Compte pénibilité : « Les critères seront mis en place dans les temps »

Par Jean-Philippe Dubosc

INTERVIEW – Le directeur de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) Hervé Lanouzière a remis le 28 septembre 2015 un rapport instaurant une nouvelle définition des gestes répétitifs, l’un des dix facteurs de risque donnant droit à des points de pénibilité permettant notamment de bénéficier d’une retraite anticipée. Pour la consultante du cabinet Atequacy Mouna Elgamali, cette nouvelle définition va restreindre le champ d’application du critère.      

Mouna Elgamali, consultante risques professionnels et performance sociale au cabinet Atequacy

Toutsurmesfinances.com : Le rapport Lanouzière propose une nouvelle définition des gestes répétitifs qui seront pris en compte, à compter du 1er juillet 2016, pour obtenir des points pénibilité. Est-ce que cela va changer quelque chose ?
Mouna Elgamali, consultante risques professionnels et performance sociale chez Atequacy : Selon le rapport d’Hervé Lanouzière, « le travail répétitif est caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte ». Cette définition fait clairement référence aux articulations de la partie supérieure du corps, comme les poignets, les coudes, le cou. Par ailleurs, elle lie fréquence et cadence.

Le décret du 9 octobre 2014, qui fixe les facteurs pris en compte dans le cadre du compte pénibilité, différencie ces deux notions. Un point pénibilité est octroyé si, durant 900 heures par an, le geste répétitif est effectué dans un « temps de cycle inférieur ou égal à 30 secondes, comprenant 15 actions techniques ou plus » ou dans un « temps de cycle supérieur à 30 secondes, temps de cycle variable ou absence de temps de cycle : 30 actions techniques par minute ». On voit bien ici, que sont associées une cadence contrainte du temps de cycle à une fréquence élevée des actions techniques.

 

Cette nouvelle définition ne manque-t-elle pas de précision ?
Lors de la remise du rapport, la ministre du Travail et de l’Emploi Myriam El Khomri a annoncé que des décrets précisant les facteurs d’exposition et leur seuil seront publiés à la fin du mois d’octobre. Ils devront concerner d’autres facteurs de risque, comme les postures pénibles ou l’exposition aux agents chimiques dangereux qui ont, eux aussi, besoin d’être précisés. Une liste des agents chimiques cancérigènes devrait notamment être dressée.

 

Au final, avec la nouvelle définition, va-t-on vraiment vers une simplification ?
La nouvelle définition des gestes répétitifs n’est pas vraiment plus simple que la précédente. En pratique, même si la définition est plus précise et plus limitée, elle risque d’être difficile à mesurer, et l’employeur devra être vigilant dans son analyse de ce facteur de pénibilité en n’ hésitant pas à se faire aider par son personnel chargé de la santé et de la sécurité au travail.

 

Qu’en est-il des référentiels métier qui attribueraient d’office un certain nombre de points pénibilité par an à des salariés occupant des postes définis pénibles ?
L’idée de ces référentiels métier évoquée dans le rapport Sirugue-Huot-de Virville a été reprise dans la loi du 17 août 2015 sur le dialogue social de l’ex-ministre du Travail François Rebsamen. Cette loi prévoit que des référentiels de branches professionnelles soient mis en place, afin d’aguiller au maximum les entreprises appartenant à une même branche d’activité et passer ainsi d’une logique individuelle à une logique collective des expositions.

 

Où en sommes-nous sur ces accords ?
Disons que les branches professionnelles ne se pressent pas forcément pour signer de tels accords, techniquement très complexes et qui peuvent donner lieu à des contestations. Certaines branches s’orientent vers la rédaction de guides de bonnes pratiques qui seront mis en ligne et sur lesquels les entreprises pourront s’appuyer.

 

Quatre facteurs de pénibilité ont été instaurés au 1er janvier 2015. Six autres, dont les gestes répétitifs, le seront au 1er juillet 2016. Les entreprises seront-elles prêtes ?
Oui. Les décrets de précision vont être publiés prochainement. Les branches professionnelles et les entreprises vont disposer de huit mois pour s’adapter. Ce laps de temps sera suffisant. Les critères de pénibilité seront mis en place dans les temps.

Propos recueillis par Jean-Philippe Dubosc

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