L’aide juridictionnelle, c’est quoi ?
L’aide juridictionnelle est une aide de l’État français au financement des frais de procédure judiciaire, réservée aux personnes disposant de revenus et d’un patrimoine modestes. Il s’agit d’une prise en charge par l’État des frais que le justiciable n’est pas en mesure de financer par lui-même, du fait de la faiblesse de ses ressources.
L’aide juridictionnelle peut être :
- totale : prise en charge à 100% par l’État des frais de procédure
- partielle : prise en charge par l’État à 25% ou à 55% des frais de procédure
L’aide juridictionnelle prend en charge une partie ou la totalité des honoraires d’avocats, d’huissier ou encore de notaires et les frais de justice (actes, expertises…).
Elle est accordée sous plusieurs conditions, notamment de revenus, par le bureau d’aide juridictionnelle (BAJ) compétent, selon la localisation du domicile du justiciable.
L’aide juridictionnelle est financée par une taxe pesant sur les contrats d’assurance protection juridique.
Réforme de l’aide juridictionnelle en vigueur depuis 2021
Une réforme de l’aide juridictionnelle est entrée en vigueur au 1er janvier 2021, fixée par un décret paru au Journal Officiel du 29 décembre 2020. Elle porte sur deux points :
- Désormais, seul est pris en compte le revenu fiscal de référence (RFR) ou, à défaut, les ressources imposables du demandeur, selon le barème en vigueur. Les seuils d’éligibilité à l’aide juridictionnelle et à l’aide à l’intervention de l’avocat sont donc définis sur la base d’un montant de revenus annuels, en prenant en compte la composition du foyer, le patrimoine et l’épargne du demandeur. Auparavant, le dispositif prévoyait que soient prises en compte les « ressources de toute nature », avec de nombreuses exceptions
- Sont désormais fixées par décret les valeurs de patrimoine (épargne et patrimoine immobilier) au-delà desquelles le demandeur n’est plus éligible. Jusque-là, ces valeurs étaient prises en compte de manière hétérogène.
Au regard du RFR du demandeur, des seuils d’éligibilité à l’aide juridictionnelle sont fixés pour déterminer le plafond du RFR pour prétendre à une aide juridictionnelle totale ou partielle. Les plafonds de ressources et de patrimoine sont majorés quand le foyer fiscal est composé de plusieurs personnes. La majoration est fixée à 0,18 fois le plafond de RFR pour chacune des deux premières personnes supplémentaires et à 0,1137 fois le RFR pour les personnes suivantes.
Par ailleurs, des plafonds d’éligibilité concernent :
- le patrimoine mobilier (épargne essentiellement) : si sa valeur est supérieure au plafond de l’aide juridictionnelle totale, le demandeur n’est pas éligible à l’aide juridictionnelle
- le patrimoine immobilier (hors résidence principale et locaux professionnels) : si sa valeur est supérieure au double du plafond de l’aide juridictionnelle partielle, le demandeur n’est pas éligible à l’aide juridictionnelle
L’application des nouvelles règles vise uniquement les nouvelles demandes d’aide juridictionnelle formulées depuis le 1er janvier 2021. Les règles antérieures s’appliquaient aux demandes introduites au plus tard le 31 décembre 2020.
Dans le cadre de cette réforme, un nouveau service en ligne de demande d’aide juridictionnelle a été lancé en décembre 2023 – après une expérimentation et une déploiement progressif dans plusieurs juridictions – afin de permettre un recours plus facile à ce dispositif. Cette plateforme, intitulée « L’aide juridictionnelle », est accessible :
- depuis le site du ministère de la Justice (justice.fr, puis cliquer sur « Faire une demande d’aide juridictionnelle »
- depuis le portail de l’aide juridictionnelle (l’accès à son compte personnel se fait grâce ses identifiants France Connect ou via des comptes déjà existants sur impots.gouv.fr ou ameli.fr)
ATTENTION : le recours à une demande d’aide juridictionnelle par courrier ou en main propre peut demeurer dans certaines juridictions. Celles-ci sont :
- un tribunal administratif
- une cour administrative d’appel
- le Conseil d’État
- la Cour de cassation
- la Cour nationale du droit d’asile
- un tribunal d’un autre État membre de l’Union européenne
Le service en ligne ne peut pas non plus être utilisé pour saisir la justice ou en cas de convocation devant un tribunal français de première instance ou une cour d’appel localisés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Dans tous ces cas, il faut utiliser les formulaires disponibles en téléchargement sur le téléservice.
Conditions d’attribution de l’aide juridictionnelle
Aide juridictionnelle : pour qui ?
Qui a droit à l’aide juridictionnelle ? Toute personne qui n’a pas les moyen de financer ses frais de justice, quelle soit sa position ou la partie engagée dans la procédure. Le demandeur de l’aide juridictionnelle peut donc être :
- prévenu
- accusé
- mis en examen
- condamné
- partie civile
- témoin
- témoin assisté
Conditions à vérifier avant de déposer sa demande d’aide juridictionnelle
L’attribution de l’aide juridictionnelle est soumise à certaines conditions. Ainsi, avant d’effectuer une demande, le particulier doit vérifier que :
- ses ressources sont inférieures ou égales aux plafonds fixés par la loi
- l’action en justice envisagée n’est pas irrecevable ou dénuée de fondement
- qu’il ne possède pas déjà une assurance de protection juridique ou une couverture similaire incluse dans l’un de ses contrats d’assurance.
Aide juridictionnelle et assurance protection juridique
En effet, si le demandeur possède déjà une assurance protection juridique ou un contrat qui comprend ce type de garantie, il ne peut requérir l’attribution de l’aide juridictionnelle, sauf si l’assureur ne prend pas en charge ce type de litige.
Dans le détail, avant toute demande d’aide juridictionnelle, il faut faire le tour de ses contrats d’assurance habitation et automobile qui incluent quasi-systématiquement une garantie protection juridique (prise en charge des frais de justice lors d’un litige, service d’assistance juridique…).
Si le justiciable est titulaire de l’un de ces trois contrats, il faut alors contacter l’assureur afin de faire jouer la garantie protection juridique incluse dans le contrat et qu’ainsi les frais de justice soient pris en charge. Pour ce faire, l’assuré doit remplir un formulaire spécifique intitulé « Demande d’intervention auprès de l’assureur », téléchargeable sur le site Internet du ministère de la Justice ou retirable directement auprès des bureaux d’aide juridictionnelle, de sa mairie, du tribunal d’instance ou dans les lieux d’information juridique comme les Maisons de justice.
Si l’assureur ne prend pas en charge le litige, il doit retourner le formulaire Cerfa n°15173*02 avec la partie « Attestation de non prise en charge » remplie par ses soins. Une copie de ce document sera à joindre à la demande d’aide juridictionnelle.
ATTENTION : il est possible que vous bénéficiiez d’une protection juridique via votre employeur. Il faut alors le vérifier avant d’engager toute demande d’aide juridictionnelle.
Si vous ne possédez aucun de ces contrats ou ce type de garantie, il vous suffit de cocher la case « non » à la question « Avez-vous un contrat d’assurance de protection juridique ou un autre système de protection applicable ? » incluse dans le formulaire de demande d’aide juridictionnelle.
BON À SAVOIR : une garantie protection juridique ne prend jamais en charge le divorce, l’après-divorce, les contraventions ou les délits intentionnels causés par un tiers majeur.
Pour quels types de litiges ?
L’aide juridictionnelle prend en charge les honoraires et frais de justice liés aux affaires suivantes :
- un procès : divorce, litige avec un tiers tel qu’un voisin, un employeur, une administration ou encore de la route, victime d’un vol, d’une agression, d’un accident, de violences physiques et sexuelles…
- un recours gracieux
- une transaction
- pour faire exécuter une décision de justice
- dans le cadre d’une audition d’un mineur par un juge
- pour une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
- pour une procédure de médiation
- pour une procédure dans l’Union européenne (hors Danemark)
Les types de tribunaux sont concernés par l’aide juridictionnelle sont :
- tribunal judiciaire – nom donné, depuis le 1er janvier 2020, à la nouvelle formation juridictionnelle née de la fusion entre le tribunal d’instance (TI) et le tribunal de grande instance (TGI)
- conseil des prud’hommes
- tribunal administratif
- tribunal correctionnel
- cour d’appel
- cour de cassation
- conseil d’État
ATTENTION : Un décret, paru au Journal Officiel du 19 octobre 2019, précise que dorénavant, « les procédures ouvertes devant le tribunal départemental des pensions et devant la cour régionale des pensions n’ouvrent plus droit à l’aide juridictionnelle ».
Aide juridictionnelle : plafonds 2024
L’aide juridictionnelle est accordée puis calculée en tenant compte notamment :
- des ressources du foyer fiscal, selon le niveau de revenu fiscal de référence (RFR)
- de la valeur du patrimoine immobilier (hors résidence principale)
- de la valeur du patrimoine mobilier (hors résidence principale)
Ces critères concernent les demandes formulées à compter du 1er janvier de l’année en cours.
Le montant de l’aide juridictionnelle, calculé en pourcentage de prise en charge des frais de justice et honoraires, dépend de la situation familiale du foyer et de ses ressources.
Aide juridictionnelle : plafond de revenu fiscal de référence pour 2024
Le revenu fiscal de référence (RFR) du demandeur est pris en compte pour l’examen du droit à l’aide juridictionnelle ainsi que le calcul du taux de prise en charge des frais par l’État.
Le dernier fiscal connu est considéré. L’article 3 du décret du 28 décembre 2020 précise que pour bénéficier de l’aide juridictionnelle, le demandeur doit justifier son revenu fiscal de référence « par la production de son avis d’imposition le plus récent ».
Les plafonds en vigueur pour une demande d’aide juridictionnelle en 2024 figurent dans une circulaire du ministère de la Justice, publiée au Bulletin Officiel du ministère le 17 janvier 2024 :
ATTENTION : en cas d’absence de revenu fiscal de référence, le plafonds pris en compte pour calculer l’aide juridictionnelle correspond au double des ressources imposables des six derniers mois, après déduction d’un abattement de 10%.
Plafond de patrimoine pour la demande d’aide juridictionnelle 2024
En 2024, l’aide juridictionnelle pour une prise en charge totale n’est pas accordée si le montant du patrimoine dépassait les limites suivantes pour une personne seule :
- Valeur du patrimoine mobilier (épargne) : 12.712 euros
- Valeur du patrimoine immobilier (hors résidence principale) : 38.132 euros
Le barème des montants d’épargne et de patrimoine immobilier à ne pas dépasser varie selon la composition du foyer fiscal du demandeur. Les limites pour une demande d’aide juridictionnelle en 2024 sont les suivantes :
Personnes à charge et ressources prises en compte dans le plafond de l’aide juridictionnelle
Sont considérés à charge pour les ressources et le patrimoine considérés déterminant le droit à l’aide juridictionnelle totale ou partielle :
- le conjoint s’il n’a pas de ressources propres
- les enfants mineurs au 1er janvier de l’année en cours ou de moins de 25 ans s’ils sont encore étudiants ou en situation de handicap
- les ascendants qui vivent au sein du foyer et dont les ressources ne dépassent pas celles prises en compte pour l’attribution de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa)
Quant aux ressources perçues, il faut reporter :
- celles du demandeur de l’aide juridictionnelle : salaire, allocations chômage, indemnités journalières, pensions de retraite, alimentaires, rentes, revenus fonciers, de capitaux, des valeurs mobilières…
- celles de son conjoint, y compris pour les couples non mariés ou pacsés
- celles des autres personnes vivant dans le foyer : indemnités de stage, pension d’un parent…
Sont pris en compte les revenus bruts avant abattements. À noter également que certaines ressources sont exclues et ne comptent pas dans l’attribution de l’aide juridictionnelle :
Attention, ce sont les ressources de l’année N-1 qui sont à prendre en compte dans la demande d’aide juridictionnelle, du 1er janvier au 31 décembre, à la condition que celles-ci n’aient cependant pas changé depuis l’année passée au moment de la demande.
Si tel est le cas, il faut alors reporter les revenus actuels, à partir du 1er janvier de l’année en cours et jusqu’à la date de dépôt de la demande. Dans tous les cas, le montant retenu est la moyenne mensuelle des ressources perçues au cours de la période considérée.
BON À SAVOIR : les allocataires du revenu de solidarité active (RSA) « socle » ou de l’Aspa et les victimes d’actes particulièrement graves (viol, torture, meurtre d’un proche…) peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle à 100%, ils doivent simplement fournir un justificatif attestant de leur situation.
Selon un décret paru au Journal Officiel du 19 octobre 2019, l’avance des frais de justice (avocat, huissier, expert, etc.) s’applique dorénavant aux procédures introduites sur la base du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerres.
Frais pris en charge par l’aide juridictionnelle
Si vous bénéficiez de l’aide juridictionnelle à 100%, tous les frais de justice sont couverts excepté le droit de plaidoirie fixé à 13 euros à payer à son avocat et qui est dû devant certaines juridictions.
Cependant, les sommes engagées avant la demande d’aide ne sont pas remboursées.
Dans les autres cas, l’État ne prend en charge qu’une partie de la rémunération des avocats et des officiers publics ou ministériels comme les huissiers ou les notaires selon le taux accordé, 25% ou 55%. En revanche, les frais relatifs aux procédures et actes pour lesquels l’aide juridictionnelle a été accordée, comme les frais d’expertise ou d’enquête, sont entièrement pris en charge par l’État.
Attention, les dommages et intérêts à payer suite à une décision de justice ne sont jamais couverts par l’aide juridictionnelle.
Simulation de l’aide juridictionnelle
Le site du ministère de la Justice propose un simulateur gratuit à destination des particuliers. Rendez-vous sur le site Internet http://www.justice.fr/simulateurs/aide. Il suffit de renseigner son salaire net imposable mensuel, le nombre de personnes qui composent son foyer et à charge puis de mentionner ses éventuelles autres ressources (allocations, pensions…) puis de lancer le calcul. Le résultat est immédiat : le simulateur vous informe de votre éligibilité ou non.
Déposer un dossier d’aide juridictionnelle : notice et formulaire 2024
Pour effectuer sa demande d’aide juridictionnelle, il faut remplir le formulaire Cerfa n°16146*03, téléchargeable sur le site Internet du ministère de la Justice ou retirable directement en mairie ou au tribunal. Une notice « relative à la demande d’aide juridictionnelle » peut également être téléchargée afin d’être épaulé durant ces démarches.
À noter que la demande peut intervenir avant le début de la procédure ou pendant, voire même après, lors des procédures en appel.
Les pièces à fournir
La liste des pièces à fournir est indiquée sur le formulaire. Il faut ainsi joindre à sa demande :
- une photocopie de sa carte d’identité, ou un extrait de l’acte de naissance, ou un livret de famille à jour
- tous les documents qui prouvent l’état de vos ressources : attestation de versement du RSA socle, avis d’imposition, bulletins de salaires, avis de paiement de la CAF ou du Pôle emploi…
- un justificatif de domicile (facture EDF, facture de téléphone, quittance de loyer, attestation d’hébergement…)
- l’attestation d’acceptation de l’avocat de l’affaire si vous en avez trouvé un qui accepte de prendre le dossier au titre de l’aide juridictionnelle
- l’attestation de l’assureur de non prise en charge des frais de justice
- toute autre pièce demandée en fonction de sa situation
Où déposer sa demande suivant l’état d’avancement de son affaire
Le lieu de la demande dépend du tribunal chargé de l’affaire et de l’état d’avancement de l’affaire :
- juridiction civile : tribunal judiciaire (né de la fusion du d’instance et du tribunal de grande instance) ou cour d’appel
- juridiction pénale : tribunal de police ou correctionnel, cour d’assises ou cour d’appel
- tribunal administratif ou cour administrative d’appel : déposez votre demande au tribunal judiciaire de la ville où siège la juridiction concernée
- Cour de Cassation : déposez la demande directement auprès de la Cour de cassation
- Conseil d’État : déposez la demande directement auprès du Conseil d’État
Pour les juridictions civiles et pénales :
- si votre affaire n’est pas engagée, déposez la demande au tribunal judiciaire de votre domicile (c’était devant le TGI avant le 1er janvier 2020)
- si votre affaire est déjà engagée, déposez votre demande au tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe le tribunal en charge de votre affaire (le TGI, auparavant)
- si votre affaire est portée devant une cour d’appel, déposez votre demande au tribunal judiciaire situé dans la même commune que la cour d’appel (jusqu’au 31 décembre 2019, le TGI était compétent)
- à noter que le choix de l’avocat est laissé aux demandeurs de l’aide juridictionnelle
Que faire en cas de refus d’aide juridictionnelle ?
Le Bureau d’aide juridictionnelle (BAJ) du Tribunal de grande instance de son domicile décide de l’attribution de l’aide juridictionnelle. S’il refuse ou s’il décide un versement partiel alors qu’un versement total avait été demandé, il est possible de former un recours contre cette décision. Cette procédure est encadrée. Ce recours doit être réalisé dans les 15 jours suivant la notification du refus. Il doit prendre la forme d’un courrier envoyé en recommandé avec accusé de réception (AR).
Il est conseillé de détailler les faits contestés, comme par exemple s’il est estimé que le calcul de ses ressources n’est pas le bon. Il faut joindre à ce courrier, une copie de la décision attaquée.
Un décret publié au Journal officiel du 6 juin 2018 précise que si le recours est présenté par un avocat et qu’il relève de la compétence du président de la cour administrative d’appel ou du président de la section du contentieux du Conseil d’État, la démarche doit être effectuée par voie électronique via le service Télérecours. Le professionnel du droit devra alors informer de ses démarches le demandeur de l’aide juridictionnelle.
Dans quels cas l’aide juridictionnelle peut-elle être retirée ?
L’aide juridictionnelle peut être retirée dans les cas suivants :
- fraude
- augmentation de ses ressources
- procédure abusive