« Au barème de l’ISF 2013, une personne imposable s’appauvrit »

Par Olivier Brunet

Barème, taux, emprunts, démembrement, résidence principale… Fabien Vatinel, directeur de l’ingénierie patrimoniale de la banque privée Neuflize OBC, décrypte l’ISF dans sa version 2013.

isf 2013, fabien vatinel, neuflize obc

 

Toutsurlisf.com : L’ISF 2013 a été réformé conformément au programme présidentiel de François Hollande. Quelle mesure a retenu votre attention ?
Fabien Vatinel : La dernière loi de finances votée fin 2012 acte le retour à un barème progressif de l’ISF en 2013, après la contribution exceptionnelle mise en place temporairement l’an passé. La réforme Sarkozy de 2011 basée sur un barème à deux taux de 0,25 et 0,50% dès le premier euro de patrimoine taxable est donc enterrée sans avoir pu s’appliquer. On peut également remarquer que le taux marginal (taux le plus élevé du barème, NDLR) s’arrête à 1,5% au-delà de 10 millions d’euros pour l’ISF 2013 au lieu 1,8% au-delà de 16,79 millions d’euros jusqu’en 2011.

 

Peut-on en conclure que les nouveaux taux d’imposition à l’ISF en 2013 sont plus cléments qu’auparavant ?
Pas tout à fait. Certes, le taux de la tranche marginale va moins haut qu’en 2011. Mais depuis que l’impôt sur la fortune existe, qu’il s’agisse de l’IGF (impôt sur les grandes fortunes) de 1982 à 1986 ou de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) de 1989 à nos jours, jamais les rendements du patrimoine n’ont été aussi faibles qu’aujourd’hui. Actuellement, la rémunération des actifs sans risque est inférieure à 1% sur les produits monétaires et de moins de 3% sur les assurances vie en euros, contre des taux de l’ordre de 10% et 13% en 1982. A l’époque, le tarif de l’IGF était donc plus supportable que le barème de l’ISF 2013 même en tenant compte de l’inflation plus élevée. Avec un patrimoine qui rapporte moins de 4% à 7% de rendement brut, une personne soumise à l’ISF s’appauvrit, compte tenu de l’inflation, de sa tranche d’imposition à l’ISF et de l’impôt sur ses revenus.

 

La réforme de l’ISF pour 2013 modifie également la prise en compte de certaines dettes…
Le changement n’est pas anodin. Avant l’entrée en vigueur de ce texte, certaines opérations patrimoniales d’achat à crédit pouvaient présenter un intérêt supplémentaire pour les personnes disposant de patrimoines importants et n’ayant pas le besoin de disposer de revenus complémentaires.

 

Comment fonctionnaient ces schémas d’optimisation ?
Le contribuable réalisait l’acquisition d’un bien immobilier en nue-propriété avec un usufruit temporaire acquis par un tiers, généralement un investisseur institutionnel du type compagnie d’assurance. Le nu-propriétaire bénéficiait ainsi d’une décote sur son prix d’achat puisqu’il ne bénéficie pas des revenus locatifs générés par le bien. Effet induit de l’opération, le nu-propriétaire n’est pas imposé à l’ISF jusqu’à l’extinction de l’usufruit, seul l’usufruitier personne physique étant redevable de l’ISF sur la valeur en pleine propriété du bien ayant fait l’objet du démembrement. Si de surcroît l’acquisition est financée par emprunt, cette dette pouvait être déductible au passif au titre de l’ISF.
Aujourd’hui ce n’est plus le cas : l’avantage qui existait pour l’emprunteur a été supprimé. Cette suppression concerne également l’achat à crédit de la nue-propriété de parts de SCPI par exemple. Désormais, seules les dettes correspondant à des biens imposables sont déductibles, mais plus celles correspondant à des biens non pris en compte dans l’assiette de l’ISF. Celles afférentes à des biens exonérés n’ont jamais été admises en déduction.

 

Cette nouvelle définition des passifs déductibles a-t-elle des conséquences sur le calcul d’un crédit immobilier ayant servi au financement d’une résidence principale ?
L’article 885 G quater du CGI vise les dettes contractées pour l’acquisition de biens exonérés d’ISF ou non imposables. La résidence principale est pour sa part un bien totalement imposable, l’abattement de 30% dont elle bénéficie dans votre déclaration d’ISF n’étant qu’une modalité de valorisation du bien. Vous pouvez donc toujours réduire la totalité de votre emprunt sans appliquer la même décote de 30% au passif.

 

La déclaration d’ISF a-t-elle subi des modifications ?
Pas directement. Il existe depuis 2012 deux modalités de déclaration : soit la déclaration d’ISF à proprement parler, soit un devoir limité à la mention dans l’imprimé 2042 C de la déclaration de revenus du montant brut et net de leur patrimoine. L’année dernière, ces modalités allégées étaient ouvertes aux redevables disposant d’un patrimoine inférieur à 3 millions d’euros. En 2013, ce n’est plus possible dès l’atteinte du seuil de la troisième tranche du barème, soit un patrimoine net imposable supérieur à 2,57 millions d’euros.
Conséquence, une personne qui se trouvait avec 2,8 millions d’euros de patrimoine pouvait bénéficier de ces modalités déclaratives particulières l’an passé, mais ne le pourra plus en 2013. En outre, la date de paiement de l’impôt n’est pas la même. En cas de déclaration ISF, le dépôt de la déclaration doit être accompagné du paiement de l’impôt. En revanche, en cas de modalité déclarative allégée, le paiement de l’ISF se trouve reporté en septembre, après réception d’un avis d’imposition au mois d’août.

 

Y a-t-il des stratégies envisageables pour diminuer l’ISF à payer en 2013 ?
Ne restent plus que les investissements dans les PME et les dons à certains organismes d’intérêt général, à effectuer avant la date-limite de déclaration, soit le 17 juin, soit, si vous déclarez votre patrimoine imposable avec votre déclaration des revenus, la date limite correspondant au dépôt de la déclaration d’impôt sur les revenus (27 mai pour une déclaration papier ou plus tard en cas de déclaration par Internet). Pour réduire l’assiette imposable à l’ISF, il est trop tard : ce que vous entreprendrez ne s’imputera que sur votre patrimoine au 1er janvier 2014.

 

Quelles sont les précautions à prendre ?
Les exonérations d’ISF peuvent être soumises à conditions, je pense notamment aux bois et forêts ou aux biens professionnels. S’agissant en particulier des œuvres d’art, celles-ci sont en principe exonérées, de même que les antiquités et les objets de collection. Mais cette règle générale est assortie d’un certain nombre de subtilités à connaître. Les statues et sculptures doivent par exemple être exécutées de la main de l’artiste lui-même. Et acheter un véhicule de collection dans une vente publique ne peut suffire à justifier une exonération, exonération qui n’est admise par l’administration que dans des cas très précis : votre véhicule doit avoir plus de 40 ans, ou plus de 25 ans s’il n’en subsiste que moins de 2% d’exemplaires. Une voiture de compétition de plus de 5 ans est admise mais seulement si elle présente un palmarès majeur. Il en va de même pour les automobiles présentant un caractère historique ou une originalité technique ou celles âgées de plus de 15 ans sous certaines conditions.

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