Haffner Energy, PME récemment repositionnée dans la vente de modules de production d’hydrogène décarboné à partir d’une technologie propriétaire issue d’une décennie de R&D, a réussi à lever plus de 71 millions d’euros dans le cadre de son projet d’introduction en Bourse. Objectif : financer son déploiement commercial et industriel pour atteindre plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires dans quatre ans.
Haffner Energy, qui conçoit et commercialise des modules de production d’hydrogène vert à partir de biomasse, a lancé avec succès son introduction en Bourse sur Euronext Growth, le compartiment des sociétés de croissance de la Bourse de Paris. L’entreprise avait obtenu l’approbation de son prospectus par l’Autorité des marchés financiers (AMF), en date du 28 janvier 2022.
L’opération a, au final, pris la forme d’une augmentation de capital d’un montant de 66,7 millions d’euros (incluant la prime d’émission), à laquelle s’ajoute l’exercice partiel de la clause d’extension à hauteur de 5 millions d’euros. Au final, l’offre atteint 71,7 millions. Initialement, elle avait été envisagée à un montant brut compris entre 66,7 et 79,3 millions d’euros (73 millions d’euros en milieu de fourchette), par émission de 8.342.857 actions nouvelles.
Avant le lancement de l’offre, la société avait déjà reçu un engagement de souscription de HRS, concepteur et fabricant de stations de ravitaillement en hydrogène coté depuis 2021, à hauteur de 3 millions d’euros, et de Hassen Rachedi, PDG de HRS via sa holding HR Holding, à hauteur de 5 millions d’euros. Au total, les engagements de souscription ont atteint 37 millions d’euros, soit 51% du montant de l’offre sur la base du prix médian de l’offre.
La levée de fonds vise à financer notamment :
Une tranche de l’opération avait été classiquement réservée aux actionnaires individuels, soit au moins 10% des titres offerts.
La levée de fonds était complétée par une cession de titres d’un actionnaire minoritaire, Kouros SA, uniquement dans le cadre des rallonges (clause d’extension et option de surallocation).
Le prix de l’action Haffner Energy a finalement été fixé à 8 euros. Ce montant correspond au plus bas de la fourchette indicative, qui proposait un prix compris entre 8 et 9,50 euros par action (soit un prix médian de 8,75 euros). La fourchette de prix indicative avait été rendue publique par voie de communiqué de presse et dans la note d’opération.
Au final, avec une action proposée au prix de 8 euros l’unité, la capitalisation boursière s’affiche à environ 358 millions d’euros.
Le flottant représente 8,7% du capital de la société. Il pourra être porté à environ 11,7% du capital en cas d’exercice intégral de l’option de surallocation.
Initialement, au regard de la fourchette indicative, la capitalisation boursière prévisionnelle était la suivante :
Basée à à Vitry-le-François (Marne) et issue de la reprise en 1993 d’un bureau d’études à Saint-Herblain (Loire-Atlantique, où elle dispose toujours d’un établissement secondaire), Haffner Energy est une société qui exerce désormais une activité de concepteur, assembleur et fournisseur de technologies et services permettant à ses clients de produire de l’hydrogène décarboné à partir de procédés de thermolyse (chauffe entre 450°C et 550°C, sans oxygène) de la biomasse (résidus agricoles, résidus forestiers, déchets organiques, fumier).
Pendant près de 30 ans et jusqu’à récemment, l’entreprise était spécialisée dans l’ingénierie et la réalisation de centrales de cogénération (production d’eau chaude, d’électricité et d’énergie thermique), activité que les dirigeants ont choisi d’arrêter pour repositionner Haffner Energy sur le marché de l’hydrogène. Repositionnement qui s’est concrétisé par la réalisation d’une première installation de ses modules Hynoca de production d’hydrogène à Strasbourg, en 2021, 11 ans après l’initiation des travaux de R&D.
Haffner Energy s’est fixée des objectifs financiers qu’elle qualifie elle-même d’« ambitieux » avec un chiffre d’affaires :
L’atteinte d’un seuil de rentabilité (Ebitda ou résultat brut d’exploitation positif) est attendu en 2023/2024. Haffner Energy vise à terme une marge d’Ebitda de plus de 25% qui doit provenir d’économies d’échelle, lesquelles découleront entre autres de l’internalisation de la production via la mise en service future d’un site d’assemblage de modules Hynoca.
Ces objectifs chiffres reposent uniquement sur la vente de modules Hynoca ; ils ne tiennent pas compte de l’exploitation du biochar, co-produit issu de la thermolyse de la biomasse, ni de prestations de type EPC (Engineering, Procurement and Construction) autour des équipements Hynoca, alors que la société maîtrise ce type de compétences au titre de son activité historique.
L’exercice en cours doit marquer la fin des facturations issues de l’activité historique, alors que le premier chiffre d’affaires issu de la vente de modules de production d’hydrogène a été reconnu au cours de l’exercice clos le 31 mars 2021.
Haffner Energy indique, dans son document d’enregistrement, que ses objectifs financiers et sa stratégie « sont fondés sur un besoin de financement de l’ordre de 80 millions d’euros ».
Si l’entreprise entend se reposer sur la sous-traitance industrielle pour fabriquer ses modules pour les exercices 2022/2023 et 2023/2024, elle dit envisager le transfert des opérations d’assemblage sur un site détenu en propre :
Le besoin est estimé à environ 10 000 m² de superficie pour une capacité initiale d’assemblage de 200 modules Hynoca par an.
Haffner Energy a évalué le coût de la création d’un site ex nihilo à 20 millions d’euros, recrutement du personnel associé inclus, tout en faisant savoir que la reprise d’un site présenterait plusieurs avantages (coût initial inférieur et mise en service plus rapide).
Les dirigeants entendent arrêter leur décision d’ici la fin du premier semestre 2022.
Ce site d’assemblage requiert le recrutement d’environ 50 salariés à temps d’ici la fin de l’exercice 2023/2024, jusqu’à atteindre 230 collaborateurs deux ans plus tard pour répondre à l’objectif de doublement du nombre de modules Hynoca à assembler chaque année.
Parallèlement, l’entreprise entend développer son activité commerciale en propre dans trois zones (Europe, en Amérique du Nord et en Asie du Sud-Est), la vente indirecte étant privilégiée ailleurs. Pour ce faire, la société prévoit de recruter environ 100 commerciaux d’ici à la fin de l’exercice 2025-2026.
Globalement, la levée de fonds doit être affectée de la façon suivante :
Philippe Haffner, cofondateur et PDG d’Haffner Energy (à gauche), avec son frère Marc, Directeur Général Délégué de la société
Toutsurmesfinances.com : En quoi consiste votre activité ?
Philippe Haffner : La société familiale, que nous avons créée il y a 28 ans mon frère Mac et moi-même, s’est positionnée sur la transition écologique bien avant que cette dénomination existe. Haffner Energy est à l’origine d’une technologie de production d’hydrogène à empreinte carbone négative à partir de biomasse unique au monde. Cette biomasse provient de déchets verts inexploités, principalement agricoles ou forestiers, collectés à l’échelle locale.
La matière subit un traitement par thermolyse, sans apport d’oxygène extérieur. Ce procédé, baptisé Hynoca – pour Hydrogen no Carbon – reproduit en quelques minutes ce que la nature met quelques millénaires à accomplir, en utilisant une matière première peu chère et abondante.
À quel usage est destiné votre hydrogène renouvelable ?
D’un côté, l’étape de thermolyse permet d’obtenir un combustible solide à haute valeur ajoutée. Le biochar, qualifié par la COP 26 comme l’élément le plus mature pour séquestrer le carbone, trouve notamment une application agricole, valorisé sous forme d’engrais. L’Hypergas, un gaz renouvelable très riche en hydrogène obtenu à l’issu de l’étape de vaporeformage, est soit injecté dans le réseau de gaz naturel, soit utilisé sous forme d’hydrogène pour les transports ou l’industrie.
Quelle est votre capacité de production actuellement ?
Nous avons mis en service notre première unité industrielle à Strasbourg en 2021. Notre module Hynoca atteint actuellement une production quotidienne de 264 kilos d’hydrogène « vert ». D’ici la fin du premier semestre 2023, nous ambitionnons qu’elle atteigne 720 kilos. Cela permet, par exemple, d’alimenter la consommation de 1.700 véhicules légers parcourant 15.000 kilomètres par an.
Avec les fonds levés à l’issue de l’IPO, nous espérons démultiplier ce type d’installations. Nous entendons, d’ici 2024, nous doter d’une usine qui nous permettra, dans un premier temps, d’assembler entre 200 et 250 modules Hynoca chaque année. Cette accélération de notre production industrielle vise à réduire les coûts d’assemblage, de favoriser l’amélioration de la conception de nos modules, mais aussi d’optimiser la logistique et les exportations. Ce projet aura un fort impact sur la création d’emplois locaux.
Avec un regard toujours tourné vers l’international ?
Nous venons de recevoir une offre de la société Greenvolt pour la conversion de la centrale Pego, au Portugal, avec notre technologie Hynoca. Cela permettra non seulement à la centrale de disposer d’une capacité de 20 tonnes d’hydrogène vert par jour, mais aussi de réduire son empreinte carbone de 320 tonnes de CO2 au quotidien.
Une fois la levée de fonds effective, nous envisageons d’accélérer notre internationalisation. L’idée est de concentrer nos efforts de vente et de marketing essentiellement en Europe, en Amérique du Nord et l’Asie du Sud-Est. Nous serons aidés dans cette voie par les trois industriels qui participent à notre opération : le fabricant européen de stations de ravitaillement en hydrogène HRS, le cimentier indépendant Vicat et Eren Industries.
Quelles sont les raisons d’investir dans votre projet ?
Tout d’abord, les marchés cibles sont en plein essor, portés par la mégatendance de la décarbonation. La demande mondiale d’hydrogène, qui était de 70 millions de tonnes en 2019, devrait atteindre les 287 millions de tonnes en 2050. Ensuite, notre modèle économique, validé par plusieurs experts indépendants, repose sur une technologie brevetée qui conjugue bilan carbone négatif, rentabilité et évolutivité facile. J’insiste sur le fait que notre process n’est pas soumis aux fluctuations du marché de l’électricité, pas plus qu’il n’est tributaire de l’intermittence de production à laquelle sont soumises les installations éoliennes et solaires.
De plus, nos coûts de production, compris entre 1,50 et 3 euros par kilo, sont largement compétitifs par rapport aux énergies fossiles. De quoi répondre rapidement et efficacement aux attentes très fortes de nos futurs clients.
Propos recueillis par Loïc Farge
L’interview VIDEO de Philippe Haffner, PDG et cofondateur de Haffner Energy
Le calendrier indicatif de l’IPO de Haffner Energy est le suivant :
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