
Appartement à Paris : « J’ai acheté cher »
VRAI
Le Canard Enchaîné relève que l’ex-secrétaire général adjoint de François Hollande à l’Elysée n’a revalorisé que de 5% la valeur de son appartement de 83 m² avec terrasse situé dans le XVème arrondissement de Paris entre 2007 et 2014, alors que les prix dans cet arrondissement de la capitale ont grimpé de plus de 30% dans l’intervalle. Les faits sont facilement vérifiables : Emmanuel Macron a levé le voile sur le prix d’acquisition du bien en juin 2007 (890.000 euros auxquels se sont ajoutés 70.000 euros de travaux) et sur le prix de marché du bien au 24 octobre 2014 (935.000 euros), date de sa déclaration de situation patrimoniale à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
Une preuve de sous-évaluation ? Pas sûr. « J’ai acheté cher », se justifie le ministre auprès du Canard. Ce qui l’aurait conduit à augmenter très modérément l’évaluation de son bien en 7 ans. Un discours cohérent : le ministre a acquis son bien au prix de 10.700 euros le mètre carré en 2007, bien au-delà des prix de l’époque : au deuxième trimestre 2007, les appartements anciens vendus libres de gré à gré et en pleine propriété se négociaient à 6.390 euros le mètre carré. Le ministre aurait surpayé son bien de 68% par rapport au prix d’alors ! Avec une telle surcote, l’ex-banquier d’affaires de Rothschild & Cie a manifestement eu un véritable coup de cœur pour ce bien. Qu’il aurait vendu fin 2015, selon le Canard Enchaîné. A un prix tenu cette fois confidentiel.
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