Promesses phare d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, les ordonnances réformant le Code du travail ont été publiées au Journal Officiel du 23 septembre 2017. Pour être mises en place, elles doivent encore être ratifiées par le Parlement. Certaines mesures auront un impact sur le portefeuille des salariés, notamment l’augmentation de 25% des indemnités légales de licenciement pour les dix premières années d’ancienneté, officialisées par un décret paru le 26 septembre.
Loi Travail 2 : ce que la réforme Macron va changer pour les salariés
SOMMAIRE
– Mesures financières de la loi Travail 2
– Plafonnement des indemnités prud’homales
– Augmentation des indemnités légales de licenciement
Mesures de dialogue social et de conditions de travail de la loi Travail 2
– Primauté des accords d’entreprise
– Fusion des instances représentatives du personnel
– Mise en place d’une rupture conventionnelle collective
– Réforme du compte pénibilité
Calendrier de la loi Travail 2
Les dispositions qui n’ont pas été retenues dans les ordonnances
– Généralisation du chèque syndical
– Versement des allocations chômage en cas de démission
– Instauration d’un contrat unique d’alternance
Report du prélèvement à la source
Objectifs de la loi Travail 2
Emmanuel Macron souhaite réformer le Code du travail. Le président de la République estime que la réglementation française manque de souplesse et que cette rigidité décourage les chefs d’entreprise à recruter. Il juge que la loi Travail du 8 août 2016 n’est pas allée assez loin. Le texte, plus connu sous l’appellation de « loi El Khomri » (en référence à la ministre du Travail de l’époque Myriam El Khomri), a déjà introduit quelques assouplissements, comme la simplification du licenciement économique, l’organisation de référendum d’entreprise ou encore un plafonnement possible des heures supplémentaires.
Si les propositions d’Emmanuel Macron désignées sous l’expression de « loi Travail 2 » se veulent plus réformatrices, elles ne touchent pas aux grands principes du Code du travail que sont le salaire minimum (le Smic), la durée du temps de travail (35 heures par semaine) ou encore la lutte contre les discriminations (de genre, raciales, syndicales, de religion et de domiciliation).
Mesures financières de la loi Travail 2
Plafonnement des indemnités prud’homales
La « barémisation » des indemnités versées par les Prud’hommes en cas de licenciement irrégulier ou « sans cause réelle, ni sérieuse » constitue de loin la mesure la plus polémique. Prévue à l’origine dans la loi El Khomri, elle a d’ailleurs finalement été retirée de ce texte sous la pression des syndicats.
La loi Travail 2 reprend le principe d’un seuil minimum et d’un plafond. L’indemnité minimale correspond à un mois de salaire brut au bout d’un an d’ancienneté du salarié dans l’entreprise, puis à trois mois à compter de deux ans d’ancienneté. L’indemnité maximale est fixée à un mois par année d’ancienneté jusqu’à la dixième année (dix mois de salaire brut). A partir de la onzième année, elle augmente de 0,5 salaire brut par année et est plafonnée à 20 mois de salaire brut à compter de 30 ans d’ancienneté et plus. A noter : dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’indemnité minimale est fixée 0,5 salaire brut pour 1 ou 2 ans d’ancienneté, puis augmente de 0,5 salaire brut par an pour atteindre 2,5 salaire brut à partir de 10 ans et plus de présence dans l’entreprise. Un simulateur a été mis en ligne sur service-public.fr pour évaluer les montants minimum et maximum des indemnités pour dommages et intérêts susceptibles d’être fixées par le juge prud’homal en cas de licenciement abusif, c’est-à-dire sans cause réelle et sérieuse, se basant sur les barèmes instaurés par la loi Travail 2.
Ce barème ne s’appliquera pas aux indemnités légales de licenciement, ni aux indemnités prud’homales versées en cas de « licenciement abusif », c’est-à-dire lié à une discrimination ou à un harcèlement (moral ou sexuel). Par ailleurs, les délais de recours aux Prud’hommes sont alignés sur les délais existants pour le licenciement économique, à savoir 12 mois (contre 24 mois jusqu’ici).
Augmentation de l’indemnité légale de licenciement
Les indemnités légales de licenciement sont augmentées de 25% pour les salariés licenciés dans leurs dix premières années de présence dans l’entreprise. A partir du 27 septembre 2017, l’indemnité légale de licenciement passe, pour les dix premières années d’ancienneté, d’un cinquième à un quart du salaire brut par année. A compter de 11 ans de présence, elle demeure fixée à un tiers du salaire brut par année d’ancienneté comme actuellement. Le salaire de référence correspond à la moyenne des rémunérations perçues dans les 12 mois précédant le licenciement. Pour les salariés présents depuis moins d’un an dans l’entreprise, il équivaut à la moyenne des salaires versés dans l’ensemble des mois précédant le licenciement.
Mesures de dialogue social et de conditions de travail de la loi Travail 2
Primauté des accords d’entreprise
Le rôle de la branche est réaffirmé et conforté dans plusieurs domaines, notamment les salaires minima, la prévoyance, ou encore l’égalité femmes-hommes. En dehors de ces domaines, Les dispositions décidées dans le cadre d’un accord signé entre l’employeur et les représentants du personnel primeront à l’avenir sur celles instaurées par un accord de branche professionnelle, négocié par les organisations patronales et syndicales du secteur d’activité. Aujourd’hui, cette primauté existe pour le temps de travail et l’organisation du travail.
Fusion des instances représentatives du personnel
Il existe actuellement trois instances représentatives du personnel (IRP) : les délégués du personnel obligatoires à partir de 11 salariés, le comité d’entreprise (CE) obligatoire à partir de 50 salariés et le comité d’hygiène, de sécurité et de conditions du travail (CHSCT) également obligatoire à partir de 50 salariés. Les IRP vont être fusionnés dans un comité social et économique (CSE). Une commission hygiène , santé, sécurité et conditions de travail sera toutefois obligatoire pour les entreprises employant au moins 300 salariés. La fusion viserait à limiter les « effets de seuil », la tendance des employeurs étant à ne pas embaucher pour éviter l’obligation de mise en place d’une IRP.
Le CSE est non seulement habilité à commander, si besoin, des expertises, mais s’il n’a pas les moyens financiers pour avoir recours aux services d’experts indépendants, l’entreprise doit prendre en charge le coût, a ajouté un amendement au projet de ratification des ordonnances encore en discussion au Parlement.
Création du CDI d’opération
Le CDI d’opération a été conçu sur le modèle du CDI de chantier créé pour le secteur du BTP. Il s’agirait d’un contrat à durée indéterminée qui intégrerait une clause prévoyant que le contrat de travail s’arrête à l’achèvement d’un projet ou d’une mission. Il ne serait donc pas conclu pour une durée précise.
En outre, contrairement au contrat à durée déterminée (CDD), le CDI d’opération ne donnerait pas droit à une prime de précarité. Le gouvernement assure que ce contrat ne sera pas généralisé mais limité à certains secteurs d’activité. Les entreprises ne pourront l’utiliser qu’à condition qu’il soit autorisé par la branche professionnelle. Un amendement au projet de loi de ratification des ordonnances a instauré une priorité de réembauche des personnes licenciées en CDI de chantier en cas de recrutement d’un poste en CDI.
Mise en place d’une rupture conventionnelle collective
Via un accord collectif, salariés et employeur pourront décider d’une rupture d’un commun accord sur le modèle de la rupture conventionnelle individuelle en vigueur depuis 2008. Comme elle, ce plan de départ volontaire (PDV) devra avoir l’homologation de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte). Les indemnités versées aux volontaires dans le cadre du PDV ne pourront pas être inférieures aux indemnités légales de licenciement.
Un amendement au projet de loi de ratification des ordonnances a introduit la possibilité pour les bénéficiaires d’un congé de mobilité d’avoir accès à la rupture conventionnelle collective (RCC) et ce, quelle que soit la taille de l’entreprise. Le congé mobilité permet aux salariés de suivre une formation en vue d’une reconversion professionnelle.
Réforme du compte pénibilité
Mis en place depuis le 1er janvier 2015, le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) permet à des salariés exposés à des risques professionnels de cumuler des points de pénibilité leur permettant à terme de suivre une formation de reconversion professionnelle, de travailler à temps partiel payé comme un temps plein ou de partir plus tôt à la retraite.
Dans le nouveau C3P rebaptisé « compte professionnel de prévention », seuls six critères de pénibilité (travail de nuit, travail à la chaîne, travail en 3×8, travail sous l’eau et sous terre, bruit, températures extrêmes) sur dix permettront toujours d’acquérir des points.
A partir du 1er janvier 2018, les quatre critères restants (manutention de charges lourdes, vibrations mécaniques, postures pénibles, expositions à des agents chimiques dangereux) permettront de bénéficier uniquement d’une retraite anticipée et à condition que le salarié souffre d’une maladie professionnelle ayant entraîné une invalidité permanente d’au moins 10%.
Calendrier de la loi Travail 2
Pour réformer au plus vite le Code du travail et comme promis lors de la présidentielle, Emmanuel Macron a décidé de passer par la procédure accélérée des ordonnances. Ce qui, contrairement aux idées reçues, n’exonère pas d’un examen législatif. Concrètement, un projet de loi « d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social » a été présenté le 28 juin 2017 en Conseil des ministres.
Le texte a été adopté par l’Assemblée nationale le 13 juillet et le 27 juillet au Sénat. Réunis en commission mixte paritaire (CMP), députés et sénateur ont trouvé un compromis le 31 juillet. Le projet a été définitivement voté en seconde lecture le 1er août à l’Assemblée et le 3 août au Sénat. Après consultation des partenaires sociaux, les cinq ordonnances ont été officiellement signées le 22 septembre 2017 par Emmanuek Macron à l’Elyséee.
Elles ont été publiées au Journal Officiel daté du 23 septembre. Si l’entrée en vigueur de certaines mesures, comme la barémisation des indemnités prud’homales, est immédiate, d’autres, telle la fusion des IRP, necessitent la publication d’un décret d’application. Dans tous les cas, les ordonnances doivent être ratifiées par le Parlement. Le gouvernement a annoncé qu’elles devraient l’être dans la semaine du 20 novembre 2017. Au total, une vingtaine de décrets devraient être publiées d’ici le 31 décembre.
Pour être mise en place, les ordonnances doivent être ratifiées par le Parlement. Le projet de loi de ratification a été adopté le 28 novembre 2017 par les députés. Il doit maintenant être examiné au Sénat.
Les dispositions qui n’ont pas été retenues dans les ordonnances
Plusieurs mesures évoquées ne figurent pas dans les ordonnances réformant le Code du travail.
Généralisation du chèque syndical
Une aide, cofinancée par l’Etat et par l’entreprise, devait être allouée aux salariés pour les encourager à adhérer à un syndicat. Elle aurait pu être utilisée uniquement pour payer la cotisation annuelle. Le salarié n’aurait pas obligé de se syndiquer. L’instauration de cette sorte de « chèque syndical », déjà en vigueur aujourd’hui dans certaines entreprises, ainsi que ses conditions auraient été décidées par les branches professionnelles : certaines d’entre elles auraient pu décider d’appliquer ou non la mesure, et si oui selon des modalités différentes.
Versement des allocations chômage en cas de démission
Les salariés démissionnaires auraient pu percevoir l’allocation de retour à l’emploi (ARE) versée par Pôle emploi. Actuellement, l’ARE est octroyée uniquement pour les démissions liées à un déménagement (pour suivre son conjoint, son partenaire de Pacs ou son concubin qui change de résidence pour des motifs professionnels) ou pour les démissions « légitimes » (non-paiement des salaires, violences physiques, harcèlement sexuel…). Le droit à l’indemnisation chômage pour démission aurait été reconductible tous les cinq ans.
Instauration d’un contrat unique d’alternance
Une fusion du contrat d’apprentissage et du contrat de professionnalisation a été envisagée. Ce contrat unique d’alternance n’aurait pas comporter de critère d’âge comme c’est le cas actuellement pour le contrat d’apprentissage, accessible seulement aux jeunes âgés de 16 à 25 ans.
Report du prélèvement à la source
Dans la future loi Travail 2, une mesure n’a rien à voir avec le Code du travail : le report d’un an du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (IR). La loi de finances pour 2017 avait prévu que l’IR soit prélevé tous les mois, à compter du 1er janvier 2018, directement sur les salaires, les allocations de chômage, les indemnités journalières ou encore les pensions de vieillesse par respectivement les employeurs, Pôle emploi, l’Assurance maladie et les caisses de retraite. L’objectif est de supprimer le décalage dans le temps entre les revenus perçus et l’impôt à payer.
La mesure sera finalement effective seulement à partir du 1er janvier 2019. Officiellement, ce report a été décidé pour mener des expérimentations et vérifier ainsi que les procédures techniques fonctionnent bien avant leur généralisation. En réalité, grâce à ce décalage, une des mesures phares du programme d’Emmanuel Macron – à savoir la suppression des cotisations maladie et chômage pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés – sera perceptible pour les personnes concernées.
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