– Le grand débat national, une réponse à la colère des gilets jaunes
– Calendrier : les dates du grand débat national
> Décembre 2018 : annonce du grand débat national
> 15 janvier 2019 : démarrage des consultations
> 15 mars 2019 : fin programmée des débats
– Grand débat public : les modalités d’organisation
> La Commission nationale du débat public (CNDP) aux manettes du débat ?
> Un collège indépendant de cinq « garants » chargé de superviser les concertations
> Un kit de méthodologie pour la tenue des débats
– Grand débat national, comment y participer ?
> Via des cahiers de doléances dans des mairies
> Via des stands, dans les gares et les marchés
> Via des conférences de citoyens nommés par tirage au sort par téléphone
> Via des débats en ligne sur une plateforme numérique dédiée
– Grand débat national : quatre thèmes majeurs
> Logement, transport, énergie
> Fiscalité et dépenses publiques
> Démocratie, citoyenneté, immigration
> Organisation de l’État et des services publics
> IVG, peine de mort, mariage pour tous… Les sujets exclus du débat
– « Lettre aux Français », déplacements : quel rôle pour Emmanuel Macron ?
> Une « lettre aux Français » diffusée le 13 janvier 2019
> Emmanuel Macron à la rencontre des maires de France
– Grand débat national en ligne : le site Internet officiel
– Grand débat national : quelles suites ?
– Le calendrier parlementaire bousculé pour tenir compte du grand débat
Le grand débat national, une réponse à la colère des gilets jaunes
« Un débat sans précédent au niveau national » pour aborder « toutes les questions essentielles » : c’est au cours de son allocution télévisée du 10 décembre 2018 qu’Emmanuel Macron a mis sur les rails son projet de « grande concertation nationale ». Objectif affiché par le chef de l’État : « Prendre le pouls vivant de notre pays »
Ce rendez-vous permettra « à chaque Français de faire part de son témoignage, d’exprimer ses attentes et ses propositions de solutions », avait ensuite fait valoir le gouvernement dans le compte rendu du Conseil des ministres du 12 décembre 2018.
En fait, l’exécutif mise sur ce grand débat public pour apporter une réponse « plus profonde et plus structurelle » à la crise des gilets jaunes, qui dénoncent unanimement un manque d’écoute du pouvoir.
Le mouvement, lancé au départ pour protester contre la hausse des prix des carburants, agrège, depuis, une multitude de revendications. Si certains gilets jaunes justifient leur grogne en mettant l’accent sur la baisse de leur pouvoir d’achat ou leurs fins de mois difficiles, d’autres demandent pêle-mêle le retour de l’impôt de solidarité sur la fortune (l’ISF, supprimé en 2017), la revalorisation du salaire minimum de croissance (Smic) ou encore l’instauration du Référendum d’initiative citoyenne (Ric).
Autant de thèmes qui étaient au menu des débats locaux organisés dans le cadre de la grande consultation nationale promise par Emmanuel Macron. Sauf que l’exécutif s’est montré très clair : pas question de remettre en cause les réformes mises en place depuis le début du quinquennat. Certains sujets ont même été purement et simplement exclus des discussions (interruption volontaire de grossesse, peine de mort, mariage pour tous…).
Calendrier : les dates du grand débat national
Le gouvernement avait indiqué dans un premier temps sur son portail Internet que le grand débat public se tiendrait de la mi-janvier à la mi-mars 2019. Le 14 janvier, le premier ministre Édouard Philippe a confirmé la date du lancement du processus : le 15 janvier. Cela coïncidait aussi avec le coup d’envoi du tour de France des maires d’Emmanuel Macron.
Décembre 2018 : annonce du grand débat national
Lors de son allocution radiotélévisée, le 10 décembre 2018, le chef de l’Etat a annoncé le lancement d’« un débat sans précédent » pour répondre à la colère des gilets jaunes. Le président de la République espérait lancer cette concertation dès le 15 décembre. Seulement la Commission nationale du débat public (CNDP), initialement chargée d’« accompagner » et de « conseiller » le gouvernement dans sa démarche, a estimé à l’époque manquer de temps pour mener ses travaux liminaires.
Au terme d’une réunion organisée le 18 décembre 2018 avec le gouvernement pour tracer les grandes lignes de ce débat public, Emmanuel Macron a finalement indiqué que la « grande concertation nationale » se déroulerait en deux phases.
– De mi-décembre 2018 à mi-janvier 2019 : au cours de cette étape, tous les maires étaient invités à échanger avec leurs administrés via l’action « Mairie ouverte ». Des cahiers de doléances ont été installés dans certaines mairies pour permettre aux édiles de répertorier les revendications de leurs citoyens. L’Association des maires ruraux de France (AMRF) a remis l’intégralité du contenu des propositions le 14 janvier au président de la République, au premier ministre, au président du Sénat et à celui du Conseil économique, social et environnementale (Cese).
Le gouvernement avait demandé à une vingtaine de préfets d’éplucher les premières remontées, histoire de cerner les sujets les plus récurrents.
– Du 15 janvier au 15 mars 2019 : tous les Français ont été conviés à prendre part à la consultation autour de quatre thèmes majeurs (transition écologique, fiscalité, services publics, démocratie-citoyenneté). Ils avaient jusqu’au 18 mars pour déposer leurs propositions en ligne sur le site du Grand débat (granddebat.fr). Plus de 1,93 million de contributions ont été déposées via cette plateforme.
15 janvier 2019 : démarrage des consultations
Comme annoncé à l’issue du séminaire gouvernemental de rentrée, le 9 janvier 2018, les débats se sont déroulées sous des formes variées. Outre des débats dans les mairies, sur les marchés ou sur les lieux de travail, le premier ministre avait évoqué des « réunions d’initiative locale », des « stands mobiles » ou encore des « conférences citoyennes régionales ». Des annonces confirmées par Matignon le 14 janvier 2019.
Emmanuel Macron a précisé les contours exacts de la « grande concertation de terrain » dans une « lettre aux Français » dévoilée par l’Élysée le 13 janvier 2019. La missive a été relayée par la presse et les réseaux sociaux. Tout au long de cette seconde séquence, le chef de l’État avait prévu d’aller à la rencontre des maires dans toute la France. Des rencontres qui, au final, devaient se poursuivre au-delà du 15 mars, date de la clôture des débats.
Le site Internet du Grand débat national (granddebat.fr) a été mis en ligne le 15 janvier. Il comporte notamment quatre fiches thématiques sur les thèmes de la consultation. Il a permis de recueillir les contributions des Français jusqu’au 18 mars.
15 mars 2019 : fin programmée des consultations
L’Élysée avait indiqué, à l’issue de sa réunion préparatoire du 18 décembre 2018, que la deuxième phase du grand débat durerait « deux mois pleins ». La concertation s’est donc finalement achevée le 15 mars, et non au 1er mars comme cela avait initialement été annoncé. Une date confirmée par le premier ministre Édouard Philippe à la veille du lancement du grand débat.
Les Français avaient néanmoins jusqu’au 18 mars pour déposer leurs contributions sur le site Internet du Grand débat (granddebat.fr). Une présentation de la synthèse des différentes contributions s’est déroulée le 8 avril à Paris en présence d’Édouard Philippe. À cette occasion, le chef du gouvernement a listé « quatre exigences » exprimées lors du Grand débat : « une immense exaspération fiscale », « une exigence de fraternité, de proximité, de lien quotidien », « une exigence démocratique » et « une exigence climatique ».
Grand débat public : les modalités d’organisation
Alors qu’un certain flou a longtemps entouré les circonstances de l’organisation du grand débat national, le premier ministre Édouard Philippe en a dévoilé toutes les modalités le 14 janvier 2019, après d’ultimes réunions à Matignon avec les partenaires sociaux et les élus.
La Commission nationale du débat public (CNDP) aux manettes du débat ?
La Commission nationale du débat public (CNDP) a-t-elle piloté la grande concertation nationale destinée à sortir de la crise des gilets jaunes ? Non. Après le retrait de cette autorité administrative indépendante, Matignon a fait savoir dans un communiqué, le 14 janvier 2019, que deux ministres ont été désignés pour cette mission : le ministre des Collectivités territoriales Sébastien Lecornu et la secrétaire d’État à la Transition écologique Emmanuelle Wargon. « Ils se chargeront de faire vivre le débat, en suivre l’évolution et d’organiser la mobilisation de tous pour faire de ce grand débat un succès démocratique », précisait le texte.
Par ailleurs, une « mission grand débat national » a été créée par un décret publié le 15 janvier 2019. «Placée sous l’autorité du Premier ministre, cette mission interministérielle organisera la logistique du grand débat et se mettra à la disposition de tous ceux qui souhaitent participer à son organisation », indiquait le communiqué.
Après une polémique suscitée par son salaire à la tête de la CNDP, Chantal Jouanno avait annoncé, le 8 janvier 2019, son désistement du pilotage du grand débat, tout en restant présidente de la Commission. Dans un entretien au Figaro, le 11 janvier, l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy et ex-sénatrice centriste de Paris, précisait que « la commission a constaté que sa contribution s’arrêtera au lancement du grand débat national, c’est-à-dire le 15 janvier ».
Un collège indépendant de cinq « garants » chargé de superviser les concertations
Conformément à l’annonce de l’exécutif, un collège de cinq personnalités a été désigné pour veiller au bon déroulement du grand débat national censé répondre à la crise des gilets jaunes. Deux de ces « garants » ont été désignés par le gouvernement. Il s’agit de Jean-Paul Bailly, l’ancien patron de la RATP, et d’Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).
Les trois autres ont été respectivement nommés par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et celui du Conseil économique, social environnemental (Cese). Richard Ferrand a ainsi choisi l’ancien membre du Conseil constitutionnel Guy Canivet. Gérard Larcher a porté son dévolu sur le politologue Pascal Perrineau. Quant à Patrick Bernasconi, il a désigné Nadia Bellaoui, secrétaire générale de la Ligue de l’enseignement, pour être son « garant ».
Outre ces cinq « garants », deux membres du gouvernement, le ministre des Collectivités territoriales Sébastien Lecornu et la secrétaire d’État à la Transition écologique Emmanuelle Wargon, sont chargés de « faire vivre le débat et d’en suivre l’évolution ».
Le gouvernement a aussi proposé « à toutes les formations politiques représentées à l’Assemblée nationale ou au Sénat » de participer à un « comité de suivi, chargé de veiller au plein respect du principe de pluralisme ».
« C’est un exercice inédit qui doit permettre aux Français de dire ce qu’ils souhaitent. Il faut que ce soit bien organisé, avec des principes de transparence et d’impartialité », avait insisté le premier ministre Édouard Philippe.
Un kit de méthodologie pour la tenue des débats
Tous ceux qui souhaitaient organiser des réunions locales à l’échelle du quartier, de la commune, de la région ou d’une association (les citoyens, les associations, les collectifs, les élus, les entreprises ou encore les syndicats) étaient invités à s’inscrire sur le portail granddebat.fr, qui avait ouvert le 15 janvier. Ce sont 10.452 réunions locales qui ont été organisées sur le territoire entre le 15 janvier et le 15 mars, selon le gouvernement.
Les organisateurs des débats locaux et les participants pouvaient y trouver des kits méthodologiques pour la tenue des réunions. Ces kits (il en est prévu un par intercommunalité, soit 1.264 au total), présentés le 14 janvier 2019 aux associations d’élus, étaient censés venir « en appui pour aider les animateurs des débats », selon les termes d’une lettre adressée aux préfets par le ministère de l’Intérieur.
Parmi les informations figurant dans ces kits : l’obligation d’indiquer le lieu, la date, l’heure et le nombre de participants sept jours avant la tenue d’une réunion. Chaque réunion était confiée à un animateur supposé neutre.
Grand débat national, comment y participer ?
Débats dans les mairies, réunions d’initiatives locales, conférences citoyennes… Le gouvernement a dévoilé les nombreuses formes que devait prendre la concertation publique organisée entre la mi-janvier et la mi-mars 2019.
Via des cahiers de doléances dans des mairies
Ouvert à tous, le grand débat national a été précédé d’initiatives locales au mois de décembre 2018, essentiellement au niveau des mairies des petites villes et des villages. Jusqu’au 11 janvier, dans certaines communes, les citoyens français qui le désiraient ont pu faire remonter leurs doléances au niveau local. Selon le gouvernement, « 16.000 cahiers citoyens » ont été ouverts dans les mairies.
Une vingtaine de préfets mandatés ont été chargés de récolter et d’éplucher les premières remontées. Le 14 janvier, l’Association des maires ruraux de France (AMRF) a de son côté transmis l’intégralité des doléances et propositions « sans tri, ni hiérarchisation ».
Via des stands, dans les gares et les marchés
Des réunions locales se sont tenues entre le 15 janvier et le 15 mars 2019 dans divers lieux, tels que dans les mairies, sur les marchés, dans les gares ou sur les lieux de travail. Un ou plusieurs thèmes (parmi les quatre sélectionnés par le gouvernement) étaient choisis lors de ces rendez-vous. La liste des débats organisés dans chaque région reste consultable en ligne sur le internet du grand débat.
Les remontées d’information se sont faites également par le biais de « stands mobiles » mis à la disposition de ceux qui voulaient participer à l’organisation.
Les personnes qui ne pouvaient se rendre à l’une de ces réunions mises en place avaient la possibilité d’envoyer leurs contributions par courrier (Mission Grand Débat – 244, bd Saint-Germain, 75007 Paris) ou directement sur le site www.granddebat.fr.
Pour toute information, un numéro vert était disponible pour la France métropolitaine : il s’agissait du 0 800 97 11 11. Pour l’Outre-Mer ou les Français résidant à l’étranger, il fallait composer le 0033 1 82 71 03 39.
Via des conférences de citoyens nommés par tirage au sort par téléphone
Le 14 janvier 2019, le premier ministre a confirmé que de Conférences citoyennes régionales seraient organisées à compter du 1er mars 2019 pour élaborer des pistes concrètes à partir des contributions qui ont été déposées sur le site granddebat.fr ou envoyées par courrier postal dès le 21 janvier. Édouard Philippe a indiqué qu’elles réuniraient « des Français tirés au sort dans chaque région à des représentants de diverses parties prenantes ».
Invitée de RTL le 7 février 2019, Emmanuelle Wargon, la secrétaire d’État auprès du ministère de la Transition écologique et solidaires et co-animatrice du Grand débat avec Sébastien Lecornu, a levé le voile sur l’organisation de ces conférences citoyennes. Les participants ont été tirés au sort à partir des bases de données des numéros de téléphone, et non des listes électorales. « On a regardé avec les ‘garants’, avantages et inconvénients de plusieurs méthodes, et les ‘ garants ’ nous suggèrent de ne pas prendre les listes électorales, mais de prendre les numéros de téléphone », avait-elle expliqué.
Cent citoyens devaient être tirés au sort pour chacune des réunions. Comment ? Pas question de passer par l’annuaire téléphonique traditionnel, puisque de nombreuses personnes ne disposent pas de ligne fixe et parce qu’elles n’y figurent pas. C’est un logiciel qui a composé au hasard des numéros de téléphones fixes et mobiles (qui commencent par 01, 02, 03, 04, 05, 06, 07, 08 et 09) dans chaque région. Les personnes jointes étaient libres d’accepter ou pas de participer à ces conférences (la participation n’est pas obligatoire). Si elles refusaient, la machine appellait un autre numéro. Au final, quelque 70.000 citiyens ont été sélectionnés par tirage au sort.
Emmanuelle Wargon avait précisé que ces conférences citoyennes auraient bien lieu « dans chaque région en métropole et en Outre-mer ». Elles sont prévues « la deuxième quinzaine de mars, du vendredi, fin de journée, au samedi, fin de journée, pour réfléchir aux propositions et permettre d’avancer ». Ces conférences ont donc été organisées les 15 et 16, puis 22 et 23 mars. En tout, quatorze réunions étaient programmées : une par région métropole et d’Outre-mer, et une autre exclusivement réservée aux jeunes de 18 à 25 ans (eux aussi tirés au sort) qui s’est tenue à Aix-en-Provence le week-end des 22 et 23 mars.
Via des débats en ligne sur une plateforme numérique dédiée
Enfin, des débats avaient également lieu sur Internet. Dans ce cadre, une plateforme numérique dédiée a permis aux Français de s’exprimer entre le 21 janvier et le 18 mars en déposant des contributions. Cet outil reste accessible à l’adresse www.granddebat.fr.
Selon les chiffres « quasi-définitifs » annoncés le 19 mars 2019 devant l’Assemblée nationale par Sébastien Lecornu, près de deux millions de contributions ont été déposées sur la plateforme en ligne. « C’est en effet 1,932881 contributions sur la plateforme en ligne pour 475.439 contributeurs en direct sur la plateforme », a détaillé le ministre des Collectivités terroriales, coanimateur de la consultation citoyenne.
Un communiqué publié le 15 mars 2019 faisait état de 1,818365 million de contributions. Toujours selon cette source, 490.662 d’entre elles sont des réponses aux questions ouvertes. Celles-ont porté « majoritairement sur la fiscalité et les dépenses publiques (33,5%) et la transition écologique (26,9%) ». Suivaient le thème « La démocratie et la citoyenneté » (19,9%) et « l’organisation de l’État et des services publics » (19,7%).
Grand débat national : quatre thèmes majeurs retenus
Pour éviter que les débats ne tournent au défouloir, le gouvernement avait retenu quatre sujets principaux.
Logement, transport, énergie
Ce thème recouvrait celui de la transition énergétique, autour de trois questions :
– Comment isoler son logement ?
– Comment se déplacer ?
– Comment se chauffer ?
Fiscalité et dépenses publiques
La consultation autour du sujet de l’impôt et des dépenses publiques a tourné autour de quatre interrogations :
– Quels sont les bons prélèvements ?
– Quel est le bon niveau de dépense ?
– Qu’est-ce qu’une fiscalité efficace et compétitive aujourd’hui ?
– Comment la rendre plus simple, plus lisible ?
Démocratie, citoyenneté, immigration
Le sujet résumé sous l’intitulé « Démocratie, citoyenneté, immigration » tournait autour de quatre grandes questions posées aux Français :
– Comment mieux associer les citoyens à la prise de décision ?
– Comment mieux représenter les sensibilités ?
– Comment répondre aux questions des Français sur l’immigration ?
– Comment mieux vivre ensemble et mener une politique d’intégration plus efficace et plus juste ?
À noter : l’immigration, présenté dans un premier temps par Emmanuel Macron comme un cinquième thème à part entière du grand débat, a finalement été intégré à la problématique sur le débat démocratique.
Organisation de l’État et des services publics
« Dans un monde qui change, dans une France où les mouvements de populations n’ont jamais été aussi massifs depuis 20 ou 30 ans, il est nécessaire de rendre les administrations et les services publics plus accessibles, plus efficaces et plus transparents », pouvait-on lire sur le portail Internet du gouvernement. Trois interrogations étaient soulevées :
– Comment organiser la présence de l’État et des services publics sur le territoire national ?
– Comment prendre en compte la révolution numérique dans cette organisation ?
– Comment lutter contre le réflexe de la concentration ?).
IVG, peine de mort, mariage pour tous… Les sujets exclus du débat
A-t-on vraiment pu parler de tout lors de la grande concertation nationale ? « Le grand débat ce n’est pas le grand déballage », avait prévenu le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, à l’issue du conseil des ministres, le 9 janvier 2019. Il avait précisé que les thèmes de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), de la peine de mort et du mariage pour tous ne seraient « pas sur la table » du grand débat, arguant qu’il n’était « pas question » de revenir sur ces « avancées conquises de haute lutte ».
Avant de renoncer à piloter le débat, Chantal Jouanno avait pourtant affirmé le 7 janvier 2019 qu’aucun thème ne serait « interdit ». Y compris l’abrogation de la loi Taubira sur le mariage pour tous, arrivée en tête d’une consultation en ligne réalisée par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) pour laquelle se sont mobilisés des militants anti-mariage pour tous.
Déplacements, « lettre aux Français » : quel rôle pour Emmanuel Macron ?
Une « lettre aux Français » diffusée le 13 janvier 2019
Comme il l’avait promis lors de ses vœux pour 2019, Emmanuel Macron a adressé le 13 janvier 2019 une « lettre aux Français », à l’issue de la première phase du grand débat national. « Le débat national qui s’ouvre doit nous permettre de parler vrai et je vous écrirai dans quelques jours pour vous en préciser les attentes », avait expliqué le chef de l’État le 31 décembre 2018 dans son allocution télévisée.
Cette lettre (il ne s’agit pas d’un courrier, ni d’un e-mail mais d’une tribune), rendue publique par l’Élysée et relayée par la presse et les réseaux sociaux, pose les bases du grand débat national lancé par le gouvernement à la suite du mouvement des gilets jaunes. Le chef de l’État y propose de baliser le grand débat autour de 35 questions, sur des thèmes comme la fiscalité, la démocratie, l’écologie ou l’immigration. Il laisse planer l’hypthèse d’éventuels quotas d’immigration. À propos du volet fiscal, il prévient : « Nous ne reviendrons pas sur les mesures que nous avons prises pour corriger cela afin d’encourager l’investissement et faire que le travail paie davantage ». Ce qui semble, de facto, exclure tout retour sur la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
Dans sa missive, Emmanuel Macron affirmait que le grand débat national n’est « ni une élection, ni un référendum » et appelle « le plus grand nombre » à y participer. Il y annonçait qu’il « rendra(it) compte directement » de cette consultation, dans le mois qui suivra sa fin, prévue le 15 mars.
À noter : l’Élysée a finalement renoncé à son projet d’envoyer par courrier, dans les boîtes aux lettres, la « lettre aux Français » écrite par Emmanuel Macron, mettant en avant des raisons de coût et de logistique.
Emmanuel Macron à la rencontre des maires de France
Dans la foulée de l’envoi de sa « lettre aux Français », et toujours dans le cadre du grand débat national lancé pour répondre au mouvement des gilets jaunes, Emmanuel Macron a entamé mi-janvier un tour de France auprès des maires.
« J’irai rencontrer les maires, région par région », pour bâtir le socle d’un « nouveau contrat pour la nation », avait-il promis lors de son allocution du 10 décembre 2018.
C’est dans la ville normande de Grand Bourgtheroulde, près de Rouen (Eure), que le président de la République a effectué son premier déplacement, le 15 janvier 2019. Il s’est ensuite rendu le 18 janvier à Souillac (Lot) pour un deuxième débat avec des maires. La troisième étape l’a emmené dans la Drôme, le 24 janvier, pour un débat-déjeuner avec une soixantaine délus de la région Rhône-Alpes. Son quatrième déplacement s’est déroulé le lundi 4 février à Courcouronnes, dans l’Essonne.
Entre le 15 janvier et le 15 mars 2019, Emmanuel Macron a participé à plus d’une dizaine de rencontres en France. Il a finalement décidé de poursuivre sa tournée d’échanges avec les élus locaux après la date du 15 mars. Ses ultimes déplacements dans le cadre du grand débat ont eu pour théâtre la Bretagne, le 3 avril, puis la Corse, le 4 avril.
Grand débat national en ligne : le site Internet officiel
Le site du grand débat lancé par Emmanuel Macron a été mis en ligne le 15 janvier 2019, à l’adresse www.granddebat.fr. Cette plateforme numérique permet de recueillir les contributions des Français entre le 21 janvier et le 18 mars.
Près de 1,4 million de contributions ont été enregistrées sur la plateforme, tandis que près de 10.300 réunions locales ont été recensées, indiquait le gouvernement mi-mars .
Au 13 février (c’est-à-dire à mi-parcours), le site dédié enregistrait déjà plus de 1,7 million visiteurs uniques et plus de 800.000 contributions, selon le gouvernement. Plus de 6.000 réunions avaient été publiées à cette date, dont 2.500 qui avaient déjà eu lieu. Dans le même temps, le gouvernement indiquait aussi que 34% des propositions formulées sur la plateforme concernaient la fiscalité et les dépenses publiques. Les autres portaient sur la transition écologique (25%), l’organisation de l’État et des services publics (21%) et enfin la démocratie et la citoyenneté (19%).
Le site officiel du grand débat s’ouvre en page d’accueil sur la « lettre aux Français » du président de la République. Il propose quatre fiches thématiques sur les grands sujets de la consultation : transition écologique, fiscalité et dépenses publiques, démocratie et citoyenneté, organisation des services publics. Chaque fiche invite les internautes à répondre à des questionnaires portant sur ces quatre thématiques.
La plateforme permet également l’indiquer l’organisation d’un débat local et de voir où sont organisés ces débats sur l’ensemble du territoire.
Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a annoncé, le 27 mars 2019 lors du compte rendu du conseil des ministres, qu’une « grande réunion de restitution » des différentes contributions au Grand débat national serait « faite par les garants et organisée autour du Premier ministre et du gouvernement le 8 avril ». Une séquence qui « s’achèvera le 10 avril », a-t-il précisé.
À noter : les gilets jaunes ont, en réponse au site Internet du gouvernement qu’ils jugent « verrouillé », lancé le 30 janvier leur propre plateforme consultative en ligne, intitulée « le vrai débat » (à l’adresse https://le-vrai-debat.fr). Son fonctionnement diffère d’abord de celle du grand débat national par le nombre de thématiques proposées. Alors que le site du grand débat ne propose que quatre thèmes, celui du « vrai débat » propose aux Français de discuter autour de neuf thèmes. Les internautes qui participent à ce débat alternatif ont également la possibilité de voter pour ou contre d’autres propositions, ce que ne permet pas de faire le site du débat national.
La première phase de recueil de revendications s’est achevée le 3 mars. À l’issue, une synthèse devait être opérée jusqu’au 7 avril par des « personnalités indépendantes ». Après quoi des « conférences citoyennes » seront organisées entre le 8 avril et le 30 juin pour réfléchir à des « propositions opérationnelles ». Des conférences citoyennes sont prévues dans plusieurs grandes villes, là aussi avec des personnes tirées au sort.
Grand débat national : quelles suites ?
« En avril, Emmanuel Macron clôturera le grand débat et précisera sa vision en donnant les grands axes de réponse et le sens de la direction à suivre pour le gouvernement », a déclaré Sébastien Lecornu, ministre coanimateur du grand débat national, le 10 mars dans un entretien au « Journal du dimanche ». « Après le temps du débat, après le temps du constat, cette prise de parole marquera le temps des propositions et de l’action, qui se déploieront jusqu’à l’été », a-t-il ajouté.
Qui va traiter les contributions, et comment ? Le gouvernement, sur avis du collège des garants, a choisi plusieurs modalités d’analyse et de restitutions. D’abord, toutes contributions qui ont été postées en ligne sur la plateforme jusqu’au 18 mars font l’objet d’une exploitation « quantitative et qualitative » par l’institut de sondage OpinionWay.
De leur côté, les contributions sous format libre – notamment via les cahiers citoyens (« cahiers de doléances ») et les courriers -, dont la collecte s’est arrêtée le 20 février, ont été transmises à la Bibliothèque nationale de France. Celle-ci « se chargera de référencer, d’indexer, de numériser leurs contenus et de retranscrire ceux qui sont dactylographiés », indiquait le gouvernement.
À terme, la totalité des contributions recueillies sous tous les formats seront disponibles en « open data », dans le respect de la gestion des données personnelles.
Le grand débat national n’a qu’une vocation : recenser les opinions des Français. À l’issue de la deuxième phase, qui s’achève mi-mars, toutes les doléances seront remontées à l’exécutif. Les premières annonces de mesures concrètes devraient intervenir à la mi-avril.
Le calendrier parlementaire bousculé pour tenir compte du grand débat
La grande consultation nationale lancée pour apporter des solutions à la grogne des gilets jaunes va en tout cas ébranler le rythme des réformes. Et donc le calendrier parlementaire. Interrompu en juillet 2018 en pleine affaire Benalla, le projet de loi constitutionnelle devait revenir devant les députés en janvier. Il est finalement ajourné. Et pour cause, cette thématique institutionnelle est l’un des quatre grands thèmes de réflexion fixés par le gouvernement dans le cadre du débat public. « Il n’y aurait pas de sens à discuter au Parlement de cette réforme avant que les Français se soient exprimés », a admis Édouard Philippe.
Deux textes sur lesquels les sénateurs devaient plancher les premiers ont aussi été renvoyés à plus tard : la Loi d’orientation des mobilités (LOM), qui n’arrivera pas avant fin mars devant la haute chambre, selon son rapporteur ; et la loi introduisant de nouvelles règles d’organisation territoriale. Ces deux textes seront nourris par les éléments venus du grand débat.
Le chantier de la refonte des impôts locaux risque aussi de tarder à arriver devant les sénateurs. D’abord, la réflexion autour de la fiscalité est l’un des grands enjeux du débat national. Ensuite, la suppression de la taxe d’habitation pour les 20% les plus aisés a fait naître dernièrement la cacophonie au sein du gouvernement.