Rétablissement de l’ISF supprimé en 2018 ? Macron opposé à la revendication des gilets jaunes

Par Olivier Brunet
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Le gouvernement serait prêt à revenir sur la suppression de l’ISF, si la réforme voulue par Emmanuel Macron devait ne pas produire les effets escomptés sur le financement de l’économie. Une évaluation a été lancée et un premier rapport devrait paraître fin 2019, alors que le rétablissement de l’ISF figure parmi les principales revendications des gilets jaunes. Mais le président est contre.

Rétablissement de l’ISF, une revendication des gilets jaunes

Il n’y a qu’à écouter les gilets jaunes sur les ronds-points ou lire leurs revendications publiées sur Facebook : le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), supprimé fin 2017 en application du programme d’Emmanuel Macron, figure dans le peloton de tête des doléances des protestataires. Cette réforme, symbole de la politique fiscale du début du quinquennat d’Emmanuel Macron accusée de favoriser les plus riches, cristallise la colère. Alors que dans le même temps, des efforts sont demandés aux Français par le biais de taxes qui viennent renchérir les prix de l’essence ou des cigarettes, et à une partie des retraités au travers de l’augmentation de la CSG (contribution sociale généralisée).

Les gestes déjà consentis en faveur des classes moyennes et populaires (suppression de la taxe d’habitation par étapes, augmentation de la prime d’activité, suppression de cotisations pour augmenter le net à payer en bas des bulletins de salaires) n’ont manifestement pas suffi à dompter le ras-le-bol.

Suppression de la réforme Macron de l’ISF, l’idée fait son chemin

Suppression de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) instauré en 2018 et retour à l’ancien impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en même temps ? L’idée, revendiquée par les gilets jaunes en complément de mesures fortes sur le pouvoir d’achat, n’est pas écartée par l’exécutif.

Tout en indiquant que « ce sujet n’est pas sur la table », Benjamin Griveaux, ancien porte-parole du gouvernement et proche d’Emmanuel Macron, a annoncé le 5 décembre 2018 sur RTL que le pouvoir en place était prêt à revenir sur la suppression de l’ISF, si l’absence de résultats tangibles devait être constatée.

« Si une mesure qu’on a prise parce qu’on est persuadé que ça va marcher, ne fonctionne pas, si quelque chose ne marche pas, on n’est pas idiots, on va le changer. Avant de savoir si ça ne marche pas, on va l’évaluer avec le Parlement », a déclaré Benjamin Griveaux, invité de l’émission RTL Matin. La veille sur France 3, Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, a elle aussi évoqué l’hypothèse d’un retour potentiel de l’ISF. « S’il n’y a pas assez de capitaux réinjectés dans l’économie française, le proposerai que nous le rétablissions », a-t-elle avancé.

Des déclarations qui font écho aux appels à la remise en cause de la suppression de l’ISF chez plusieurs parlementaires, d’abord de l’opposition comme François Ruffin (député La France Insoumise de la Somme), qui déclarait le 13 novembre dernier à l’Assemblée nationale « c’est toute la France qui dans la rue ou dans les sondages vous le répète, rendez l’ISF d’abord ».

Mais le sujet trouble jusque dans les rangs de la majorité parlementaire, plusieurs élus LREM (La République en marche) s’interrogeant depuis la mi-novembre sur les effets de la réforme. Bruno Bonnell (député du Rhône), Patrick Vignal (Hérault), Lionel Causse (Landes) à l’Assemblée nationale, André Gattolin (Hauts-de-Seine) et Michel Amiel (Bouches-du-Rhône), au Sénat, tous réclament a minima un bilan de la réforme.

Évaluation de la suppression de l’ISF à partir de 2019

Comme l’a évoqué Benjamin Griveaux, le rétablissement immédiat de l’ISF n’est pas à l’ordre du jour du gouvernement. L’annulation de la réforme n’est donc pas acquise. Et si elle devait se produire, elle n’interviendrait pas avant une mesure d’impact, qui ne commencera pas tout de suite.

« Il faut laisser 18 à 24 mois pour que la mesure fasse son plein effet. Ça été voté en décembre 2017. Une bonne évaluation peut commencer à l’automne 2019 », a-t-il annoncé.

Cette évaluation de la réforme de l’ISF n’a pas été spécifiquement prise en réaction aux blocages et aux manifestations des gilets jaunes. Elle était déjà prévue dès sa mise en place, dans l’article du projet de loi de finances pour 2018 instaurant le remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune par l’impôt sur la fortune immobilière.

Le texte prévoit précisément la mise en place d’une mission de suivi et d’évaluation des impacts économiques et sociaux de la suppression de l’ISF par la commission des finances de l’Assemblée nationale. Les députés LREM, moteurs dans cette volonté de quantifier les conséquences de la réforme, ont souhaité porter une « attention particulière » aux effets de la mesure sur deux volets, l’un économique, « en termes d’investissement dans les entreprises », et l’autre à connotation plus sociale, en matière de « répartition des richesses ».

Dans le texte de loi, la mission d’évaluation devait débuter « dans un délai de deux ans à compter de la publication » de la loi, soit à partir de fin décembre 2019. Benjamin Griveaux a donc suggéré donc de commencer les travaux quelques mois plus tôt.

Ainsi, un comité de suivi indépendant a été mis en place le 20 décembre 2018, composé de 13 membres dont une députée, deux économistes, cinq personnalités qualifiées, un membre du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO, institution rattachée à la Cour des comptes),  et quatre représentants de l’administration. Il est piloté par France Stratégie et le Conseil d’analyse économique (CAE), deux organismes rattachés au Premier ministre,  et produira ensuite un rapport public visant à exposer l’évaluation de la réforme. Ce rapport doit être rendu avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2020.

Au mieux et dans des conditions, un hypothétique rétablissement de l’ISF serait voté en 2020 pour une prise d’effet en 2021, sauf volonté politiquer d’aller plus vite. Sachant que selon Les Echos, Emmanuel Macron se serait opposé, en Conseil des ministres, à tout retour en arrière sur l’ISF. « Nous ne détricoterons rien de ce qui a été fait depuis dix-huit mois », aurait-il martelé le 5 décembre 2018 en Conseil des ministres.

Le chef de l’État a campé sur ses positions cinq jours plus tard. « Je sais que certains voudraient que je revienne sur la réforme de l’ISF », a-t-il déclaré lors d’une allocucution télévisée prononcée le 10 décembre 2018 pour essayer d’apaiser la colère des gilets jaunes. « Pendant près de 40 ans, il a existé. Vivions-nous mieux ? Les plus riches partaient et notre pays s’affaiblissait », a estimé Emmanuel Macron. Avant de conclure : « Revenir en arrière nous affaiblirait ».

L’ISF supprimé en 2018, pourquoi ?

Dans son intervention sur RTL, Benjamin Griveaux a rappelé l’objectif de la suppression de l’ISF et de son remplacement par l’IFI, intervenue au 1er janvier 2018.

« On n’a pas supprimé l’ISF, on l’a transformé », a-t-il rectifié. « On a supprimé sur quoi ? Sur les valeurs mobilières, sur les actions. […] Ce n’est pas un cadeau aux riches. C’est permettre à nos entreprises de bénéficier de capitaux français pour pouvoir les développer, justifie Benjamin Griveaux. Ce que je veux c’est que l’argent qui a été gagné en France, plutôt qu’il ne parte à l’étranger, ce qui est le cas, ils soient investis dans nos PME, dans les territoires, là où il y a des emplois ».

Ce que dit Benjamin Griveaux est vrai, mais imprécis : l’ISF n’a pas uniquement été supprimé sur les actions : le cash, les livrets bancaires, l’or, les meubles, les yachts, les placements en assurance vie hors immobilier ont également bénéficié de l’allègement fiscal.

Quant à l’impact sur le financement des entreprises, les effets seront difficiles à quantifier, en raison de la difficulté à tracer la réaffectation de l’économie d’impôt induite par les personnes concernées. Ils seront mesurés dans le cadre de la mission d’évaluation de l’Assemblée nationale

ISF supprimé : pour qui et pour quel montant ?

Qui a bénéficié de la suppression de l’ISF ? Qui paie l’IFI après la réforme ? Au total, plus de 300.000 foyers détenteurs d’un patrimoine supérieur au seuil légal d’imposition ont bénéficié d’un allègement d’impôt. L’économie d’impôt est variable d’un contribuable à l’autre, en fonction des actifs qu’il détient.

Certains, qui ne disposaient d’aucun patrimoine immobilier, ont bénéficié d’une exonération totale. À l’autre extrémité, quelques personnes ont pu voir leur imposition alourdie au titre de l’IFI par rapport à l’ISF, les règles de taxation du patrimoine immobilier ayant été durcies entre l’ancien ISF et le nouvel impôt sur la fortune immobilière qu’il a remplacé.

En 2017, 358.198 contribuables ont rempli une déclaration d’ISF pour un montant total d’impôt de 4,37 milliards d’euros récolté, soit environ 12.200 euros d’impôt en moyenne.
En 2018, et sur la base de données provisoires, environ 120.000 déclarations d’IFI ont été remplies, pour une prévision de recettes récemment actualisée de 1,05 milliard d’euros, soit un IFI moyen de l’ordre de 8.700 euros par foyer fiscal concerné.

La baisse de recettes pour l’Etat se monte donc à 3,32 milliards d’euros entre 2017 et 2018. Combien chacun percevrait-il si cette somme devait être rendue à l’ensemble de la population ? Si cette somme devait être partagée à parts égales entre tous les Français, soit 67.186.638 de personnes (population au 1er janvier 2018, source Insee), chacun toucherait 49,4 euros, selon nos calculs. En procédant à cette redistribution au niveau du foyer fiscal (37.889.181 foyers fiscaux en 2017, source administration fiscale), chaque contribuable toucherait 87,6 euros.

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