Les transmissions de patrimoine transfrontalières entre la France et la Suisse sont susceptibles d’être soumises à double imposition à partir de 2015 en raison de la dénonciation par Paris de la convention fiscale franco-suisse sur les successions. Toutefois, de nombreux cas d’exonération subsistent. .
Succession : double imposition Suisse-France possible au 1er janvier 2015
Pour la première fois depuis 1953, certains Suisses vivant en France et Français expatriés en Suisse risquent de subir une double imposition lorsqu’ils hériteront d’un parent résidant outre-Jura. C’est la conséquence probable de la notification le 17 juin 2014 par la France à la Confédération helvétique de la dénonciation de la convention fiscale franco-suisse du 31 décembre 1953 en matière d’impôts sur les successions. Chaque Etat pouvait dénoncer la convention – autrement dit y mettre un terme – pour la fin d’une année civile « sous réserve d’un préavis de six mois ». Ce que Paris a choisi de faire cette année avec prise d’effet au terme de l’année 2014.
Source de contentieux
Cette convention « cesse donc de produire ses effets pour les successions de personnes décédées à partir du 1er janvier 2015 », vient donc de rappeler l’administration fiscale française au Bofip. De son côté, l’administration fédérale fait savoir que « la Suisse et la France appliqueront chacune leur droit interne en matière de successions » dès 2015.
Pour Claudine Schmid, députée UMP des Français établis en Suisse et au Liechtenstein, le vide conventionnel créé par cette dénonciation va entraîner une « insécurité juridique » et « un risque d’inflation des contentieux » puisque plus aucun dispositif ne sera applicable pour régler à l’amiable d’éventuels litiges. En juin dernier, Christian Eckert, secrétaire d’Etat au Budget, avait justifié devant l’Assemblée nationale la dénonciation de la convention fiscale au motif qu’elle n’était pas assez favorable aux finances publiques françaises. « Elle donnait lieu à des situations de sous-imposition, voire de double non-imposition sur des transmissions transfrontalières, y compris de biens situés en France », déplorait-il.
Taxation en France de biens jusque-là imposables seulement en Suisse
Quelles seront les conséquences de l’absence de convention fiscale en cas de décès à partir de 2015 ? Si le défunt est domicilié fiscalement en Suisse, cette situation nouvelle va provoquer une imposition en France des immeubles situés sur le sol suisse si l’héritier est établi en France depuis plus de 6 ans. Il en va de même pour les titres de sociétés suisses ou françaises et les comptes bancaires. Jusqu’à présent, la plupart de ces biens étaient imposables uniquement en Suisse. Surtout, la convention fiscale permettait d’éviter l’assujettissement aux droits de succession français pour les sociétés à prépondérance immobilière (dont l’actif est constitué pour plus de 50% d’immeubles situés en France). Désormais, ces biens seront de facto inclus dans la base taxable à la fiscalité française.
Dans le cas inverse, celui du décès d’un parent domicilié fiscalement en France dont l’héritier a sa résidence fiscale dans la Confédération, le principal changement porte sur la double imposition d’un immeuble sis en Suisse et celle des titres de sociétés françaises détenant au moins un immeuble en Suisse. Globalement, c’est donc bien le poids de l’impôt français qui est appelé à peser plus lourd.
Exonérations des deux côtés du Jura
En pratique, les cas de double imposition devraient cependant s’avérer limités. D’abord parce que le droit fiscal français prévoit des exonérations pour les époux et partenaires de Pacs, ainsi que des abattements fiscaux sur les parts d’héritage revenant à chacun des bénéficiaires. Ces abattements atteignent par exemple 100.000 euros sur la part perçue par chacun des enfants. De surcroît, il n’y a pas d’impôt général sur les successions en Suisse, cet impôt étant du ressort cantonal. Ainsi, le Canton de Schwytz, situé en Suisse alémanique, ne taxe pas les successions. Et comme en France, les conjoints sont exonérés dans tous les cantons. Il en va de même pour les descendants directs (les enfants), exonérés dans la plupart des cantons à l’exception de trois (Appenzell Rhodes-Intérieures, Neuchâtel et Vaud) où des déductions ou franchises s’appliquent jusqu’à certains seuils dont les montants diffèrent d’une entité cantonale à l’autre.
Last but not least, le Code général des impôts (CGI) français prévoit un allègement de la charge fiscale en cas de double imposition au travers d’un crédit de l’éventuel impôt suisse sur les droits de succession payés en France.
Ces dispositions vont concerner environ 350.000 personnes sans compter leurs héritiers : plus de 190.000 Suisses vivant en France et plus de 160.000 Français vivant en Suisse selon les statistiques officielles des deux pays.
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