« La CSG non-déductible c’est payer de l’impôt sur de l’impôt »

Par Olivier Brunet

INTERVIEW Pour l’universitaire Frédéric Douet, la complexité du droit fiscal n’est que le reflet de la complexité des situations de chacun des contribuables. Ce professeur à l’Université de Bourgogne, spécialiste de la fiscalité de la famille, craint des augmentations rampantes de l’impôt sur le revenu.

La CSG non déductible, un impôt sur l'impôt pour l'expert Frédéric Douet

Toutsurmesfinances.com : Le gouvernement a supprimé l’exonération dont bénéficiaient les majorations de retraite pour charges de familles et la prise en charge par l’employeur des cotisations complémentaires santé. A l’heure de la remise à plat de la fiscalité des ménages, faut-il aller plus loin sur la suppression des niches fiscales ?
Frédéric Douet : Les niches fiscales sont un véritable maquis impénétrable pour les non-initiés. Ces niches représentent un coût pour les caisses de l’Etat et leur impact réel est difficilement chiffrable. Il pourrait être intéressant de supprimer toutes les niches fiscales et, en contrepartie, d’abaisser les différents taux du barème de l’impôt sur le revenu. Cela présenterait plusieurs avantages : rendre l’impôt sur le revenu davantage lisible, éviter les contentieux récurrents avec les services fiscaux au sujet de l’octroi du bénéfice des niches fiscales, échapper aux paradoxe qui consiste à instituer des niches fiscales et dans le même temps à les plafonner. Il s’agit surtout, de faire profiter à tous les contribuables des mêmes conditions d’assujettissement à l’impôt sur le revenu alors que seuls certains bénéficient des niches fiscales. Cette mesure pourrait avoir un véritable impact sur la relance de la consommation.

« La simplification de l’impôt sur le revenu est un mythe »

Le calcul de l’impôt sur le revenu est illisible. Est-il possible de simplifier ce millefeuille fiscal ?
La simplification du système fiscal et, notamment, de l’impôt sur le revenu est un mythe. Le droit fiscal est un droit de superposition qui s’applique à des situations déjà régies par d’autres branches du droit. La complexité du droit fiscal ne fait que refléter la complexité des situations auxquelles il s’applique. La France de 2014 n’est plus celle de Balzac.

La question de la CSG déductible est sur la table du groupe de travail sur la fiscalité. Pouvez-vous expliquer en quoi cette déductibilité consiste ?
Les prélèvements sociaux sont des doublons de l’impôt sur le revenu. Il s’agit de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus d’activité professionnelle et les allocations de préretraite (7,5%), sur les pensions de retraite et d’invalidité (6,6 %), sur les allocations chômage et les indemnités journalières de sécurité sociale (6,2 %) et sur les revenus du patrimoine (8,2 %), de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) (0,5 %), du prélèvement social (4,5 %) et de sa contribution additionnelle (0,3 %) et du prélèvement de solidarité (2 %). Parmi ces différents prélèvements sociaux, seule la CSG est partiellement déductible.

Contrairement à une confusion savamment entretenue, la CSG n’est pas déductible de l’impôt sur le revenu. Il ne s’agit ni d’un crédit d’impôt, ni d’une réduction d’impôt. La CSG est seulement déductible en partie du revenu brut global, c’est-à-dire avant application du barème de l’impôt sur le revenu.

 

Quel est le fond du problème ?
Le fait que les prélèvements sociaux ne soient pas entièrement déductibles pour la détermination de l’assiette de l’impôt sur le revenu (sa base de calcul) est contraire à la logique de cet impôt. En effet, l’impôt sur le revenu est assis sur le revenu net du foyer fiscal (CGI, art. 1-A, al. 1er : « Il est établi un impôt annuel unique sur le revenu des personnes physiques désigné sous le nom d’impôt sur le revenu. Cet impôt frappe le revenu net global du contribuable déterminé conformément aux dispositions des articles 156 à 158 »). Schématiquement, ce revenu net est déterminé après déduction des frais et des charges supportés par les membres du foyer fiscal en contrepartie de leurs revenus. Le fait qu’une fraction des prélèvements sociaux ne soit pas déductible de l’assiette de l’impôt sur le revenu revient à majorer artificiellement cette assiette à concurrence de cette fraction.

Un exemple pour mieux comprendre les effets de la CSG non déductible ?

Imaginons un contribuable qui percevrait un revenu foncier de 100 sur lequel il doit acquitter 15,5 % de prélèvements sociaux. En prenant ceux-ci en compte, il lui reste une somme nette de 84,5 (100 – 15,5) qui devrait correspondre – conformément à la logique de l’impôt sur le revenu – à la base de calcul de l’impôt sur le revenu. Mais seule la CSG sur les revenus du patrimoine est déductible à concurrence de 5,1 %. Le revenu imposable du contribuable est en réalité de 94,9 (100 – 5,1). Cela majore donc artificiellement ce revenu de 10,4 (94,9 – 84,5). Si la CSG et, plus généralement les prélèvements sociaux, étaient entièrement déductibles pour le calcul de l’impôt sur le revenu, cela serait conforme à la logique de cet impôt. Mais l’Etat se trouverait alors privé d’une partie des recettes procurées par celui-ci.

 

« Alibi à une hausse rampante de l’impôt sur le revenu »

Quelles seraient les conséquences d’une CSG entièrement non-déductible, l’une des pistes évoquées par député PS Christian Eckert ?
Au nom de la justice fiscale, l’idée est avancée qu’il conviendrait de rendre la CSG entièrement non-déductible. La déductibilité partielle de la CSG serait contraire à l’égalité entre les contribuables dans la mesure où seuls ceux imposables à l’impôt sur le revenu peuvent effectivement la déduire pour le calcul de cet impôt. L’égalité entre les contribuables sert en réalité d’alibi à une nouvelle hausse rampante de l’impôt sur le revenu. Une CSG entièrement non-déductible accentuerait le phénomène décrit précédemment. Un contribuable percevant un revenu foncier de 100 devrait s’acquitter de 15,5 % de prélèvements sociaux. Il lui resterait une somme nette de 84,5 (100 – 84,5) mais il devrait faire figurer son revenu foncier à concurrence de 100 parmi ses revenus imposables. A hauteur de 15,5, cela reviendrait à créer artificiellement de la matière imposable et, en définitive, à payer de l’impôt sur le revenu sur les 15,5 % de prélèvements sociaux, c’est-à-dire de l’impôt sur de l’impôt. Cela est contraire à la logique de l’impôt sur le revenu et sans doute au principe en vertu duquel l’impôt doit être proportionnel aux facultés contributives des contribuables, en vertu de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

 

Quel peut être l’intérêt d’un prélèvement de l’impôt à la source pour le contribuable ?
Le principal intérêt du prélèvement de l’impôt à la source est de faire entrer plus vite l’argent dans les caisses de l’Etat tout en déplaçant la charge de travail vers les employeurs. Pour les salariés, cela permet de supprimer le décalage qui existe entre la perception des revenus et la date du paiement de l’impôt afférent à ces revenus.

 

La retenue de l’impôt à la source n’a-t-elle que des avantages ?
Lorsqu’un contribuable fait l’objet d’une imposition commune avec son conjoint ou avec la personne avec laquelle il est pacsé (sans compter les personnes à charge) et qu’il perçoit d’autres revenus, l’impôt prélevé à la source sur leurs traitements et salaires ne peut correspondre qu’à un acompte. On retrouve ici l’idée de faire entrer plus vite l’argent dans les caisses de l’Etat. Le contribuable devra toujours souscrire une déclaration de revenus afin d’y faire apparaître ses autres revenus imposables et de permettre la prise en compte de sa situation familiale. Même si ces éléments étaient communiqués à l’employeur, cela deviendrait un casse-tête en présence d’époux ou de pacsés ayant deux employeurs distincts. L’idée de supprimer l’imposition commune des époux et des pacsés au nom de l’égalité entre les hommes et les femmes sert là aussi d’alibi à une hausse rampante de l’impôt sur le revenu.

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