La cagnotte de 190 millions d’euros mise en jeu ce vendredi à l’Euro Millions constitue un record. Si cette somme n’est pas imposée par l’Etat lors du versement du gain à un Français, le gagnant rentre dans une nouvelle catégorie de contribuables et doit se préparer à être soumis à plusieurs impôts et taxes tout au long de sa nouvelle vie de multimillionnaire : ISF, impôt sur le revenu, prélèvements sociaux, contribution exceptionnelle sur les hauts revenus…
190 millions d’euros ! C’est la somme mise en jeu par Euro Millions dont le résultat sera connu vendredi 10 août dans la soirée. Plusieurs dizaines de millions de joueurs en Europe espèrent que leurs numéros figureront au tirage. Vous aussi ? Sachez cependant que gagner une telle somme n’est pas de tout repos sur le plan fiscal. Car si l’idée de disposer d’un capital équivalent à 166.906 smic n’est pas déplaisante, il convient de savoir que le fisc lorgne également sur une partie de cette fortune. Pourtant, les gains de jeux de hasard ne sont pas imposés en France en tant que tels. En revanche, les millions d’euros ainsi gagnés seront taxables non seulement au titre de la fiscalité du patrimoine mais aussi tout au long de la détention de cette fortune, les revenus du capital étant lourdement taxés. La facture peut rapidement monter…
Gagner à l’Euro Millions = ISF à payer l’année suivante
Principal signe du changement de statut d’un gagnant à l’Euro Millions, son assujettissement futur à l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF). L’heureux gagnant aura-t-il à payer l’ISF dès 2012 ? Non puisque l’imposition sur la fortune est calculée à partir du patrimoine au 1er janvier de l’année considérée. Autre « bonne nouvelle », le joueur ne sera pas non plus soumis à la contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF), surtaxe de l’ISF mise en place temporairement en 2012 par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault en attendant une réforme du barème de l’ISF qui sera examinée à l’automne au Parlement. S’il avait dû être redevable de l’ISF en 2012, le multimillionnaire aurait bénéficié de l’allègement de l’ISF adopté en 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Calculé dès le 1er euro selon la valeur nette taxable du patrimoine (déduction faite des dettes), le taux de cet impôt a été réduit à 0,5% pour les patrimoines d’un montant au moins égal à 3 millions d’euros. 950.000 euros auraient été dus à l’administration fiscale sur la base d’un jackpot de 190 millions d’euros et en dehors de toute optimisation fiscale qu’il est possible de mettre en place. A cette somme se serait ajoutée la contribution exceptionnelle sur la fortune basée sur le barème en vigueur en 2011. Au total (ISF + surtaxe ISF), le patrimoine aurait été soumis à une taxation de 2,47 millions d’euros payable au 15 novembre 2012 au plus tard.
C’est donc en 2013 que l’heureux gagnant risque de déchanter. Le président de la République François Hollande a déclaré vouloir revenir à l’ancien barème de l’ISF, constitué de 6 tranches comprises entre 0,55 et 1,8%. Si ce retour est voté dans le cadre de la loi de finances pour 2013, l’ISF de notre gagnant atteindrait alors 3,34 millions d’euros, là encore sans recours à des experts de la défiscalisation ni prise en compte d’un mécanisme de plafonnement que le gouvernement devra mettre en place pour respecter la Constitution.
Les heureux gagnants d’une loterie, après s’être fait remettre un chèque de plusieurs millions, désirent parfois effectuer une donation au profit de leurs proches afin de partager leur bonheur. Ces dons sont assujettis aux droits de donation qui taxent les joueurs les plus altruistes. Ainsi le gagnant qui donnera 5 millions d’euros à chacun de ses deux enfants verra cette somme largement amputée par l’administration fiscale : 45% au-delà de 1.805.677 euros, après une application d’un abattement de 100.000 euros (pas de droits à payer sur cette somme) et d’un barème progressif. Ce prélèvement s’établit déjà à 1,97 million d’euros pour 5 millions d’euros transmis.
IR, PS, PFL et CEHR
Avant de penser à donner à ses proches, l’idéal reste de ne pas laisser dormir son argent. Pour 190 millions d’euros placés à 3%, le capital peut rapporter 5,7 millions d’euros sur une année pleine. Bien entendu, ces revenus du capital sont imposables, et ce selon deux modalités. Le contribuable peut être imposé selon le barème de l’impôt sur le revenu (IR) mais a plutôt intérêt à opter pour le prélèvement forfaitaire libératoire (PFL), d’un taux de 24% auquel il faut ajouter les prélèvements sociaux (PS) sur les revenus du patrimoine et les placements financiers augmentés de 13,5 à 15,5% dans le cadre de la LFR 2012, soit un total de 39,5%. Sur les 5,7 millions d’euros rapportés par les intérêts de son capital, 2,25 millions seront ainsi prélevés.
En cas d’imposition au barème de l’impôt sur le revenu, le taux maximal d’imposition est actuellement fixé à 41% pour la fraction de revenu supérieur à 70.830 par part. Attention, là encore, le gouvernement prépare la création d’une nouvelle tranche supérieure d’imposition à partir de 150.000 euros, au taux de 45%, sans parler de la taxe à 75% dont les modalités d’application n’ont pas encore été décidées.
Last but not least, devenir multimillionnaire, c’est s’exposer à une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) instaurée fin 2011 par le précédent gouvernement jusqu’au retour à l’équilibre des comptes publics. Son taux ? 3% à partir de 250.000 euros de revenu fiscal de référence (somme figurant sur votre avis d’imposition envoyé en août de chaque année par le fisc) ou 4% à partir de 500.000 euros. Heureusement, un mécanisme de lissage permet d’y échapper les premières années, sous certaines conditions. La CEHR serait due pour la première fois à partir de 2014.
Au vu des différents impôts et prélèvements qui grèvent le patrimoine et les revenus futurs d’un gagnant, mieux vaut pour lui se préparer à passer à la caisse. Le gagnant d’un tirage de l’Euro Millions ou d’un Super Loto peut toutefois confier son argent à un professionnel de la gestion de fortune afin de dégager des revenus du capital suffisants pour préserver sa fortune intacte. Pour Luc Granger, associé et fondateur du family office Intuitae, un patrimoine doit « générer une performance nette minimale de 3,5% pour financer sa fiscalité sans toucher à son capital ». Pour réduire son ISF, le gestionnaire de fortune conseille de se constituer un patrimoine professionnel, comme une société exploitant des hôtels par exemple. Les biens professionnels bénéficient de nombreux avantages fiscaux tels que l’exclusion de l’assiette de l’ISF (pas de prise en compte pour le calcul du patrimoine taxable).
Le gagnant de l’Euro Millions peut enfin opter pour une expatriation fiscale, suivant ainsi le chemin tracé par de nombreux artistes et sportifs français. La Suisse présente à ce titre un avantage de taille puisque sa fiscalité s’appuie sur la valeur locative de la résidence ou le loyer qu’il paie, non sur les revenus. Grâce à ce régime dit du « forfait fiscal », la facture peut ainsi aisément être divisée par 10 !
Pour aller plus loin
Les conseils d’un gestionnaire de fortune