La pause devrait être de courte durée. La valeur des biens immobiliers devrait repartir à la baisse, pour longtemps et significativement pour la société d’analyse économique et financière PrimeView. En cause, le vieillissement de la population qui gonfle le nombre de vendeurs. L’équilibre ne devrait pas être retrouvé avant… 2035.
Simple feu de paille ou inversion de tendance durable ? En baisse depuis fin 2011, les prix de l’immobilier ancien semblent se stabiliser. Ils ont même augmenté au cours des trois derniers mois, en particulier dans la quasi-totalité des villes de plus de 150.000 habitants selon le dernier baromètre LPI-SeLoger. Mais pour la société d’analyse économique et financière PrimeView, cette petite reprise n’est que temporaire, d’après une étude publiée le 24 juillet 2015.
Prix déconnectés du revenu disponible et du coût de la construction
« C’est un épiphénomène qui peut durer quelques trimestres à la faveur de quelques facteurs de soutien conjoncturels, tels que les taux d’intérêt bas qui permettent de rendre solvables les acquéreurs les plus motivés, ou le soutien de l’Etat via des lois incitatives comme le dispositif Pinel, très favorable à l’investissement immobilier locatif, observe Pierre Sabatier, président et directeur des études de PrimeView. Mais à notre avis, les prix de l’immobilier seront entraînés vers le bas à moyen et long termes. Nous restons dans un environnement déflationniste au moins pour les 5 à 10 ans à venir. » Voire davantage.
Pour l’économiste, les prix du marché en France restent largement survalorisés, déconnectés du revenu disponible des ménages et de la hausse du coût de la construction neuve. La valeur de l’immobilier devrait s’éroder d’environ 30%, jusqu’à ce qu’ils reviennent à des niveaux plus en « adéquation avec la demande solvable de la population française ». Pourquoi de telles anticipations ? Tout simplement parce que la France vieillit, les générations du baby-boom de l’après-guerre atteignant l’âge de la retraite. D’où l’hypothèse d’un glissement inéluctable et progressif des prix plutôt qu’un krach violent.
Du baby-boom au papy-boom
« L’impact du vieillissement de la population commence à se faire sentir sur l’économie. On constate un pic de consommation des ménages entre 45 et 55 ans puis à partir de 55-60 ans, son niveau baisse violemment. C’est également vrai pour l’immobilier », analyse Pierre Sabatier. C’est à l’orée de l’âge de la retraite que le nombre de logements vendus devient supérieur aux nombres de logements achetés, ce que PrimeView appelle les vendeurs nets, par opposition aux générations d’acheteurs nets. Or depuis 2008, la progression du nombre de vendeurs nets est bien plus élevée que celle du nombre d’acheteurs nets : ils sont 400.000 de plus chaque année, a calculé la société d’analyse, selon laquelle ce phénomène durera jusqu’en 2035 avant de se normaliser progressivement.
Pour Pierre Sabatier, c’est l’appétit global des Français pour l’immobilier qui influe sur les prix de la pierre à long terme, davantage que les taux de crédit ou les incitations fiscales qui ne sont qu’un moyen de favoriser le passage à l’acte. « La proportion de gens ayant envie d’acheter au regard de leur classe d’âge était bien plus grande que celle qui avait envie ou besoin de vendre. Le désir d’acheter n’a cessé d’augmenter entre 1960 et 2005 », énonce-t-il pour expliquer la hausse des prix passée.
Mais cet appétit s’est inversé et il en sera ainsi pour les 20 prochaines années, le baby-boom s’étant transformé en papy-boom. « Le flux de vendeurs ne va pas se tarir de sitôt. Le problème est que le statut de vendeur net n’est pas le même à 62 et à 75 ans, relève l’économiste. Avec l’âge, le besoin de vendre est plus puissant, pour trouver un logement plus adapté ou à cause des décès, la plupart des biens hérités étant vendus. » PrimeView estime que le retour à l’équilibre entre l’offre et la demande ne reviendra pas avant 2035.
Resserrement des conditions de crédit
Ni les banques, ni l’Etat ne seront en capacité d’enrayer ce mouvement baissier. C’est peut-être même l’inverse qui pourrait se produire. Selon PrimeView, le resserrement des conditions de financement est d’ailleurs déjà à l’œuvre, les banques ayant besoin de reconstituer leurs marges. « Face à la faiblesse inédite du rendement obligataire, elles ne peuvent plus se permettre de faire du crédit immobilier leur produit d’appel. La durée des prêts est ainsi en recul (de 20,5 à 19,2 années), et l’apport personnel exigé augmente. » De son côté, l’Etat aura-t-il les moyens de soutenir durablement la demande avec des incitations fiscales dont le coût s’accumule ? Pas sûr, au vu de la situation des finances publiques, avec une dette qui s’approche de la barre des 100% de la richesse nationale…