Crédit immobilier : en cas d’impayés, la banque contrôle le calendrier

Par Thibault Fingonnet

La Cour de cassation a profondément modifié la jurisprudence applicable au remboursement d’un crédit immobilier. Le délai de prescription de deux ans des actions en justice menées par la banque court à compter de la résiliation du contrat de prêt, prononcée par ses soins, et non plus depuis le premier incident de paiement.  

Nouvelle jurisprudence plus favorable aux banques en matière d'impayés de crédit

La marge de manœuvre des emprunteurs en difficulté se réduit. En cause, un revirement de la doctrine judiciaire à l’avantage des banques sur la prescription en matière de crédit immobilier. Un arrêt de la Cour de cassation rendu le 10 août 2014 avait en effet fixé le point de départ du délai légal de deux ans pour assigner un emprunteur en justice au premier incident de paiement. Autrement dit, les banques n’avaient pas de temps à perdre : à la première mensualité de remboursement impayée, elles ne disposaient que de 24 mois pour épuiser les possibilités de résolution à l’amiable avant de se tourner vers le tribunal. Un fonctionnement qui prévalait même lorsque l’emprunteur affichait sa bonne foi et cherchait à rembourser ses dettes.

Autant de prescriptions que de mensualités impayées

Mais la donne a radicalement changé depuis le 11 février 2016 et la parution de quatre nouveaux arrêts rédigés par la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français. Premier principe à retenir : il existe autant de délais de prescription que de mensualités impayées. Chaque jugement explique ainsi « qu’à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même ». Dès lors, lorsque le délai de deux ans après le premier incident de paiement est écoulé, la banque n’est plus en mesure d’assigner l’emprunteur en justice pour la mise en paiement de cette mensualité uniquement. En revanche, elle conserve la capacité de mettre fin au prêt et d’exiger son remboursement immédiat.

A ce titre, la Cour de cassation a jugé que « l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme », c’est-à-dire la date à laquelle la banque met fin au contrat de prêt et réclame l’ensemble des sommes dues par l’emprunteur (capital restant dû, intérêts, pénalités). Et tant que la déchéance du terme, habituellement prévue dans le contrat de prêt, n’est pas prononcée, le délai de prescription reste intact.

Or, seule la banque est en mesure de choisir cette date, ce qui lui permet de contrôler le calendrier de la procédure judiciaire : elle est désormais en mesure d’adresser un commandement de payer valant saisie immobilière puis d’assigner un emprunteur en justice dans les deux ans suivant la déchéance du terme, indépendamment de la date du premier impayé. Une véritable révolution par rapport à l’ancienne jurisprudence, sous laquelle « le banquier pouvait voir ses droits se prescrire avant même d’avoir prononcé la déchéance du terme », comme le rappelle l’association de consommateurs UFC – Que choisir sur son site internet.

Bon à savoir : Si la banque dispose de deux ans pour agir en justice avant la prescription des faits, l’emprunteur bénéficie pour sa part d’un délai de cinq ans pour signaler une erreur de la banque.

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