« Un risque d’abus de droit fiscal pour les FIP adossés à de l’immobilier »

Par Olivier Brunet

INTERVIEW – Pour Florent de Kersauson, président-fondateur de Nestadio Capital, la collecte des fonds d’investissement de proximité est dévoyée au profit de sociétés adossées à des actifs immobiliers, hôtels et Ehpad en tête. Il défend un retour aux sources des FIP-FCPI et de leurs avantages fiscaux associés, au profit des PME en croissance et innovantes.  

Florent de Kersauson, fondateur de Nestadio Capital

Toutsurmesfinances.com : Vous poussez un coup de gueule sur une dérive des fonds fiscaux. Votre cible, les offres de titres et les fonds d’investissement de proximité à connotation immobilière. Pour quelle raison ?

Florent de Kersauson, président-fondateur de Nestadio Capital : Depuis deux ans, les souscripteurs de fonds ISF ont un comportement ambivalent. D’un côté, ils veulent réduire leur impôt, mais de l’autre, ils veulent éluder le risque. Les sociétés de gestion ont trouvé la martingale en créant des produits en phase avec cette problématique, qui offrent une défiscalisation tout en atténuant énormément les risques encourus grâce à un adossement à des actifs immobiliers. Je ne veux pas critiquer mes collègues, dont les produits sont évidemment très bien conçus. Néanmoins, ils n’ont à mon sens rien à faire dans un schéma de défiscalisation.

En quoi est-ce problématique ?

Cette logique s’éloigne de l’esprit de la loi : on détourne des capitaux qui devraient être alloués exclusivement à des sociétés en croissance. Nous ne sommes plus dans le schéma des entreprises ciblées au départ par le législateur. La collecte des FIP et FCPI – 600 à 900 millions d’euros par an selon les millésimes – est pourtant indispensable pour couvrir les besoins en fonds propres des PME. Elle représente près de 40% des dotations en capital de ces entreprises, l’autre gros morceau étant drainé par l’argent privé des entrepreneurs et de leurs proches. Le détournement de cette collecte risque fort d’handicaper fortement ces entreprises. Or nous pouvons constater que ces fonds à orientation immobilière captent désormais plus de la moitié de la collecte des FIP et FCPI. On le voit bien quand un réseau de distribution propose un produit traditionnel et un autre adossé à de l’immobilier : ce dernier rafle 80 à 90% de la collecte.

Quel est le profil-type des fonds que vous incriminez ?

Je pense essentiellement aux fonds d’investissement de proximité investis dans l’hôtellerie et les Ehpad (maisons de retraite médicalisées, NDLR). Ils proposent d’investir sous couvert de sociétés commerciales qui permettent à première vue de respecter la loi. Pourtant, dans certaines offres, la proportion d’immobilier dans l’actif des entreprises financées est prépondérante. Et la gestion des établissements est déléguée à de grands groupes spécialisés dans l’hôtellerie ou la prise en charge de la dépendance, auxquels on offre la possibilité de racheter les murs au bout de 6 ans. Tout est organisé pour en faire un pur produit financier, sécurisé et garanti !

« La réduction d’ISF n’a pas pour vocation de financer de l’immobilier »

Comment faire pour revenir à l’esprit de la loi ?

Cette pratique devrait être exclue du dispositif ISF-PME. La réduction d’ISF n’a pas pour vocation de financer de l’immobilier, ce d’autant que la rénovation d’un hôtel peut parfaitement trouver des financements traditionnels. On a l’impression d’assister au même type de dérives qui ont conduit le Parlement à voter il y a quelques années l’inéligibilité des centrales de production d’électricité d’origine éolienne ou solaire photovoltaïque.

Les pouvoirs publics sont-ils au courant ?

Nous avons interrogé l’administration fiscale sur ce thème. Elle nous a vivement déconseillé de lancer un FIP de ce type, les souscripteurs étant susceptibles d’être redressés au titre de l’abus de droit fiscal. Nous avons donc fait le choix de ne pas faire courir ce genre de risque à nos souscripteurs, malgré la pression concurrentielle qui pousse la plupart des sociétés de gestion à proposer ce type d’offres. La DLF (Direction de la législation fiscale) s’est emparée du sujet et nous avons informé la région Bretagne ainsi que le cabinet du ministre de l’Economie Emmanuel Macron. Quant à l’AMF (Autorité des marchés financiers), dont l’une des missions est d’assurer la protection de l’épargnant, la situation n’est pas de son ressort : valider la conformité fiscale du produit n’entre pas dans ses attributions, elle demande simplement une note fiscale à l’appui de la demande d’agrément d’un fonds. Reste à savoir si la donne changera par la répression fiscale ou par la voie législative.

Attaquer les FIP adossés à de l’immobilier, n’est-ce pas tenter de préserver votre business ? On peut considérer que vous êtes juge et partie…

Nous avons financé nombre d’entreprises créatrices de valeur et d’emplois, qui n’auraient pas pu émerger sans nos fonds ISF, l’enjeu va bien au-delà de notre propre situation. Cela dit, nous sommes très fiers de nos investissements. Je pense par exemple à la société caennaise Medgic Group, qui équipe les Ehpad en logiciels de gestion ou à la société rennaise Taztag qui exporte 90% de ses ventes de terminaux sécurisés et dont la technologie équipe la flotte de téléphones du gouvernement. Il y a eu aussi des sinistres, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’un avantage fiscal est conféré par la loi. Certains de nos fonds affichent d’excellentes performances, d’autre pas. Rendez-vous à la fin de l’année pour la première liquidation d’un de nos fonds…

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