INTERVIEW – Les partenaires sociaux ont engagé des négociations sur la fusion, prévue au 1er janvier 2019, des régimes de retraite complémentaire des salariés et cadres. Selon un article de presse, l’opération va engendrer une baisse de 9% des pensions Arrco et Agirc. Frédéric Sève, le secrétaire national de la CFDT qui fait partie des négociateurs, dément vivement cette information.
Baisse des retraites complémentaires : « une fausse information, à la limite de la malveillance »
Toutsurmesfinances.com : On a lu récemment que les retraites complémentaires allaient baisser de 9% suite à la fusion de l’Arrco et de l’Agirc. Est-ce vrai ?
Frédéric Sève, secrétaire national de la CFDT : Non, c’est entièrement faux. Nul ne peut trouver cette information dans le document de 80 pages que les services techniques de l’Agirc-Arrco ont transmis aux partenaires sociaux dans le cadre des négociations sur la fusion. Il s’agit clairement d’un « hoax », d’une fausse information à la limite de la malveillance.
Non seulement le dernier accord paritaire, signé le 30 octobre 2015, ne prévoit pas de baisse des pensions, mais il permet de l’éviter en consolidant les retraites complémentaires. Jamais on n’a procédé à une baisse des pensions liquidées. Ce serait remettre en cause le contrat moral passé avec les retraités.
Pouvez-vous affirmer que le futur régime unifié ne va pas entraîner une baisse des pensions ?
Oui, car la mise en œuvre du nouveau régime protège les retraites complémentaires. L’accord de 2015 permet de rétablir en grande partie la situation financière de l’Arrco et de l’Agirc. Plus généralement, l’avenir financier de ces deux régimes n’est plus aussi critique qu’à la fin des années 1990. Les mesures d’économies instaurées par l’accord de 2015, comme la moindre revalorisation des pensions, ont payé. Et la baisse du chômage, amorcée avec la reprise économique, permet de faire entrer davantage de cotisations.
Evidemment, en cas de catastrophe économique majeure, tout le système français de protection sociale pourrait être à nouveau fragilisé. On peut toujours se faire peur en imaginant les pires scénarios, mais ce n’est pas très constructif et cela alimente inutilement les angoisses. En tout cas, les partenaires sociaux ont montré qu’ils savaient réagir et préserver l’essentiel.
Confirmez-vous qu’il n’y aura plus de « retraite plancher » pour les cadres dans le régime issu de la fusion ?
Vous faites référence à la GMP (garantie minimale de points, NDLR) qui permet aujourd’hui aux salariés ayant le statut cadre mais qui ne gagnent pas assez pour cotiser à l’Agirc (il faut percevoir un salaire brut d’au moins 3.269 euros en 2017, NDLR) d’acquérir 120 points Agirc par an, via une cotisation forfaitaire. Un tiers des cadres sont « GMPistes ». Avec la fusion de l’Arrco et de l’Agirc, les salariés, qu’ils soient cadres ou non cadres, seront soumis aux mêmes cotisations de retraite complémentaire. Il n’y aura donc plus de cotisations GMP. La GMP va bien disparaître.
Je tiens à souligner que les 120 points GMP représentent à peine 50 euros de pension par an. Par ailleurs, il faut savoir que les points GMP demeureront acquis. Les cotisations forfaitaires n’auront pas été versées par les cadres pour rien. Pour financer les pensions GMP ainsi que les retraites avant 67 ans (l’âge de départ « officiel » dans les retraites complémentaires, NDLR), une nouvelle contribution va être créée. Baptisée « contribution d’équilibre général » ou CEG, elle va se traduire par une économie de cotisations de 30 euros par mois pour les GMPistes.
Et pour les autres salariés ?
Ce sont les salaires élevés qui vont consentir un petit effort. Ainsi, le nouveau système va engendrer une hausse des cotisations de retraite complémentaire de 27 euros par mois pour les salariés gagnant 15.000 euros par mois, contre seulement 4 euros par mois pour 4.000 euros de salaire et 1 euro par mois pour un Smic.
Que va-t-il se passer pour les avantages conjugaux et familiaux qui ne sont pas aujourd’hui les mêmes entre l’Arrco et l’Agirc ?
Les partenaires sociaux ont décidé de les aligner vers le haut. Par exemple, la pension de réversion sera versée à partir des 55 ans du veuf ou de la veuve dans le futur régime alors qu’elle est aujourd’hui octroyée à partir de 60 ans à l’Agirc (elle peut être attribuée à 55 ans mais avec une minoration, NDLR). Cela va engendrer des coûts supplémentaires, mais ils resteront minimes comparés aux dépenses de retraite.
Propos recueillis par Jean-Philippe Dubosc
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