Helvet Immo : nouveaux rebondissements et un témoin attendu
Par Thibault Fingonnet SEO & traffic strategist : Camille Radicchi
Après une première mise en examen au pénal en avril dernier, BNP Paribas Personal Finance pourrait être confrontée au témoignage d’une ancienne salariée dans le cadre des procédures en cours dans l’affaire des prêts en francs suisses Helvet Immo.
L’affaire Helvet Immo rebondit de nouveau. BNP Paribas Personal Finance (BNP PF) pourrait en effet devoir faire face au témoignage d’une ancienne directrice régionale, Nathalie Chevallier, qui a participé à la distribution des prêts en francs suisses à 4.655 clients en 2008 et 2009.
Rappel :Dans cette affaire, les emprunteurs ont souscrit des prêts en francs suisses remboursables en euros commercialisés par des partenaires de BNP PF (conseillers en gestion de patrimoine par exemple) pour financer des opérations de défiscalisation. Ils ont subi une forte dépréciation de l’euro face à la monnaie helvétique. Le montant des mensualités étant plafonné, ils ont vu leur capital restant dû, libellé en francs suisses, augmenter significativement. Maître Benoît, qui représente un collectif d’emprunteurs avec Maître Szames, donne ainsi en exemple un emprunteur qui a souscrit un prêt de 120.000 euros en 2008 : après avoir remboursé 60.000 euros, son capital restant dû atteint 150.000 euros en 2015.
Les avocats Anne-Valérie Benoît et Stéphane Szames ont ainsi déposé une demande d’audition par le tribunal de grande instance (TGI) de Paris mi-septembre. Les avocats comptent sur le témoignage de Nathalie Chevallier pour corroborer leurs soupçons. Selon ces derniers et la société spécialisée dans la non-conformité des offres bancaires Financière Autrement, BNP PF a tronqué leur information concernant la volatilité du franc suisse, trompant ainsi les clients sur les dangers potentiels de ce crédit immobilier. « BNP PF a vendu la stabilité du franc suisse alors qu’elle savait qu’il existait un fort de risque de volatilité et de décrochage », résume Maître Szames. « BNP Paribas Personal Finance est un acteur reconnu, qui n’a aucun intérêt à exposer ses clients à des risques inconsidérés », maintient la banque pour sa part.
« Les éléments financiers que nous avons rassemblés nous font dire que la banque ne pouvait pas ne pas connaître le risque supporté par les emprunteurs. Nathalie Chevallier va pouvoir confirmer cette analyse, si le juge accepte de l’entendre », avance Maître Benoît. La réponse du TGI de Paris à cet égard est attendue dans les prochains mois. « C’est en questionnant Nathalie Chevallier que le tribunal sera vraiment éclairé », précise Maître Szames pour souligner l’importance de ce témoignage. Les avocats espèrent obtenir en définitive l’annulation de la clause de parité du prêt voire l’annulation pure et simple du prêt lui-même.
Ce rebondissement de l’affaire Helvet Immo intervient près de cinq mois après la mise en examen de BNP PF ouverte par la juge d’instruction Claire Thépaut dans le volet pénal de l’affaire, le 16 avril dernier. En effet, de multiples procédures sont en cours : outre le collectif d’emprunteurs Cephi représenté par Maîtres Benoît et Szames, l’avocat Charles Constantin-Vallet représente 600 personnes du Collectif Helvet Immo qui ont assigné la banque au civil devant le TGI de Paris (450 procédures) et initié une procédure pénale en 2013. Il vise également l’annulation du prêt ou de la clause de parité, ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice financier et moral.
Si les volets pénal et civils de l’affaire relèvent de procédures judiciaires bien différentes, elles ne sont pas nécessairement déconnectées. « Concernant mes dossiers dans le volet civil, j’observe que les juges prononcent des sursis à statuer dans l’attente de l’enquête et du jugement au pénal. Ils considèrent que cette procédure peut avoir une influence très sérieuse sur la procédure civile », indique Maître Constantin-Vallet. Selon l’avocat, BNP PF, représentée par le cabinet White&Case, n’est pas favorable à ces sursis, des propos que la banque se refuse à commenter, rappelant que les instructions judiciaires sont en cours.
Sur les 4.655 dossiers Helvet Immo, 2.800 ont été traités « au cas par cas dans le cadre d’un accompagnement bancaire », explique BNP PF. Le produit Helvet Immo propose en effet des options à 3 ou 5 ans pour passer à un taux fixe ou révisable en euros plutôt qu’en francs suisses. Si cette possibilité peut sembler tentante pour les emprunteurs en difficulté, les avocats des plaignants leur déconseillent d’y recourir. « Quand il est proposé aux emprunteurs de passer en euros, BNP PF se garde bien d’expliquer que c’est sur la base du capital restant dû, ce qui revient à faire endosser la perte sèche à l’emprunteur seul », détaille Maître Szames. La majorité des clients (70% d’après BNP PF) a d’ailleurs fait le choix de rester en francs suisses.
Reste qu’il n’y a pas de temps à perdre. Les avocats accusent BNP PF de manœuvre dolosive, ou tromperie intentionnelle, sachant que le dol qui présente un délai de prescription de 5 ans. Pour des prêts souscrits en 2008 et 2009, ce délai paraît donc purgé sur le papier. Mais ce n’est pas nécessairement le cas, argumentent les avocats. La décision du TGI à cet égard devrait donc être cruciale pour la suite des évènements.
A ce stade des procédures, la patience est encore de mise puisqu’avant de juger le fond des dossiers, il faudra que le tribunal se prononce sur la demande d’audition du témoin, précisent Anne-Valérie Benoît et Stéphane Szames. La procédure pénale quant à elle est toujours en phase d’enquête : au terme de celle-ci, BNP PF pourrait bénéficier d’un non-lieu ou être renvoyée devant le tribunal correctionnel. Le renvoi pourrait intervenir dans les prochains mois et aboutir à un procès pénal d’ici un an et demi ou deux ans, avant les procédures d’appel et de cassation.
Un conflit d’intérêt à la Banque de France ?
L’affaire Helvet Immo a aussi des conséquences plus politiques. Dans un communiqué daté du 20 septembre, l’association de consommateurs UFC – Que choisir dénonce la nomination à la tête de la Banque de France de François Villeroy de Galhau, directeur de l’activité de banque de détail de BNP Paribas entre 2008 et 2015. Le futur gouverneur dirigera également l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), organe chargé de réguler les banques et assureurs.
De quoi susciter un potentiel conflit d’intérêt selon l’association : « Il n’est pas rare que la Cour de cassation ou la Chancellerie prenne l’avis de la Banque de France sur des questions techniques. Le gouverneur Villeroy de Galhau pourrait ainsi être amené à apprécier le travail réalisé sous la direction du banquier Villeroy de Galhau… » L’intéressé a pour sa part affirmé qu’il ne prendrait « aucune décision individuelle concernant BNP Paribas ou une de ses filiales » dans les deux ans suivant son départ.