Un arrêt de la Cour de cassation rappelle que le bénéficie d’un contrat d’assurance vie n’est pas irrévocable. Si le bénéficiaire vient à décéder avant le souscripteur, l’argent ne sera pas intégré au patrimoine du défunt. Sauf si une clause, qui transfère le bénéfice du contrat sur les héritiers, a été ajoutée. Explications.
Assurance vie : attention, le bénéfice pas toujours acquis aux héritiers !
Attention, accepter le bénéfice d’une assurance vie ne signifie pas automatiquement que les primes sont acquises de façon irrévocable aux héritiers. C’est ce principe qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 10 septembre 2015.
Dans l’affaire jugée, six contrats d’assurance vie ont été ouverts au bénéfice du frère de la titulaire. Ce dernier décède et la contractante décide par avenants de désigner la fille de ce frère et le fils de son autre frère disparu depuis plusieurs années comme nouveaux bénéficiaires. Elle décède quelques mois après, laissant pour seuls héritiers sa nièce et son neveu, ceux-là mêmes devenus les nouveaux bénéficiaires des six contrats. La nièce saisit cependant la justice, considérant que les sommes placées lui reviennent entièrement. Pour justifier sa demande, elle s’appuie sur le fait que son père, premier inscrit sur les clauses des contrats, avait accepté de son vivant leur bénéfice, par lettre recommandée envoyée à l’assureur. Or selon le code des assurances, « le bénéfice de l’assurance devient irrévocable par l’acceptation du bénéficiaire déterminé ». Concrètement, cela implique que la titulaire des contrats ne pouvait plus effectuer de rachats ni nommer de nouveaux bénéficiaires sans l’accord de son frère*. La nièce juge ainsi que les primes sont intégrées au patrimoine de son père depuis son décès et donc qu’elles lui reviennent à elle seule.
L’acceptation du bénéfice ne vaut plus en cas de décès
La cour d’appel de Montpellier s’est ainsi prononcée en faveur de la plaignante, privant le neveu de la moitié des sommes présentes sur les contrats d’assurance vie. L’avis de la Cour de cassation est tout autre. Les juges de la Haute juridiction estiment que « si l’attribution du bénéfice d’une assurance sur la vie à une personne déterminée devient irrévocable par l’acceptation du bénéficiaire, cette attribution est présumée faite sous la condition de l’existence du bénéficiaire ». Autrement dit, le décès du bénéficiaire avant celui du souscripteur annule la désignation et donc l’acceptation.
Ainsi, bien que le frère ait accepté le bénéfice, comme il est décédé avant sa sœur et donc avant d’avoir pu toucher les primes, les sommes sur les contrats sont donc considérées comme appartenant à nouveau au titulaire. Sa fille ne peut donc pas prétendre à toucher les primes à la place de son père sur le motif qu’elles faisaient partie de son patrimoine. « Le motif de l’acceptation du bénéfice du vivant est inopérant en cas de décès. […] Le capital ou la rente garantie font partie du patrimoine ou de la succession du contractant », conclut la Cour de cassation.
Ajouter une clause de représentation
Toutefois, il existe un moyen de contrer la loi. En effet, les juges de la Cour le rappellent dans leur arrêt : l’acceptation du bénéfice n’est pas remise en cause en cas de décès de l’assuré avant le souscripteur si « une clause de représentation » a été ajoutée à l’assurance vie. Cela consiste simplement à étendre le bénéfice des contrats à d’autres personnes (héritiers naturels ou non) en cas de décès prématuré. « Il faut être prévoyant et inscrire plusieurs rangs de bénéficiaires sur les modèles suivants : « Mes enfants par parts égales ou en cas de décès d’un de mes enfants, mes propres petits-enfants nés ou à naître » ou « mon conjoint M.X, à défaut Mme X » », explique Nathalie Couzigou-Suhas, notaire. Sans ces précisions, le contrat sera automatiquement réintégré à la succession : non seulement les primes devront être partagées à part égale entre les héritiers, qui devront s’acquitter des droits de succession.
>> Pour en savoir plus sur les avantages fiscaux de l’assurance vie
*Depuis 2007, une fois que le bénéficiaire a signé l’accord d’acceptation, le souscripteur doit encore « accepter l’acceptation » pour que ce soit valable
Pour aller plus loin :
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