INTERVIEW – 190 millions d’euros sont à gagner au tirage de l’Euro Millions du vendredi 10 août*. Si le résultat ne donne aucun gagnant avec 5 bons numéros et 2 bonnes étoiles, les joueurs du rang de gain suivant (5 numéros, 1 bonne étoile) se partageront cette cagnotte record. Luc Granger, associé et fondateur du family office Intuitae localisé à Paris, Genève et au Luxembourg, explique comment gérer un tel jackpot pour les joueurs qui auront la chance de le gagner. Il insiste notamment sur le fait de prendre le temps de la réflexion et de penser mûrement à ce que l’on veut réaliser avec cet argent qui bouleverse une vie.
Euro Millions : « le gagnant doit prendre son temps avant d’investir »
Toutsurlesplacements : Comptez-vous un gagnant du loto ou de l’Euro Million parmi votre clientèle ? Ce type de clients présente-t-il un profil de risque particulier ?
Luc Granger : Notre family office n’a pas de gagnants du loto dans sa clientèle. Cependant, je connais bien la problématique puisque j’ai eu l’occasion de travailler avec quelques gagnants du loto lors de précédentes expériences dans le milieu bancaire. Concernant le profil, il est très particulier pour plusieurs raisons. A l’inverse d’un chef d’entreprise qui a développé des notions liées à l’argent, les gagnants n’en ont généralement pas. Ainsi, ils sont exposés à plus de risques et sont sujets à commettre plus d’erreurs manifestes. On estime que 50% des gens qui ont gagné plus de 10 millions d’euros ne peuvent plus vivre de leur rente 10 ans plus tard. La Française des Jeux doit donc développer encore plus son approche pédagogique à leur endroit. Elle doit inciter les gens à prendre du recul pour comprendre les nouveautés qui affectent leur vie telles que la fiscalité, la sécurité, les multiples sollicitations. Des escrocs vont tourner autour des gagnants pour essayer de capter une partie de leur patrimoine…
Est-il possible de gérer seul une somme de 190 millions d’euros, ou de plusieurs dizaines de millions en cas de partage des gains ?
Non, il est impossible de gérer une telle somme seul, à moins d’être déjà riche, d’avoir une expérience financière consistante et une équipe déjà en place. Pour gérer une telle somme, il faut au minimum deux ou trois personnes intégrées ou non connaissant bien la fiscalité, le droit et les investissements…
Comment choisir son gestionnaire de fortune ?
Il faut évidemment s’assurer de la qualité de l’équipe de gestion mais aussi les ressources fiscales, juridiques et technologiques disponibles du cabinet. La consolidation de comptes est un vrai travail et nécessite des moyens. Il est également conseillé de répartir la somme entre plusieurs gestionnaires pour limiter les risques. Pour finir, il est nécessaire de contrôler les performances de son gestionnaire dans le temps, savoir si elles sont en adéquation avec ses objectifs, et surtout bien connaître les risques dégagés par son patrimoine.
Outre les achats « plaisir », comment placer ce jackpot ? Quelles sont les règles de base à respecter pour préserver ce patrimoine ?
Personnellement, je développerais une approche simplifiée, c’est-à-dire autour de deux poches. La première serait sanctuarisée autour d’un stock d’argent placé sur des produits à rendement fixe. Ces intérêts assureront pendant 20 à 30 ans d’une part le train de vie du client, qu’il faudra estimer au plus près, et d’autre part le règlement des futures impositions. Elle peut être considérée comme son « assurance tout risque » contre lui-même et les escrocs. La seconde poche s’appuiera sur une approche plus traditionnelle. Il faudra effectuer une vraie diversification. Elle sera notamment constituée de placements peu liquides comme de l’immobilier de rendement ou des investissements dans des sociétés non cotées à hauteur de 25 à 30%. Le reste sera réparti sur des actifs plus liquides comme les obligations, les actions, les placements monétaires dans des enveloppes fiscales plus attractives telles que l’assurance vie.
S’il reste fiscalement domicilié en France, que peut faire le particulier pour payer moins d’impôts ?
Tout d’abord, il faut expliquer au gagnant qu’il va payer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) tous les ans pour environ 4 millions d’euros malgré les revenus de son capital qui seront eux taxés à près de 40%. Dans un second temps, il faudra générer une performance nette minimale de 3,5% pour financer sa fiscalité sans toucher à son capital. Actuellement, il n’est pas simple de faire fructifier un capital à 3,5% sans prendre trop de risque. Pour réduire son ISF, le meilleur conseil est de se constituer un actif professionnel. Pour cela, le gagnant peut notamment acheter des hôtels…
Quid des donations et de la préparation de la succession ?
Il vaut mieux le faire en amont, avant la remise du chèque par la Française des Jeux (demander à la FdJ un formulaire de paiement d’un gros lot collectif afin de répartir les quotes-parts, NDLR). Sinon, cela va lui coûter cher. Au-delà des schémas du type assurance vie, préférables pour transmettre son patrimoine dans le cadre d’une succession, l’actif professionnel est la seule solution permettant d’offrir une vraie exonération en France. Il permet de bénéficier de la loi Dutreil qui offre des taux très réduits pour transmettre son patrimoine.
Avez-vous un dernier conseil financier à donner au futur gagnant ?
Je conseille sincèrement au futur gagnant de ne rien faire de son argent pendant six mois en termes d’investissement. Il doit prendre du temps pour lui, effectuer quelques achats plaisir comme une voiture, des restaurants, une maison, un tour du monde mais surtout réfléchir à ce qu’il veut faire de cet argent. Une telle somme perturbe la cellule familiale et attire les convoitises… Ce laps de temps permettra aussi de trouver le bon gestionnaire de fortune…
* Les résultats d’Euro Millions peuvent être consultés à la télévision sur France 2 vendredi soir entre 22h30 et 23h15, sur le site Internet www.fdj.fr, sur l’application pour smartphones Euro Millions, chez votre buraliste ou au Journal Officiel.
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