Un emprunteur français ne contracte pas un crédit immobilier dans les mêmes conditions que ses voisins européens. Décryptage en cinq points clés.
Le crédit immobilier à la française, une exception « culturelle »

Le crédit immobilier à la française fait beaucoup parler depuis quelques semaines. En cause, le comité de Bâle, chargé de superviser la régulation bancaire internationale, et ses nouvelles recommandations en préparation. Parmi les propositions sur la table, il envisage d’inciter les établissements prêteurs à recourir davantage au taux variable, et non fixe, et à demander plus d’apport personnel aux emprunteurs. Le tout pour limiter les risques en cas de non-remboursement.
Mais la pilule ne passe pas en France. Les banques et professionnels du crédit se mobilisent contre ces initiatives. Et la levée de boucliers prend un tour politique : le Sénat a adopté à l’unanimité mercredi 18 mai 2016 une résolution, non contraignante juridiquement, visant à protéger les modalités de prêt à l’habitat appliquées dans l’Hexagone. A cette occasion, le secrétaire d’Etat au Budget Christian Eckert a indiqué que « le gouvernement sera attentif à ce que les spécificités françaises soient prises en compte » par le comité de Bâle. Mais justement, quelles sont-elles ? Explications en quatre points clés.
• Des prêts en fonction de la capacité à rembourser
En Europe du Nord (Royaume-Uni, Irlande, Danemark, Finlande, Suède), l’octroi des crédits immobiliers et leur montant dépendent essentiellement de la valeur du logement acheté. L’idée étant qu’en cas de non-remboursement du prêt, la banque peut récupérer sa mise en saisissant le bien pour le revendre.
A l’inverse, pour les établissements français mais aussi allemands, les revenus et charges de l’emprunteur priment. « Au-delà de la valeur du bien financé, détaille Nicolas Pécourt, directeur de la communication du Crédit Foncier, les banques françaises évaluent la capacité de rembourser chaque mois du futur emprunteur. Elles mesurent donc très précisément le budget des ménages et la capacité de remboursement du crédit. »
• Taux fixes largement majoritaires
Autre sécurité pour les emprunteurs, ils ne risquent pas de subir des hausses de taux intempestives en cours de prêt. Les crédits immobiliers à taux fixe sont en effet la norme. D’après les données de l’observatoire CSA/Crédit Logement, les prêts à taux variable comptent pour moins d’un emprunt sur dix depuis 2001, avec une exception notable en 2004-2005 (environ deux sur dix). La chute des taux amorcée en 2012 a encouragé cette tendance (1,2% de prêts à taux révisable en 2015, 0,5% début 2016).
En d’autres termes, les taux, et donc la charge à rembourser, ne bougent pas en France, à moins de renégocier le crédit à son avantage. En revanche, ils varient dans les pays anglo-saxons, « quoique le Royaume-Uni revient année après année vers les taux fixes », note Nicolas Pécourt. En Allemagne, un autre modèle prévaut : le taux ne bouge pas pendant une période donnée, cinq ans par exemple, à l’issue de laquelle la banque et l’emprunteur revoient les paramètres du prêt en fonction de l’évolution du marché.
• Très peu d’incidents de remboursement
Conséquence directe des deux premiers points, le modèle hexagonal suscite peu d’accidents. « La France est le pays en Europe qui présente le taux d’impayés (0,1% fin 2014) le plus faible », selon le dernier rapport annuel du Haut conseil de stabilité financière (HCSF). Autrement dit, les Français remboursent mieux leur crédit immobilier que les Allemands (0,5% de défauts) ou les Britanniques, Espagnols et Italiens (1,5%).
• Des cautions plutôt que des hypothèques
En France, la majorité des crédits immobiliers (52,7% fin 2014 d’après le HCSF) sont garantis par des organismes de caution (Crédit Logement ou organismes filiales de banques). Un gros tiers des prêts à l’habitat (34,7%) font quant à eux l’objet d’une hypothèque. Une exception dans le paysage mondial : « A l’étranger, on est surtout sur des modèles hypothécaires », indique Nicolas Pécourt.
Près de 50.000 euros à rembourser par propriétaire
L’encours moyen de crédits immobiliers pour un ménage propriétaire de son logement s’établit à 47.096 euros en France à fin 2015. Traduction, chaque foyer propriétaire doit rembourser près de 50.000 euros à sa banque… Du moins en théorie : cette moyenne cumule en effet toutes les situations, sans distinguer les emprunteurs qui viennent de débuter le remboursement et ceux qui le terminent.
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