Le très attendu rapport de la commission pour l’avenir des retraites a été publié le 14 juin 2013. Comme prévu, il n’épargne pas les salariés, les retraités et les agents de la fonction publique.
Retraites : ce que le rapport Moreau propose
Rarement un rapport aura été aussi attendu. La présidente de la commission pour l’avenir des retraites, Yannick Moreau, a remis le 14 juin 2013 au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, ses pistes de réforme du système de retraites. Comme prévu, ce pavé de 187 pages, qui va servir de socle de travail à la future loi sur les retraites, comporte un large éventail de mesures, dont la majeure partie avait déjà transpiré dans la presse. Et comme prévu, des efforts sont demandés à tout le monde afin de dégager 7 milliards d’euros d’ici 2020. Jean-Marc Ayrault a promis que « ces efforts ne seront pas écrasants ».
D’ailleurs, Yannick Moreau l’a rappelé, « ce ne sont pas les projets du gouvernement. Celui-ci fera ce qu’il veut ». Le rapport Moreau se veut d’ailleurs une « boite à outils » dans lequel l’exécutif va piocher. « Le projet de loi sur les retraites, c’est la moitié des propositions de madame Moreau dans quatre mois », a résumé Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes lors de la conférence parlementaire sur la réforme des retraites organisée le 13 juin. Si toutes les mesures du rapport Moreau ne devraient donc pas être retenues par l’exécutif, un certain nombre pourrait bien figurer dans la future réforme.
Les salariés
« Pour équilibrer le système, il est normal de travailler plus longtemps compte tenu de l’espérance de vie », estime Yannick Moreau. Son rapport préconise cinq modes d’évolution possibles de la durée d’assurance. Le premier consiste à poursuivre l’allongement automatique du nombre de trimestres de cotisation nécessaires pour bénéficier d’une pension à taux plein (sans abattement) en fonction de l’augmentation de l’espérance de vie. Ce mécanisme, instauré par la loi Fillon de 2003, devait s’arrêter en 2020. Yannick Moreau propose de le prolonger, ce qui portera la durée de cotisation de 41,5 ans à 42 ans en 2024, 43 ans en 2037 et 44 ans en 2051.
Autre possibilité : augmenter d’un trimestre toutes les deux générations avec un plafonnement à 44 ans en 2037. L’ex-présidente du Conseil d’orientation des retraites (COR) envisage aussi un scénario encore plus rapide avec 44 annuités dès 2028. Enfin, elle n’écarte pas un recul de l’âge légal de départ de 62 à 63 ans et de l’âge de retraite à taux plein de 67 à 68 ans. « Nous n’avons pas à dire quel est le bon rythme à adopter », juge Yannick Moreau. Il n’empêche, la conseillère d’Etat reconnait « une certaine sensibilité de la commission pour l’allongement de la durée de cotisation » plutôt qu’un report des bornes d’âges.
Par ailleurs, le rapport propose une augmentation de 0,1 point par an pendant quatre ans mais uniquement sur la cotisation déplafonnée (au-delà de 1,6 fois le Smic), ce qui permettrait d’éviter aux bas salaires de perdre en pouvoir d’achat. Cette hausse serait supportée à 50% par les salariés et à 50% par les entreprises. La mesure permettrait au régime général, dont le déficit devrait avoisiner 7 milliards d’euros en 2020, d’engranger 2,6 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
Le rapport Moreau conseille aussi de modifier l’indexation des salaires portés au compte. Deux pistes sont envisagées : une sous-indexation par rapport à l’inflation de 1,2 point de 2014 à 2016 ou une nouvelle indexation à partir de 2015 par rapport à un panier d’indicateurs, dont celui de la croissance de la richesse nationale (PIB).
Les retraités
Les rumeurs étaient fondées : Yannick Moreau propose bien une désindexation des pensions sur le modèle de ce qui a été instauré par les régimes complémentaires Arrco (pour l’ensemble des salariés) et Agirc (pour les seuls cadres) suite à l’accord du 13 mars 2013. Selon elle, « les niveaux de vie des retraités et des actifs sont comparables ». Pour autant, la mesure serait temporaire.
Trois modalités sont proposées pour préserver les « petites retraites ». La revalorisation annuelle pourrait être inférieure de 1 point à l’inflation en 2014 et 2015 sur les pensions soumises aux taux de contribution sociale généralisée (CSG) de 6,6% et de 3,8% mais ne concernerait pas les retraités exemptés de CSG. La désindexation pourrait également être de 1,2 point pour les retraités assujettis aux taux plein de 6,6% et de 0,5 point pour ceux soumis au taux réduit de 3,8% en 2014, 2015 et 2016, sous un autre scénario étudié par la commission. Enfin, il est proposé de sous-indexer (sans préciser le seuil) en prenant en compte le montant du total perçu. « Les pensions de moins de 1.000 euros ne seraient pas concernées », précise Yannick Moreau à Toutsurlaretraite.com.
Surtout, comme cela avait « fuité », le rapport préconise de raboter les niches fiscales et sociales dont bénéficient les retraités. L’alignement de la CSG de 6,6% sur celle de 7,5% des actifs produirait « un gain pérenne estimé à 2 milliards d’euros à l’horizon 2020 ». Les majorations de 10% sur les pensions octroyées aux parents de trois enfants et plus étant jugées « anti-redistributives » (non plafonnées et non fiscalisées, elles profitent aux retraités les aisés), elles seraient soumises à l’impôt. En revanche, contrairement à ce que l’on croyait, l’abattement fiscal de 10% au titre des frais professionnels ne serait pas supprimé. Le taux serait plutôt abaissé à 7%, 5% ou 3%. En fonction du seuil choisi, le gain dégagé varierait de 1,1 milliard à 2,7 milliards d’euros. Autre possibilité : le plafond de l’abattement passerait de 3.660 euros à 2.500 euros, voire à 1.500 euros par foyer fiscal. Les recettes générées pourraient dans le premier cas atteindre 500 millions d’euros et dans le second cas, 1,5 milliard d’euros.
Les fonctionnaires
Le rapport Moreau évoque la possibilité de rapprocher le mode de calcul des retraites des agents de la fonction publique sur celui des salariés du secteur privé. Les pensions des seconds sont basées sur les 25 meilleures années de carrière, contre les six derniers mois de rémunération pour les premiers. Les retraites des fonctionnaires pourraient être calculées sur les trois à dix dernières années. A condition, toutefois, d’intégrer les primes qui ne sont pas comptabilisées aujourd’hui et sont « nettement supérieures à 10% du traitement » des agents de la fonction publique. L’augmentation de la durée de référence « serait inenvisageable sans un très ample aménagement de la politique salariale conduit sur une longue durée. »
De quoi reporter aux calendres grecques la mesure. Yannick Moreau ne cache pas qu’elle n’est pas très favorable à un changement du mode de calcul des fonctionnaires au motif qu’ils ont des taux de remplacement (la différence entre le dernier salaire et la pension perçue) équivalent à ceux du privé. La haut fonctionnaire rappelle qu’ils vont, au même titre que les salariés, être concernés par l’allongement de la durée de cotisation. Les fonctionnaires retraités seront également touchés par les mesures prises à l’égard des pensionnés.
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