Peut-on suspendre ses échéances de prêt pendant la crise du coronavirus ? Dans les mêmes conditions qu’en cas de perte d’emploi, baisse des revenus ou accident de la vie ? Pour faire face à certaines situations, un emprunteur peut réduire ou reporter le remboursement de son crédit immobilier. Quelles sont les solutions ? Comment faire ? Explications.
Crédit immobilier : peut-on suspendre et reporter le remboursement de son prêt ?
Coronavirus : une suspension d’échéance de prêt immobilier en France ?
Chômage partiel pour les salariés, forte réduction de l’activité pour les indépendants : en pleine crise de coronavirus, nombre de Français risquent de se retrouver en difficulté pour continuer de rembourser leur crédit immobilier, du fait d’une éventuelle baisse de leurs revenus. Ont-ils la possibilité de suspendre le remboursement de leur prêt obtenu pour acheter leur maison ou leur appartement ?
Si les ménages italiens qui ont souscrit un emprunt immobilier peuvent suspendre le remboursement de leur mensualité jusqu’au 31 décembre 2020, une telle mesure n’est pas l’ordre du jour en France pour l’instant. Le gouvernement n’a pas encore fait d’annonces en ce sens. Sachant que dans le même temps, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, n’a pas prévu de desserrer les conditions d’octroi durcies au début de cette année.
Pour rappel : la possibilité de report, stipulée dans le contrat de prêt immobilier, ne peut être activée qu’au bout de deux ans de remboursement de son crédit. Elle ne s’applique donc pas aux prêts les plus récents.
Interrogé le 20 mars 2020 sur BFM Business sur l’éventuelle nécessité de suspendre les échéances de paiement de crédit immobiliers pour les particulier, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, s’est montré très clair : pas question d’autoriser un report des échéances. « Les ménages aujourd’hui sont en situation de pouvoir d’achat préservé à travers heureusement la prise en charge de leur rémunération via notamment le chômage technique », a-t-il justifié.
Vu que le maintien total ou partiel des salaires est garanti par le gouvernement pendant la période de confinement (pour les salariés qui se mettent en arrêt maladie pour garder leurs enfants, par exemple), « il n’y a pour l’heure aucune raison de suspendre ses échéances de prêt », explique Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vousfinancer.
De son côté, la Fédération bancaire française (FBF) ne confirme pas l’existence de discussions interbancaires pour reporter les échéances de remboursement des prêts immobiliers de leurs clients. La FBF conseille fortement aux emprunteurs confrontés à des difficultés financières de contacter leur conseiller bancaire, pour vérifier avec lui ce qui est prévu dans le contrat.
Suspension ou modulation d’échéance : les options possibles pour reporter son crédit
En temps normal, les emprunteurs confrontés à des difficultés financières pour rembourser leur prêt immobilier peuvent activer deux leviers : soit suspendre momentanément le remboursement du crédit, soit alléger la mensualité.
La suspension temporaire du crédit immobilier
La première solution pour soulager financièrement un ménage engagé dans le remboursement d’un emprunt immobilier consiste à suspendre les échéances de son crédit. Autrement dit, à obtenir un report d’échéance de ses encours pendant une certaine période. Il est important de relire son offre de prêt, car toutes les banques ne prévoient pas cette option.
Si l’option figure dans le contrat, cela consiste à demander à l’établissement prêteur une pause dans les remboursements de son crédit. Les échéances peuvent être reportées en une ou en plusieurs fois. En général, il est possible de suspendre ses échéances au bout de deux ans (24 mois) de remboursement pour une durée d’un à 12 mois. Cette opération n’est pas sans conséquence puisqu’elle allonge la durée du crédit.
Comment faire la demande ? Il suffit d’envoyer un courrier à sa banque un ou deux mois avant la date souhaitée du report.
Il existe deux mécanismes de report d’échéances :
- le report d’échéance partiel : l’emprunteur stoppe le remboursement du capital pendant une période définie, mais il continue de rembourser les intérêts. Le versement mensuel de l’assurance du prêt est maintenu
- le report d’échéance total : l’emprunteur décide de ne plus rien rembourser pendant une période donnée (il ne rembourse ni le capital, ni les intérêts). Là encore, le paiement de l’assurance de prêt n’est pas suspendu (il faut continuer à le rembourser chaque mois). Il faut noter que le report total est moins coûteux lorsqu’il est mis en place en fin de crédit (pendant cette période, l’emprunteur rembourse essentiellement le capital)
Lors de la mise en place du report d’échéances, la banque remet à l’emprunteur un nouveau tableau d’amortissement indiquant le montant et la durée du prêt.
À l’issue de cette période de suspension, l’emprunteur reprend le remboursement mensuel de son crédit (capital, intérêts et assurance prêt). Les mensualités reportées sont à payer à la fin du crédit.
« Même si votre banque ne propose pas cette option, elle pourra tout de même accepter un report temporaire dans cette situation particulière, car son objectif est d’assurer la continuité du remboursement du crédit pour éviter que celui-ci ne passe en créance douteuse ou défaut de paiement », précise Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer. Elle explique, qu’en cette période de pandémie de Covid-19, « certaines banques qui avaient prévu cette clause sont même en train d’assouplir les conditions de report pour accompagner au mieux leurs clients ».
ATTENTION : suspendre temporairement le remboursement d’un prêt immobilier a un coût. En effet, le report génère des intérêts supplémentaires.
La modulation des échéances de prêt immobilier
Outre la suspension de ses échéances, un emprunteur peut bénéficier d’une autre option s’il peine à rembourser son crédit immobilier : la modulation d’échéances. Plutôt que de mettre en place un report de paiement de l’emprunt, il s’agit de négocier avec son banquier une baisse des mensualités initialement définies. Une clause de modularité doit apparaître dans le contrat de prêt pour pouvoir y prétendre. La modulation d’échéances s’active sans générer de frais.
À NOTER : contrairement à la suspension de prêt, une demande de modulation des échéances ne peut être refusée par le conseiller bancaire.
Le prêt immobilier modulable permet à l’emprunteur de diminuer le montant de ses mensualités jusqu’à une certaine portion et pendant une certaine période. « La plupart des banques le proposent avec la possibilité de diminuer les mensualités de 10 à 30% de l’échéance selon les banques, au bout de deux ans de remboursement également et dans la limite d’un allongement de la durée du prêt de deux ans maximum », indique Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vousfinancer.
Si l’emprunteur demande à sa banque de baisser ses mensualités en augmentant la durée restante de plus de 24 mois, cela est alors assimilé à une restructuration de dettes. Cela n’entre donc plus dans le champ de la modularité de prêt.
Les banques donnent souvent la possibilité d’effectuer une seule modulation de prêt par an. À chaque demande de changement d’échéance, la banque calcule un nouveau tableau d’amortissement prenant en compte la baisse de la mensualité du crédit.
Si la clause de modularité ne figure pas dans son contrat, rien n’interdit à l’emprunteur de demander une suspension du remboursement.
Report d’échéances, modularité : les crédits immobiliers concernés
Le report d’échéances n’est pas une solution qui s’applique à tous les crédits immobiliers. Cette option concerne :
- les prêts immobiliers à taux fixe
- les prêts immobiliers à taux révisable (taux variable)
- les prêts immobiliers à taux mixte
En revanche, l’emprunteur ne peut, en théorie, pas bénéficier d’un report d’échéances s’il a souscrit :
- un prêt à taux zéro
- un prêt relais
- un prêt in fine (qui permet à l’emprunteur de ne payer que les frais d’assurance et les intérêts pendant la durée du prêt)
- un prêt conventionné
- un prêt à l’accession sociale (PAS)
- un prêt épargne logement (PEL)
En revanche, la modulation des échéances de prêt immobilier est, elle, valable pour tous les types de prêts.
La suspension d’un crédit immobilier pour la vente d’un bien
Dans le cas où l’emprunteur vend un bien immobilier en cours de remboursement, et qu’il a souscrit un emprunt pour l’acquisition d’un nouveau bien immobilier, il a la possibilité de demander à sa banque une suspension du crédit jusqu’à la vente du bien concerné.
En réalité, il s’agit ni plus ni moins de différer le paiement des mensualités. L’emprunteur ne s’affranchit pas de les rembourser à un moment où à un autre. In fine, l’argent de la vente viendra solder le capital restant dû.
ATTENTION : durant la suspension de son crédit, l’emprunteur doit toujours à payer les intérêts et l’assurance du prêt.
Modularité ou report de l’échéance : les conséquences
Si le report d’échéances d’un emprunt immobilier permet à l’emprunteur de pouvoir faire face en cas de difficultés financières exceptionnelles de court terme, elle engendre néanmoins des conséquences importantes. Elles sont au nombre de deux :
- la suspension temporaire des remboursements impacte la durée du crédit. Et pour cause : elle rallonge la durée du prêt immobilier (cette prolongation est au moins égale au nombre d’échéances reportées), jusqu’à une durée généralement fixée à deux ans
- la suspension de crédit immobilier a ensuite des conséquences sur son coût. Plus cette opération intervient tôt, plus cela coûte. Dans le cas d’un report partiel, l’emprunteur doit payer des intérêts intercalaires constants qui sont ajoutés au coût total du prêt. Dans le cas d’un report total, le capital restant dû est augmenté des intérêts impayés
Pour exemple, Sandrine Allonier explique qu’avec « un prêt de 200.000 euros souscrit il y a deux ans, à un taux de 1,5% sur une durée de 20 ans, le fait de suspendre la mensualité de 965 euros pendant trois mois allonge la durée totale du prêt de quatre mois avec un surcoût de 1.000 euros ».
Qu’en est-il de l’option offerte par la clause de modularité ? Comme pour la suspension des échéances de remboursement, la baisse des mensualités permet à l’emprunteur de retrouver temporairement un peu d’air au niveau de sa situation financière. Cependant, elle vient aussi allonger la durée de ses remboursements. Le coût total du crédit peut également augmenter. Reste que cette opération est souvent plus avantageuse qu’un report d’échéances.
Dans tous les cas, il est recommandé de se tourner vers son conseiller bancaire ou son courtier en crédit pour étudier la solution la plus adéquate à sa situation financière, toujours au regard des clauses offertes par le contrat initialement signé.
Crédit immobilier : que faire avant de modifier son remboursement ?
Qu’il s’agisse du report ou la modulation temporaire des échéances d’un prêt immobilier, l’emprunteur doit s’adresser directement à la banque qui lui a prêté les fonds nécessaires à l’achat de son logement. En général, il lui suffit de se rendre directement à l’agence, de téléphoner à son conseiller ou d’envoyer un courrier pour en faire la demande.
L’emprunteur doit aussi se reporter aux clauses inscrites sur son contrat. Pour obtenir le droit de reporter une ou plusieurs échéances du crédit à l’habitat pour pouvoir obtenir une suspension de remboursement, il faut que ce soit inscrit clairement dans le contrat. Sans quoi, l’organisme prêteur sera en droit de refuser sa demande.
Enfin, l’emprunteur doit prendre le temps de la réflexion. Notamment s’il s’agit d’interrompre une ou plusieurs mensualités. Cela a, notamment, une répercussion directe sur le coût total du prêt en raison de l’allongement de la durée de remboursement.
Suspension du remboursement : les recours en cas de refus
Que se passe-t-il si la banque refuse une demande de suspension de paiement de son prêt immobilier ? Dans ce cas, l’emprunteur a la possibilité d’obtenir une suspension judiciaire des échéances du prêt.
En effet, la loi prévoit très clairement, à l’article L313-12 du Code de la consommation, que l’emprunteur peut solliciter la suspension des échéances du prêt immobilier. Il doit alors saisir le tribunal judiciaire afin d’obtenir des délais, pendant au maximum deux ans. Durant ce délai, aucune échéance ne sera due. Il peut aussi demander qu’au courst de ces deux années, les sommes ne produiront pas intérêts ou que le paiement des échéances soit reporté en fin de prêt.
Toutefois, l’emprunteur est tenu de respecter certaines conditions. Il doit notamment justifier de ses difficultés et démontrer qu’après le délai de suspension demandé, il pourra reprendre normalement le paiement de ses échéances. Il va sans dire que les difficultés financières auxquelles il fait face doivent être exceptionnelles (par exemple liées à la perte d’un emploi).
ATTENTION : si la perte de ressources est définitive et que sa situation risque de ne pas s’améliorer, l’emprunteur a tout intérêt à avoir recours à la procédure de surendettement.
Une autre option (autre que judiciaire) existe aussi en cas de refus du banquier : faire racheter son prêt immobilier par un autre établissement.
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