Défiscalisation dans un monument historique, le principe
La réalisation de travaux par les propriétaires privés de monuments historiques (MH) bénéficie, sous certaines conditions assez strictes, d’avantages fiscaux. Le régime fiscal prévu à l’article 156 bis du CGI (Code général des impôts) peut concerner les propriétaires d’un monument historique ou les investisseurs soumis à une forte pression fiscale qui font l’achat d’un appartement dans le cadre d’un programme de défiscalisation. Les modalités d’application ne sont cependant pas exactement les mêmes selon les situations.
L’avantage fiscal est tiré d’un régime spécial de déduction fiscale des travaux de réparation et d’entretien. Ainsi, le propriétaire peut déduire de son revenu global certaines charges foncières, sans limitation de montant mais uniquement lorsqu’un ensemble de circonstances sont réunies. Grâce à son utilisation, un contribuable peut potentiellement réduire son impôt sur le revenu à zéro au titre des années au cours desquelles les dépenses de travaux ont été débloquées.
Pour y prétendre, le bien immobilier doit répondre aux critères d’éligibilité des monuments historiques et assimilés. De plus, son propriétaire doit respecter un certain nombre d’obligations, notamment au moment de la déclaration de revenus servant à l’établissement de son impôt.
L’objectif de cette incitation fiscale est d’aider les propriétaires à préserver et mettre en valeur le patrimoine culturel, monumental et architectural de la France.
Déduction fiscale spécifique aux monuments historiques
Par dérogation au régime de droit commun des déficits fonciers, une personne propriétaire d’un monument historique peut imputer sur son revenu global les dépenses et charges foncières associées à la détention de cet immeuble lorsque celui-ci ne lui procure aucune recette locative.
Cette déductibilité est applicable sans limite : ainsi et sous réserve qu’elles soient éligibles, 100% des dépenses peuvent être déduites du revenu global, par dérogation à la limite de 10.700 euros par an prévue dans le cadre d’un déficit foncier usuel.
En contrepartie de ce régime dérogatoire, le régime de droit commun des déficits fonciers ne peut évidemment pas s’appliquer. En particulier en cas de reliquat de charges qui n’auraient pas été déduites, il n’est pas permis d’imputer cet excédent sur les revenus fonciers des dix années suivantes.
Loi monuments historiques : les immeubles éligibles
En 2019, le régime fiscal des monuments historiques concerne trois catégories de bâtiments :
- Immeubles classés au titre des monuments historiques. Il s’agit de bâtiments qui présentent un intérêt historique et/ou artistique d’envergure nationale, leur classement relève du ministère de la Culture sur avis de la Commission supérieure des monuments historiques (CSMH)
- Immeubles inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, qui concernent les immeubles dont le rayonnement est d’intérêt régional. L’inscription est délivrée par arrêté du préfet de région après avis de la commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS)
- Immeubles ayant obtenu le label de la Fondation du Patrimoine. A ce titre, un bâtiment peut donc bénéficier du régime fiscal des monuments historiques sans répondre stricto sensu à la définition d’un monument historique.
En France, on dénombre environ 45.000 monuments bénéficiant de la protection au titre des monuments historiques, dont près de la moitié (21.841 en 2011, dernières statistiques disponibles) sont détenus par des personnes privées. Il s’agit pour une large majorité de monuments inscrits à l’inventaire supplémentaire (plus de 16.000 monuments).
Pour trouver la liste des bâtiments classés ou inscrits au titre des monuments historiques, il faut consulter la base Mérimée du ministère de la Culture, qui recense le patrimoine monumental en France. La consultation est libre et gratuite sur son site internet en effectuant une recherche géographique ou multicritères.
A noter : depuis l’imposition des revenus de l’année 2014, les immeubles agréés par le ministère chargé du budget comme faisant partie du patrimoine national au titre de leur caractère historique ou artistique particulier ne sont plus éligibles au dispositif, sauf si l’agrément ministériel ou la demande d’agrément est intervenu avant le 1er janvier 2014.
Conditions d’application de la fiscalité au titre des monuments historiques
Pour bénéficier du régime fiscal dédié, le propriétaire d’un monument historique doit respecter 3 conditions cumulatives :
- Engagement de conservation pendant au moins 15 ans, sous peine de pénalités fiscales. Le point de départ est la date d’acquisition et non la date d’achèvement des travaux. Les textes ne prévoient aucune exception à ce principe
- Détention directe de l’immeuble, sauf exceptions (SCI agréée par le ministère du Budget, SCI familiale)
- Absence de mise en copropriété de l’immeuble, sauf copropriété agréée par le ministère du Budget. Les agréments peuvent porter sur les immeubles classés et, depuis le 1er janvier 2016, sur les immeubles inscrits. C’est dans le cadre d’immeubles ou d’ensembles immobiliers détenus en copropriété que se déroulent les programmes de défiscalisation. Les différents lots font alors l’objet d’une vente à la découpe aux futurs copropriétaires.
Pour les demandes d’agrément de SCI et de copropriétés déposées depuis le 1er janvier 2015, l’immeuble concerné doit être affecté à l’habitation pour au moins 75% de sa surface habitable. En d’autres termes, l’espace affecté à un usage autre que le logement ne doit pas excéder 25% de sa surface habitable.
Charges déductibles au titre de la détention des monuments historiques
Pour les biens ne procurant aucune recette, les règles de déductibilité s’appliquent différemment selon le niveau de protection au titre des monuments historiques. Le champ des dépenses déductibles est ainsi plus large pour les immeubles classés ou inscrits que pour ceux ayant bénéficié du label de la Fondation du Patrimoine.
Dépenses déductibles pour les immeubles inscrits ou classés
En principe, les propriétaires d’un monument historique (classés ou inscrits comme tels) peuvent obtenir la déduction :
- des frais de restauration, de réparation, d’entretien et d’amélioration de l’immeuble ;
- des frais de gérance ;
- de la rémunération du gardien ou du concierge ;
- des impôts autres que les impôts locaux ;
- des intérêts d’emprunt contractés en vue de financer l’achat du monument historique et des travaux de conservation ou d’amélioration ;
- des primes d’assurance, y compris lorsque le monument historique n’est pas ouvert au public. Les cotisations d’assurance habitation sont donc déductibles.
Attention ! La jurisprudence du Conseil d’Etat dispose que l’utilisation de matériaux issus d’un bâtiment en ruine inscrit à l’inventaire supplémentaire pour une reconstruction fidèle à l’original n’est pas considérée comme une dépense déductible. Dans ce cas précis, il s’agissait d’une opération de démontage et remontage d’un vieux manoir.
Si le propriétaire bénéficie d’une subvention attribuée par la direction régionale des affaires culturelles (Drac) pour réaliser ses travaux, seul le reste à charge est admis en déduction, même si la perception de la subvention intervient après l’achèvement du chantier.
Un immeuble peut ne pas être classé ou inscrit en totalité comme monument historique (on parle communément de classement partiel, par exemple au titre d’une ou plusieurs pièces, d’un seul étage ou d’un escalier). Dans ce cadre, tous les travaux ne seront pas nécessairement déductibles.
Charges déductibles pour les biens labellisés Fondation du Patrimoine
Moindre portée de la déductibilité
Les règles de déduction des charges foncières sont plus restrictives pour les biens ayant reçu le label de la Fondation du Patrimoine. Seuls les travaux de réparation et d’entretien sont admis en déduction au titre du régime fiscal des monuments historiques. Par conséquent, ni les intérêts d’emprunt, ni les primes d’assurance ne sont déductibles.
S’agissant de la nature des dépenses de travaux déductibles, il faut distinguer deux cas de figure :
- Immeubles habitables : les travaux relatifs à la préservation des parois extérieures et éléments de structure (murs, façade, toiture, charpente) sont admis en déduction mais pas les travaux intérieurs (parquets, plafonds, cheminée).
- Immeubles non habitables : l’administration accepte la déduction des dépenses de travaux intérieurs « indissociables de l’intérêt historique, artistique ou culturel », sous condition d’ouverture au public.
Par ailleurs, les dépenses de reconstruction de parties disparues ou détruites au cours du temps ne sont pas admises en déduction par l’administration fiscale, sauf si ces travaux sont effectués « à la demande du service départemental de l’architecture et du patrimoine et qu’ils ont pour objet de restaurer l’immeuble dans sa situation d’origine ».
Dépenses déductibles à 100% ou 50%
En principe, la déduction des charges est prise en compte pour la moitié du montant des travaux éligibles pour les travaux de réparation et d’entretien d’un immeuble ayant obtenu le label de la Fondation du Patrimoine. Cependant, si les travaux ont bénéficié d’une subvention, versée par un organisme public (État, collectivité locale, aides européennes) ou privé (association reconnue d’utilité publique et agréée à ce titre), 100% des dépenses sont déductibles. Dans ce cas, la subvention doit représenter au moins 20% des dépenses totales et seul le reste à charge est admis en déduction.
Monuments historiques et plafonnement des niches fiscales
Quelle que soit la date d’acquisition de l’immeuble ou de réalisation des travaux, l’avantage fiscal du régime des monuments historiques n’est soumis à aucune limite de montant.
En particulier, il n’est pas soumis plafonnement des niches fiscales à 10.000 euros, ni au plafond dérogatoire de 18.000 euros (qui concerne uniquement la défiscalisation outre-mer et la souscription de parts de Sofica).
Monuments historiques et prélèvement à la source
En 2019, le régime des monuments historiques est à titre transitoire calqué sur les dispositions applicables au déficit foncier (déductibilité de la moyenne des travaux réalisés en 2018 et 2019, soit au maximum la moitié des travaux effectués en 2019). Conséquence pour les personnes déjà propriétaires, une déductibilité moins efficace que d’habitude.
Pour les « néo-investisseurs » ou « primo-investisseurs » en MH, mieux il était donc préférable de différer son investissement et d’attendre l’année 1er janvier 2019 : les personnes devenant propriétaire d’un MH à partir de 2019 peuvent déduire leurs dépenses de travaux dans les conditions de droit commun.
Pour rappel, dans le cadre de l’année de transition vers le prélèvement à la source, les charges déductibles sur le revenu global en 2018 ont eu un effet fiscal uniquement sur les revenus exceptionnels (et de façon moins impactante que lors d’une année normale) ce qui a limité considérablement la portée du dispositif MH. Un contribuable disposant uniquement de revenus courants n’avait aucun intérêt à investir dans un monument historique en 2018.
SCPI Monuments historiques : investissement mutualisé dans plusieurs lots
Jusqu’à récemment, aucune SCPI fiscale n’avait été commercialisée dans le cadre du régime fiscal Monument historique.
La première SCPI Monuments historiques, dénommée Renovalys Patrimoine, a été ouverte à la souscription du 5 août 2016 au 31 décembre 2018. Accessible dès 10.000 euros (soit 2 parts de 5.000 euros chacune), elle permettait d’accéder à un patrimoine diversifié constitué de lots de bâtiments anciens à restaurer situés dans plusieurs villes de France et inscrits au titre des monuments historiques ou classés à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.
La SCPI Renovalys Patrimoine a investi l’intégralité de sa collecte dans 34 lots au sein de 5 immeubles :
- 2 lots dans l’ancien Hôtel du Hainaut à Valenciennes
- 23 lots dans le site Les Ailes du Couvent à Caen
- 6 lots dans l’Hôtel d’Avelin à Lille
- 2 lots dans la maison Le Manach (soieries) à Tours
- 1 lot dans l’Hôtel de Valbelle (hôtel particulier) à Aix-en-Provence
L’avantage fiscal des 304 associés sera définitivement acquis sous réserve qu’ils conservent leurs parts pendant 15 années. Le marché secondaire des parts est donc appelé à être proche de néant, compte tenu de cette contrainte.
A notre connaissance, aucune SCPI permettant de bénéficier du régime des Monuments Historiques » n’est disponible à la souscription en 2019.