Euro Millions : « le gagnant se retrouve dans la peau d’un rentier soumis à la fiscalité française »

Par Thibault Lamy

INTERVIEW – A la tête de près de 170 millions d’euros, le gagnant de l’Euro Millions du mardi 13 novembre 2012 va découvrir l’imposition des grandes fortunes en 2013. Patricia Jolicard, avocat fiscaliste au sein du cabinet FIDAL, détaille le revers de la médaille de ce gain historique.

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Toutsurlesimpôts.com : Un Français a trouvé seul la combinaison gagnante de l’Euro Millions du mardi 13 novembre. Résultat, le vainqueur du tirage se retrouve, avec près de 170 millions d’euros de gain, propulsé au rang de 221ème fortune française. Quelle est la fiscalité applicable à cette somme ?

 

Patricia Jolicard : Les gains perçus par le vainqueur du tirage de l’Euro Millions sont nets de tous impôts s’agissant de gains tirés des jeux de hasard, comme les loteries ou le PMU. La jurisprudence du Conseil d’Etat stipule en effet que les gains réalisés sur ces jeux ne sont soumis à aucun impôt au moment de la perception de la somme. L’imposition de ces sommes n’intervient que plus tard. En effet, le 15 juin 2013, le gagnant des 170 millions d’euro fera une déclaration d’impôt sur la fortune (ISF) et sera à ce titre imposé sur le patrimoine restant au 1er janvier 2013. Sur la base du barème de l’ISF 2013 prévu dans le projet de loi de finances pour 2013 sans application d’un plafonnement, cet ISF se montera alors à environ 2,5 millions d’euros. Parallèlement, si ces 170 millions de capitaux sont placés et produisent 2% d’intérêt, le contribuable devra payer environ 765.000 euros d’impôts sur le revenu auxquels il faut ajouter près de 8.000 euros de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR, NDLR). De plus il va devoir s’acquitter de 527.000 euros de prélèvements sociaux. Nous arrivons donc à environ 3,8 millions d’euros d’impôts.

 

Le plafonnement des impôts à 75% du total des revenus ne s’applique-t-il pas ?

 

Le plafonnement prévu dans la loi de finances pour 2013, dans le cas d’une personne qui touche 3,4 millions d’euros annuels, soit 2% de 170 millions d’euros, devrait limiter cette imposition à 2,55 millions d’euros. Mais en réalité, en l’état actuel du texte, le système de plafonnement ne devrait s’adresser qu’à peu de personnes. En effet, notamment les plus-values latentes sur les contrats d’assurance vie ou sur les OPCVM (produits financiers du type Sicav et FCP, NDLR) devraient être prises en compte dans les revenus pour le calcul du plafonnement, même si ces plus-values n’ont pas été « dégagées ».

 

Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit de durcir la fiscalité des très hauts revenus, du patrimoine et du capital. Un gagnant à l’Euro Millions en 2012 sera-t-il plus imposé qu’un an plus tôt ?

 

Certaines modifications de la fiscalité, comme la création d’une tranche marginale d’imposition de 45% au-dessus de 150.000 euros de revenus annuels par part, au lieu de 41% jusqu’ici, sont plus contraignantes. De même, la hausse des prélèvements obligatoires, de 13,5 à 15,5% depuis cette année ou encore le maintien de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, de 3 ou 4%, constituent un alourdissement de la fiscalité. En revanche, il faut noter un abaissement des tranches supérieures à l’ISF 2013 : 1,5% contre 1,8% en 2012 (au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune, NDLR). Mais la disparition du bouclier fiscal et la reconduction d’un ISF sans véritable plafonnement désavantagent finalement très souvent l’assujetti à l’ISF. L’imposition des plus-values mobilières au barème de l’impôt sur le revenu à compter de 2013, 45% (auxquels il conviendra d’ajouter les prélèvements sociaux à 15,5 %) dans le cas présent (les intérêts étaient jusqu’ici taxés à un taux forfaitaire sur option de 24%, les dividendes à un taux de 21%, NDLR), auxquels il faut ajouter 3 ou 4% de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.

 

Comment réduire alors son imposition totale en 2013 ?

 

La première solution est de professionnaliser une partie de ses actifs. Le contribuable peut par exemple décider d’acheter un vignoble et d’en devenir dirigeant. Tous les actifs investis dans ce cadre bénéficieront d’une exonération d’ISF pour biens professionnels s’ils concourent effectivement à titre professionnel à cette activité. Il peut également décider d’investir dans des biens partiellement ou totalement exonérés d’ISF comme les forêts ou les œuvres d’art. La souscription au capital de PME permet de réduire et de défiscaliser un temps une partie de son patrimoine. La donation en pleine propriété et la cessation temporaire d’usufruit permettent également de faire sortir une certaine partie du patrimoine de l’assiette de l’ISF. Enfin, la délocalisation dès lors qu’elle est réelle est également une tentation même si l’ « Exit tax » constitue un problème.

 

Conseilleriez-vous l’exil fiscal à un contribuable ?

 

Le contribuable se retrouve dans la peau d’un rentier qui subit la fiscalité française. Dans son choix, il y un aspect à la fois personnel et professionnel. Tout dépend de ses projets. Nous sommes régulièrement interrogés sur des projets de transfert de résidence, souvent en Belgique, et sur l’intérêt de cette démarche. Cependant, il y a une grande différence entre se renseigner et réaliser effectivement cet exil.

 

Pour aller plus loin sur l’imposition du patrimoine
Revenus capitalisés : « une protection contre l’ISF disparaît »

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