ISF : le patron de PME moins libre de défiscaliser dans son entreprise

Par Olivier Brunet

Les chefs d’entreprise ont échappé de peu à une interdiction totale de la défiscalisation ISF au titre de l’investissement dans leur propre PME. Mais la réforme exigée par Bruxelles rend quasiment impossible cette pratique depuis le 1er janvier 2016.  

ISF PME : le patron dindon de la farce ?

Investir dans sa propre boîte pour bénéficier d’une réduction d’ISF dans le cadre du dispositif ISF PME va désormais relever de l’exploit pour un chef d’entreprise. Jusqu’en 2015, un patron de PME jouissait d’une relative liberté pour payer chaque année jusqu’à 45.000 euros d’impôt de solidarité sur la fortune en moins. A condition que son entreprise respecte les critères prévus par la loi, il pouvait imputer sur son impôt 50% des sommes investies dans la limite de 90.000 euros injectés par an.

Ensuite, il était soumis au régime de droit commun : comme tout autre investisseur, il était tenu de conserver ses parts jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de sa souscription, sous peine de reprise de la réduction d’impôt par l’administration fiscale. Applicable aux augmentations de capital de sociétés déjà constituées, le procédé était aussi valable pour les souscriptions au capital initial par les créateurs d’entreprise.

Restrictions depuis le 1er janvier 2016

Les entrepreneurs ont eu un délai de quelques jours pour profiter pour la dernière fois de ce mécanisme sans entraves. Il est maintenant trop tard, à cause de la réforme du dispositif ISF-PME adoptée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2015. Depuis 1er janvier 2016, les souscriptions au capital de PME sont plus restrictives, tout particulièrement pour les chefs d’entreprise.

Désormais, un redevable de l’ISF ne pourra imputer sur son impôt 50% des versements effectués que dans le cadre de ce que la loi appelle un « investissement de suivi », une notion qui n’existait pas jusqu’à présent dans le droit fiscal. Précisément, la défiscalisation restera possible mais seulement en respectant les conditions cumulatives suivantes :
– Avoir bénéficié lors de son investissement initial d’une réduction d’ISF ;
– Avoir prévu dans le business plan de la société bénéficiaire des versements « de possibles investissements de suivi » ;
– Investir dans une entreprise restée indépendante sur le plan capitalistique à l’occasion de l’investissement de suivi.

« Si un chef d’entreprise qui a monté sa boîte n’a jamais investi dans celle-ci, ni bénéficié à ce titre d’une réduction d’ISF, il ne pourra plus bénéficier à l’avenir de la réduction ISF-PME », résume un avocat spécialisé.

Compromis acceptable pour Bruxelles

Les patrons de PME peuvent se consoler en disant qu’ils conservent une petite chance d’obtenir une réduction d’ISF. Celle-ci aurait dû purement et simplement disparaître : le premier jet du gouvernement prévoyait expressément une exclusion des personnes déjà associées ou actionnaires, en réservant le bénéfice de l’avantage fiscal à des investisseurs extérieurs.

Au terme de vifs débats qui ont opposé l’ancien secrétaire d’Etat au Budget Christian Eckert et la rapporteure générale (PS) du Budget à l’Assemblée nationale Valérie Rabault sur l’interprétation des règlements européens, les parlementaires ont finalement adopté un compromis qui réduit comme peau de chagrin les possibilités d’investissement des entrepreneurs.

Dans l’Hémicycle, la députée socialiste du Tarn-et-Garonne a à plusieurs reprises dénoncé l’injustice faite aux créateurs d’entreprise. En vain, à la lumière du dispositif finalement adopté qui vise à satisfaire les exigences de Bruxelles. En laissant le champ libre aux chefs d’entreprise, l’ensemble de la réforme de l’ISF-PME aurait été invalidée par la Commission européenne, faisait valoir Christian Eckert.

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