INTERVIEW – Contracter un emprunt pour concrétiser un projet immobilier passé 50 ans peut en décourager plus d’un. Pourtant, des solutions existent pour les seniors et l’accès au financement immobilier ne leur est pas fermé, comme l’explique Cécile Roquelaure, directrice de la communication et des études du courtier en crédit Empruntis.
Crédit immobilier : « On peut trouver des solutions au-delà de 70 ans »

Toutsurmesfinances.com : Vous expliquez que le seuil des 50 ans n’est pas nécessairement une barrière à l’accès au crédit immobilier mais que vous constatez des blocages à partir de 57 ou 58 ans. Pourquoi ?
Cécile Roquelaure, directrice de la communication et des études d’Empruntis : Vous êtes vraiment proche de la retraite à cet âge-là et plus vous l’êtes, plus la part de vos remboursements liés à vos revenus de retraite va être importante. Aujourd’hui, il n’existe pas de barème spécifique lié à l’âge dans les banques : c’est la capacité de remboursement de l’emprunteur qui prévaut et on a constaté une baisse du taux de réponses positives des dossiers à partir de 57 ans : il tombe à environ 35%, contre plus de 40% entre 29 et 55 ans.
C’est vraiment lié à l’évolution des revenus, puisqu’ils vont naturellement baisser avec le passage à la retraite et vous n’allez plus avoir la même capacité de remboursement ou d’endettement. Ce sont des éléments liés aux revenus et aux charges qui peuvent compliquer l’accès au crédit, au-delà de la question des durées de prêt ou de l’assurance emprunteur.
Les problèmes rencontrés par les seniors candidats à l’emprunt relèvent donc davantage d’une question de revenus que d’un problème d’âge ?
C’est le premier élément déclencheur, car l’évolution des revenus va vous permettre de calculer votre capacité d’achat, votre taux d’endettement et votre reste à vivre, soit autant d’éléments clés pour le banquier. C’est pour cela que nous conseillons aux emprunteurs vivement de faire des simulations et de les présenter au banquier pour qu’il puisse identifier votre capacité d’emprunt post-retraite. Ce dernier a l’obligation de monter le financement en prenant cette baisse de ressources en considération, donc lui prouver quels seront vos nouveaux revenus et quel sera votre reste à vivre sont des forts leviers de négociation.
« Des assurances individuelles jusqu’à 75 ou 80 ans »
En termes de durées de prêt, que faut-il anticiper ?
On ne peut pas emprunter sur les mêmes durées lorsque l’on a 50 ou 58 ans. Il va falloir fixer la durée de remboursement sur ce qui est acceptable par la banque comme prise de risque. Cette dernière est estimée à partir de la capacité à maintenir son niveau de vie et la capacité de remboursement mais aussi par rapport à l’assurance emprunteur.
C’est-à-dire ?
Dans la majorité des contrats d’assurance groupe des banques [par opposition aux délégations d’assurance personnalisées, Ndlr], vous avez une limite d’âge d’adhésion qui se situe entre 65 et 70 ans. Les dates de fin de garantie vont pouvoir aller un petit peu plus loin, mais elles ne sont pas beaucoup plus éloignées en général. J’ai en tête un contrat qui s’arrêtait à 75 ans par exemple : vous pouvez souscrire jusqu’à 65 ans mais dix ans après, vous n’avez plus d’assurance.
Dans la délégation d’assurance de prêt, vous allez trouver des bornes ultérieures, jusqu’à 80 ans en adhésion. Si vous avez 70 ans et que votre banque a un contrat qui pose une limite d’âge d’adhésion à 69 ans, vous allez pouvoir trouver une assurance individuelle qui vous acceptera jusqu’à 75 ou 80 ans, en fonction des contrats.
Quels sont les critères pris en compte pour paramétrer l’assurance individuelle ?
L’assurance décès ne prend pas en compte votre patrimoine pour élaborer la tarification : quel qu’il soit, elle vous offrira les mêmes garanties pour prendre en charge votre échéance de crédit à hauteur de votre couverture (100%, 50%…). En revanche, les critères qui comptent sont l’âge, la catégorie socio-professionnelle (cadre ou non cadre), les risques professionnels auxquels vous êtes exposé et vos déclarations sur votre état de santé.
Si vous n’avez rien à déclarer à ce sujet, vous aurez droit aux tarifications classiques. Du moment que vous faites état d’un problème de santé, vous rentrez dans des formalités médicales et vous allez avoir une tarification sur mesure, en fonction du risque que vous présentez. Donc cela peut être très aléatoire d’un dossier à l’autre.
« Valoriser le patrimoine lors de la négociation »
Comment un emprunteur peut mettre à profit le patrimoine qu’il a accumulé lors de la négociation avec la banque ?
De la même façon qu’un jeune primo-accédant peut mettre en avant ses perspectives de carrière et la progression de ses revenus dans le temps, vous devez valoriser le patrimoine que vous avez constitué lors de la négociation. C’est une preuve de bonne gestion et de votre capacité à prévoir et épargner, et ce quel que soit le profil de l’emprunteur.
Le nantissement* est également un bon outil pour les seniors qui pourraient être en difficulté pour trouver une garantie ou qui ont besoin d’apporter une garantie complémentaire. Il n’est pas proposé par tous les établissements bancaires cependant et il existe des contraintes : si vous nantissez un contrat d’assurance vie par exemple, vous devez avoir l’aval du banquier pour réaliser des arbitrages ou modifier la clause bénéficiaire.
D’autres options que l’assurance vie pour le nantissement et plus généralement l’utilisation de son patrimoine comme garantie bancaire sont-elles envisageables ?
L’assurance vie est favorisée par les banquiers car le risque est beaucoup moins élevé qu’avec d’autres valeurs mobilières, comme un compte-titres par exemple. Vous pouvez également mettre en garantie des biens immobiliers ou mobiliers, même si ce sera sans doute plus compliqué dans ce dernier cas. Pour prendre un exemple particulier, si vous avez une voiture de collection, vous pouvez peut-être trouver une banque qui l’acceptera en garantie même si cela me paraît peu probable. Tout dépend de la volonté de vous suivre du banquier et de sa capacité à expertiser la valeur du bien.
Existe-il un âge après lequel il n’est plus possible d’accéder à l’emprunt ?
Il y a certainement un âge à partir duquel les banques ne suivent plus, mais nous ne sommes pas encore tombés dessus. Dans le dernier dossier que j’ai vu passer, un monsieur de 71 ans cherchait à financer l’achat de sa résidence principale et a obtenu un emprunt. Donc aujourd’hui, on traite des dossiers au-delà de 70 ans et on peut trouver des solutions de financement.
*Mise en garantie d’un bien meuble incorporel comme un contrat d’assurance vie
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