A quel régime fiscal sont soumis les sportifs ?

Par Thibault Fingonnet

Revenue sur le devant de la scène durant la campagne présidentielle, la question de la taxation des revenus des sportifs réapparait fréquemment dans les médias. Mais comment sont imposés les sportifs de haut niveau installés en France exactement ? Et pourquoi la Suisse attire-t-elle autant les sportifs tricolores ?

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Ils sont riches, célèbres et n’aiment pas payer d’impôts. Les sportifs français ou évoluant dans l’Hexagone sont régulièrement pointés du doigt pour leur aversion à la fiscalité du pays. Yannick Noah et Guy Forget ont même dû s’expliquer devant la commission sénatoriale sur l’exil fiscal sur les raisons qui les ont poussés à s’installer en Suisse.

Comment est imposé le revenu d’un sportif ?

Mais pourquoi les sportifs français ont-ils autant de problèmes avec le fisc ? Christian Hubert, directeur d’UFF Sport Conseil, spécialiste du conseil en gestion de patrimoine des sportifs professionnels, rappelle que tous les sportifs ne sont pas logés à la même enseigne : « Selon le sport, les revenus vont avoir un profil très différent. Un footballeur va tirer le plus souvent l’essentiel de ses revenus par la pratique du sport. A l’inverse, les revenus sportifs d’un nageur sont bien moindres et il est plus dépendant de ses revenus d’image. » Les salaires liés à la pratique du sport sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu (IR), de même que les commissions touchées et autres primes. A ce titre, ils sont également éligibles, comme tout contribuable, à la déduction forfaitaire de 10% des frais professionnels ou à la déduction des frais réels selon leur choix.

A cela s’ajoute la possibilité d’étaler leurs revenus, en vertu des articles 84 et 100 bis du Code des impôts, pour une durée de trois ou cinq ans. Concrètement, leurs salaires et bénéfices imposables liés à la pratique du sport peuvent être déterminés par la moyenne des salaires et recettes de l’année d’imposition et des deux ou quatre années précédentes, à laquelle est retranchée, quand il y a eu des revenus non salariaux, la moyenne des dépenses de ces mêmes années.

« Pour un sportif qui se trouve déjà dans la tranche haute du barème de l’impôt sur le revenu, la question de l’étalement ne se pose plus. Il est utile pour les jeunes athlètes au début de leur carrière, en particulier ceux qui ont un important potentiel de croissance des revenus et doit surtout être étudié au cas par cas », explique Vincent Dupin, consultant en ingénierie patrimoniale pour UFF Sport Conseil. Ce régime particulier s’applique pour les sportifs uniquement sur leurs revenus propres à la pratique d’un sport. Les artistes, écrivains et scientifiques peuvent également bénéficier de celui-ci.

Qu’est-ce que le revenu d’image ?

Il y a en premier lieu les revenus d’image, comme dans le mannequinat : le sportif devient salarié de l’entreprise sponsor (ou équivalent), pour quelques journées de relations publiques par exemple. Dans ce cas, la rémunération est imposée comme un salaire distinct de la rémunération sportive.

Viennent ensuite les revenus d’image collective, qui bénéficiaient auparavant d’un avantage social plafonné (disparu depuis 2010), et qui étaient à cette époque distingué par le club sur la fiche de paye du sportif salarié.

Et enfin, l’image individuelle, qui elle, selon qu’elle est utilisée avec ou sans la mise en œuvre par le sportif d’une action particulière de sa part, par exemple un discours, sera constitutive de revenus qualifiés de commerciaux ou non commerciaux lorsque l’image est exploitée « en direct » par le sportif, c’est-à-dire en entreprise individuelle (hors société d’image donc).

La différence entre bénéfices commerciaux et non commerciaux est de taille. En l’absence d’une activité professionnelle caractérisée au moment de l’exploitation de l’image, les revenus tirés de cette exploitation sont forcément moins susceptibles d’être considérés comme des revenus liés à l’activité professionnelle et donc de donner lieu au paiement des cotisations. A l’inverse, sous le régime des bénéfices commerciaux, les revenus de l’image sont soumis aux cotisations sociales.

Pourquoi les sportifs créent-ils des sociétés d’image ?

L’image du sportif peut être exploitée soit en entreprise individuelle soit via une société d’image créée à cet effet. « Le droit d’image est entier, précise Vincent Dupin. Il n’est pas possible de partager les revenus d’image entre une entreprise individuelle et une société d’image. » La question de la société d’image ne se pose pas avant un certain niveau de revenus, « aux alentours de 100.000 euros », estime Christian Hubert. « Il faut que ses revenus sportifs suffisent à satisfaire son train de vie, poursuit Vincent Dupin. Car en société d’image, les revenus sont soumis à l’impôt sur les sociétés. S’il a besoin de ses revenus pour son utilisation personnelle, il subit alors une sur-fiscalité liée à la nécessaire distribution de dividendes par la société pour satisfaire à ce besoin. »

En résumé, la société d’image est une solution à aborder uniquement en présence de revenus d’image conséquents et non indispensables au niveau de vie du sportif. Car le gain réalisé via la société d’image par rapport au régime fiscal de l’entreprise individuelle doit également permettre d’absorber les coûts de création et de fonctionnement de la société.

Comment sont imposés les sportifs étrangers évoluant en France ?

Le cas des sportifs étrangers est particulier. Si un sportif étranger est imposé par le fisc français sur les revenus perçus lors d’un événement organisé en France (un tennisman espagnol participant à Roland-Garros par exemple), le régime fiscal est différent pour les sportifs nés ou ayant vécu au moins cinq ans à l’étranger. Ces derniers sont soumis au régime des impatriés, exposé dans l’article 155B du Code général des impôts. Dès lors, ils bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu de 30% pour une durée de cinq ans, ainsi que d’une exonération à hauteur de 50% sur les revenus des capitaux et des plus-values mobilières. A cela s’ajoute une exonération de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) des biens situés hors de France en vertu de l’article 121 de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008. Celle-ci est également valable cinq ans.

« L’exonération est liée au « coût » pour le club de faire venir quelqu’un de l’étranger et donc à la sur-rémunération du sportif impatrié au regard de celle qui serait attribuée à un autre salarié ayant un poste équivalent, dans le club ou un club équivalent, explique Vincent Dupin. Il faut que, exonération déduite (soit sur une base réelle, soit sur base forfaitaire de 30% du revenu global), la base imposable réelle reste comparable à celle d’un sportif ayant un poste équivalent dans le même club ou un club équivalent. Bien entendu, cette notion de poste équivalent est difficile à cerner en ce qui concerne les sportifs. »

Et pourquoi la Suisse ?

A la recherche d’une fiscalité plus avantageuse, une partie des sportifs français décident de s’expatrier de l’autre côté des Alpes, en Suisse plus précisément. La fiscalité helvétique se base en effet sur le principe du forfait fiscal. Celui-ci s’appuie sur le train de vie du contribuable et notamment le loyer qu’il paye ou la valeur locative de sa résidence principale. La dépense imposable à laquelle est soumis le sportif étranger doit être égale à au moins cinq fois le montant du loyer annuel ou de la valeur locative.

Une fois déterminée, la dépense imposable est taxée selon le barème ordinaire, qui varie en fonction du canton et de la ville de résidence. Ainsi, le revenu imposable est plafonné, sans rapport avec les revenus ou la fortune réelle puisqu’il est directement lié aux dépenses du contribuable, estimées à partir de son loyer, et non à ses revenus. Dans la plupart des cas, le ressortissant étranger n’aura pas à déclarer ses revenus au fisc suisse.

Pour bénéficier du forfait fiscal suisse, les étrangers doivent répondre à certains critères. Il faut ainsi disposer d’un revenu annuel supérieur à 50.000 francs suisses (41.636 euros), ne pas avoir travaillé en Suisse durant les dix années précédentes, avoir un passeport de l’Union européenne et… habiter en Suisse. La loi fédérale sur laquelle se base le forfait fiscal demande à ce qu’un étranger bénéficiant du forfait habite au moins 180 jours par an dans la confédération helvétique. Mais il existe des exceptions, notamment si la profession amène à effectuer de fréquents séjours à l’étranger. Idéal donc pour nos sportifs tricolores…

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