Un don familial d’une somme d’argent à un descendant affecté à la création d’entreprise, à la construction d’une maison ou à des travaux de rénovation énergétique de la résidence principale bénéficie d’une exonération temporaire dans la limite de 100.000 euros par donateur. Durée, conditions d’affectation, bénéficiaires, formulaire à remplir… Tout sur l’abattement exceptionnel de droits de mutation à titre gratuit instauré dans le cadre de la crise de la Covid-19.
Abattement fiscal exceptionnel 2021 pour don de somme d’argent : conditions, utilisation et démarches
Abattement exceptionnel Covid-19 en faveur d’un don familial
Un nouvel abattement fiscal exceptionnel et temporaire sur certains dons familiaux de sommes d’argent a été instauré par l’article 19 de la 3ème loi de finances rectificative pour 2020, publiée le 31 juillet 2020 au Journal officiel.
Il s’agit d’exonérer de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) les dons d’argent consentis en pleine propriété en faveur de certains membres de la famille dans la limite de 100.000 euros par donateur, et sous réserve d’affecter les sommes reçues à l’une des utilisations imposées par le législateur.
Cet abattement exceptionnel a été institué en pleine crise économique et sanitaire de la Covid-19. Il vise à favoriser :
- la construction de logements neufs
- la rénovation énergétique des logements
- le financement en fonds propres de jeunes entreprises en création ou de moins de 5 ans
Le dispositif est en vigueur pour les dons consentis entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021.
Abattement de 100.000 euros prévu à l’article 790 A bis du CGI
L’abattement exceptionnel de 100.000 euros de droits de mutation à titre gratuit sur les dons familiaux de sommes d’argent consentis en pleine propriété est prévu à l’article 790 A bis du CGI (Code général des impôts), modifié par la loi n°2020-935 du 30 juillet 2020 (article 19).
Le dispositif n’a pour l’heure fait l’objet d’aucun commentaire au BOFiP, le bulletin officiel des finances publiques (recueil de la doctrine de l’administration fiscale).
Bénéficiaires du nouvel abattement sur les donations
Les bénéficiaires des dons de sommes d’argent exonérés de fiscalité (appelés donataires dans le texte de loi) sont définis par le texte de loi. La liste des bénéficiaires, limitative, est la suivante :
- enfant
- petit-enfant
- arrière-petit-enfant
- neveu ou nièce en l’absence de descendance.
Il s’agit clairement de gratifier les jeunes générations, l’exonération temporaire ne pouvant bénéficier ni à un conjoint, ni à un partenaire de Pacs, ni à un ascendant, ni aux frères et sœurs.
En pratique, il résulte des conditions d’utilisation du don (qui exigent d’avoir créé une entreprise, d’être propriétaire de sa résidence principale ou de la faire construire) que le donateur est une personne majeure, même si le texte n’interdit pas expressément les dons aux personnes mineures.
Le bénéficiaire doit en outre utiliser rapidement les sommes ainsi reçues (délai de 3 mois, voir ci-dessous) et respecter les règles d’utilisation prévues par la loi.
Ainsi, lorsque les sommes d’argent sont affectées à la souscription au capital d’une jeune entreprise, le donataire doit exercer dans ladite entreprise, « pendant une durée minimale de trois ans à compter de la souscription, son activité professionnelle principale » ou l’une fonction de direction suivantes lorsque la société est soumise à l’IS (impôt sur les sociétés) :
- gérant de SARL (société à responsabilité limitée)
- gérant de SCA (société en commandite par actions)
- associé d’une société de personnes
- président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une société par actions.
Donation exonérée de somme d’argent : une limite spécifique par donateur
La limite d’exonération de 100.000 euros applicable aux donations effectuées au titre de l’article 790 A bis du CGI est fixée par donateur.
Comme le stipule le texte de loi, « la somme des donations ayant bénéficié de l’exonération […] ne peut excéder un montant de 100.000 euros » pour un même donateur.
Ainsi, une personne souhaitant gratifier à la fois ses enfants et petits-enfants ne pourra pas donner plus de 100.000 euros au total en franchise d’impôt dans ce cadre.
Par ailleurs, le plafond de 100.000 euros s’applique quel que soit le lien de parenté entre le donateur (celui qui donne) et le donataire (celui qui reçoit).
Cette limitation est spécifique aux dons de sommes d’argent effectués au titre de l’article 790 A bis du CGI, elle diffère des règles habituellement applicables toujours en vigueur. Classiquement, les abattements sur les donations et les dons de sommes d’argent sont appréhendés par bénéficiaire, et la limite est établie en fonction du lien de parenté s’agissant des abattements sur les donations de droit commun.
Cela signifie, dans le cas présent, que deux grands-parents n’ayant qu’une petite-fille pourront lui donner chacun 100.000 euros en franchise d’impôt au titre des dons de sommes d’argent exonérés prévus à l’article 790 A bis du CGI.
Donation exonérée entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021
L’exonération de droits de mutation à titre gratuit prévue à l’article 790 A bis du CGI est temporaire : elle porte sur les dons de sommes d’argent consentis entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021, dans la limite de 100.000 euros par donateur et sous condition d’affectation.
Les donateurs ont donc moins d’un an pour passer à l’acte.
Pour le moment, il n’est pas prévu de proroger cette période.
Conditions d’utilisation des sommes d’argent par le donataire
L’utilisation du don est strictement encadrée par la loi. Les sommes d’argent doivent être affectées :
- soit à la souscription au capital initial (entreprise en création) ou à une augmentation de capital d’une petite entreprise non cotée en Bourse de moins de 5 ans n’ayant pas encore distribué de dividende (sous condition d’exercer certaines fonctions de direction pendant au moins trois ans).
- soit à la réalisation de travaux et dépenses éligibles à la prime MaPrimeRénov’ effectués en faveur de la rénovation énergétique de la résidence principale dont le donataire est propriétaire
- soit à la construction de la résidence principale
Il résulte de ces règles les exclusions suivantes :
- le don ne peut pas être affecté au financement en fonds propres d’une société si le donataire d’y exerce aucune fonction de direction
- le don ne peut pas être affecté au financement d’une holding patrimoniale
- le don ne peut pas être affecté aux travaux de rénovation d’une résidence secondaire
- le don ne peut pas être affecté à l’acquisition d’un appartement acquis sur plan en Vefa (vente en l’état futur d’achèvement), à la lumière des débats au Parlement intervenus dans le cadre du dépôt d’amendements au projet de loi de finances pour 2021 visant (en vain pour le moment) à étendre le dispositif aux acquisitions en Vefa ; une incompatibilité confirmée le 27 avril 2021 par le ministère de l’Économie dans une réponse ministérielle (Rép. min. Louwagie n°35345).
Délai d’utilisation du don exonéré
Le donataire doit utiliser les sommes d’argent reçues « au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant le transfert », selon le texte de loi.
Exemples d’application de ce délai d’utilisation de trois mois (plus le mois en cours) :
- transfert d’argent le 15 juillet 2020 : utilisation au plus tard le 31 octobre 2020
- transfert d’argent le 1er août 2020 : utilisation au plus tard le 30 novembre 2020
- transfert d’argent le 30 septembre 2020 : utilisation au plus tard le 31 décembre 2020
- transfert d’argent le 20 octobre 2020 : utilisation au plus tard le 31 janvier 2021
- transfert d’argent le 10 novembre 2020 : utilisation au plus tard le 28 février 2021
- transfert d’argent le 24 décembre 2020 : utilisation au plus tard le 31 mars 2021
- transfert d’argent le 2 janvier 2021 : utilisation au plus tard le 30 avril 2021
- transfert d’argent le 14 février 2021 : utilisation au plus tard le 31 mai 2021
- transfert d’argent le 22 mars 2021 : utilisation au plus tard le 30 juin 2021
- transfert d’argent le 8 avril 2021 : utilisation au plus tard le 31 juillet 2021
- transfert d’argent le 22 mai 2021 : utilisation au plus tard le 31 août 2021
- transfert d’argent le 24 juin 2021 : utilisation au plus tard le 30 septembre 2021
Démarches et formulaire Cerfa pour bénéficier du don exonéré
Le don peut être réalisé par le donateur par chèque, par remise d’espèces ou par virement bancaire, sans obligation de passer devant notaire.
Pour bénéficier de l’exonération, le donataire (personne bénéficiaire du don) doit remplir la déclaration n°2735-SD (formulaire Cerfa 11278*17) en deux exemplaires et l’adresser au service de l’administration fiscale chargé de l’enregistrement du domicile du donataire.
Aucun délai de dépôt n’est précisé ni par le texte de loi, ni par la notice du formulaire de déclaration.
La personne qui reçoit n’est pas tenue de joindre des pièces justificatives à son formulaire, mais doit les conserver « à la disposition de l’administration », selon les termes du texte de loi.
Don familial rapportable à la succession
Le don familial effectué au titre de l’article 790 A bis du CGI est rapportable à la succession du donateur.
Cela veut dire qu’au décès du donateur :
- les sommes reçues par chaque héritier sont réévaluées au jour du décès
- la valeur du partage entre héritiers au jour du décès doit être égale, en réintégrant les dons et donations effectués par le donateur de son vivant
Conséquence : en présence de deux héritiers et en cas d’affectation du don à la souscription au capital d’une entreprise dont la valeur s’est envolée, l’héritier bénéficiaire devra verser une soulte (somme versée en compensation) à l’autre héritier pour que le partage de la succession soit équitable.
Cumul de l’abattement exceptionnel avec les abattements de droit commun
L’abattement exceptionnel de 100.000 euros est cumulable avec les abattements fiscaux usuels suivants :
- abattement de 100.000 euros pour donation en ligne directe (parents aux enfants vivants ou représentés)
- abattement de 31.865 euros pour donation au profit d’un petit-enfant
- abattement de 5.310 euros pour donation au profit d’un arrière-petit-enfant
- abattement de 7.967 euros pour donation au profit d’un neveu ou d’une nièce
- abattement de 31.865 euros pour don familial de somme d’argent d’une personne âgée de plus de 80 ans au profit d’un enfant, petit-enfant, arrière-petit-enfant ou à un neveu/nièce à défaut de descendance si le bénéficiaire est majeur, âgé d’au moins 18 ans.
Pour rappel, chacun des abattements ci-dessus est valable pour une période de 15 ans.
Non-cumul avec tout autre avantage fiscal et MaPrimeRénov’
Le droit à l’abattement exceptionnel ne peut se cumuler avec un autre avantage fiscal auquel le donataire (celui qui reçoit) aurait pu espérer prétendre au moment d’affecter les fonds reçus.
Le texte de loi énumère dans une liste les avantages fiscaux suivants ne pouvant être cumulés avec l’abattement exceptionnel :
- réduction d’impôt Girardin pour investissements outre-mer
- réduction d’impôt IR-PME pour investissement au capital d’une PME
- réduction d’impôt au titre des emprunts souscrits pour la reprise d’une entreprise
- crédit d’impôt pour la transition énergétique (Cite) au titre des travaux de rénovation de la résidence principale
- déduction de charges au titre des revenus fonciers ou de tout autre revenu catégoriel
Ces limitations sont conformes au principe selon lequel une même opération ne peut générer deux avantages fiscaux.
De la même manière, lorsque le don est affecté à des travaux de rénovation énergétique de la résidence principale, le bénéficiaire n’a pas le droit de bénéficier en plus de l’aide financière MaPrimeRénov’ (interdiction expressément prévue par le texte de loi).
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