La retraite progressive : comment ça marche, ce qui a changé avec la réforme des retraites

Par Jean-Philippe Dubosc

Les salariés et travailleurs indépendants ont la possibilité, deux ans avant l’âge légal, de travailler à temps partiel tout en touchant une fraction de leur retraite. C’est également le cas, depuis le 1er septembre 2023, pour les fonctionnaires, les agents des régimes spéciaux et les professions libérales. À la suite des négociations sur l’emploi des seniors, la retraite progressive pourrait être accessible dès 60 ans pour les salariés.

Réforme des retraites et emploi des seniors, les dernières nouveautés de la retraite progressive

La retraite progressive, qui consiste à travailler deux ans avant l’âge minimum de départ à la retraite à temps partiel tout en touchant une partie de sa retraite, a été étendue aux fonctionnaires, aux agents des régimes spéciaux (EDF, SNCF, RATP…) et aux professions libérales (médecins, avocats, architectes, notaires, experts-comptables…) par la dernière réforme des retraites, publiée au Journal Officiel du 15 avril 2023.

Depuis le 1er septembre 2023 (date d’entrée en vigueur de la réforme), les agents titulaires de la fonction publique peuvent bénéficier de la retraite progressive. C’est le cas depuis le 12 août 2023 pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. En revanche, tous les fonctionnaires « actifs » (policiers, gardiens de prison, douaniers, aides-soignants…), qui peuvent partir à la retraite avant l’âge légal de départ à la retraite (62 ans porté progressivement à 64 ans d’ici 2032), ne sont pas éligibles.

Les fonctionnaires « sédentaires » (environ 80% des agents publics) doivent avoir validé, comme pour les salariés, artisans, commerçants et agriculteurs aujourd’hui, au moins 150 trimestres de cotisation (tous régimes de retraite de base confondus) et travailler entre 50% et 90% d’un temps complet pour accéder à la retraite progressive

Avec le report progressif de l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans introduit par la réforme de 2023, l’âge d’accès à la retraite progressive va passer (y compris pour les fonctionnaires « sédentaires »), selon le même rythme d’un trimestre supplémentaire par an que l’âge légal, de 60 ans à 62 ans d’ici à 2032 (voir tableau plus loin).

En outre, la réforme des retraites de 2023 facilite la retraite progressive en vue de développer ce dispositif trop peu utilisé selon le gouvernement (25.020 bénéficiaires en 2022, selon une étude de la Drees du 30 octobre 2024). L’employeur privé ou public doit justifier son refus de passage à temps partiel (et donc en retraite progressive) du salarié ou du fonctionnaire. Il devra notamment prouver que la quotité de durée du temps partiel n’est pas compatible avec l’activité économique de l’entreprise.

Toujours depuis le 1er septembre 2023, l’employeur doit donner sa réponse dans les deux mois suivant la demande de retraite progressive. L’absence de réponse vaut tacite acceptation. En revanche, l’employeur peut toujours décider que les cotisations vieillesse continuent à être calculées sur un temps complet ou sur le nouveau temps partiel.

En résumé : 

Depuis le 1er septembre 2023, il faut pour bénéficier de la retraite progressive :

  • être à deux ans de l’âge légal de départ à la retraite, soit entre 60 et 62 ans d’ici 2032
  • avoir validé au moins 150 trimestres de cotisation (tous régimes de retraite de base confondus)
  • travailler entre 40% et 80% d’un temps complet pour les salariés, entre 50% et 90% d’un temps complet pour les fonctionnaires ou réduire ses revenus professionnels de 20% à 60% pour les indépendants.
  • l’employeur doit justifier son refus du passage à temps partiel.

La réforme des retraites de 2023 n’a rien modifié pour les personnes en retraite progressive avant le 1er septembre 2023 ou nées avant le 1er septembre 1961.

Le 14 novembre 2024, les organisations patronales et syndicales ont rédigé trois accords, dont un sur l’emploi des seniors. Ce dernier accord prévoit notamment que l’accès à la retraite progressive soit abaissé pour tous les salariés du secteur privé de 62 à 60 ans. Il faut que cet accord soit signé par le patronat et les syndicats pour entrer en vigueur. Si tel est le cas, il faudra ensuite la publication d’un décret pour connaître la date et les modalités d’application de la mesure.

Retraite progressive : c’est quoi et comment ça marche ? 

Créée par la loi du 5 janvier 1988 relative à la Sécurité sociale, la retraite progressive constitue un « sas » entre la vie professionnelle et la retraite. Ce dispositif consiste à permettre aux seniors de passer à temps partiel et de compenser leur perte de revenu professionnel par le versement d’une fraction de leurs pensions de vieillesse de base et complémentaires calculés en fonction de leurs trimestres et points de retraite acquis au moment de la demande de la retraite progressive.

Concrètement, une fois la demande acceptée, les caisses de retraite calculent la fraction de la pension (déterminée selon le temps partiel) à servir au senior et la lui verse directement sur son compte en banque, comme pour une retraite « classique ». Lorsqu’il partira à la retraite, ses droits seront recalculés par les caisses en prenant en compte les trimestres validés à la retraite de base et les points de retraite complémentaire acquis durant sa retraite progressive.

La retraite progressive peut durer jusqu’au départ à la retraite effective de l’actif. Par exemple, un salarié aujourd’hui en retraite progressive de 61 ans qui décide de liquider ses droits à la retraite à 63 ans bénéficiera du dispositif jusqu’à son départ à 63 ans dès lors qu’il n’y a aucun changement dans son contrat de travail.

La retraite progressive est suspendue si le bénéficiaire repasse à temps plein ou travaille moins de 40% ou plus de 80% d’un temps complet. Toute rupture de contrat de travail (fin de CDD, démission, rupture conventionnelle, licenciement, départ à la retraite) entraîne l’arrêt de la retraite progressive.

Qui a droit à la retraite progressive ?

Les salariés des entreprises et associations, les salariés agricoles (travaillant dans une exploitation agricole, une coopérative agricole, une mutuelle agricole ou une industrie agroalimentaire), les artisans, les commerçants et les exploitants agricoles peuvent bénéficier de la retraite progressive. Depuis le 1er janvier 2018, les salariés qui travaillent pour plusieurs employeurs y ont droit. On trouve principalement ces salariés « multi-employeurs » dans les services à la personne (ménage, repassage, aide aux personnes âgées…). La retraite progressive n’est pas possible pour ces travailleurs s’ils exercent une activité non salariée (par exemple, en tant que micro-entrepreneur).

Depuis le 1er septembre 2023, la retraite progressive est étendue aux agents titulaires de la catégorie « sédentaire » des trois fonctions publiques (d’État, territoriale et hospitalière), aux agents des régimes spéciaux (EDF, SNCF, RATP, Banque de France, Comédie française…) et aux professionnels libéraux (médecins, avocats, notaires, architectes, pharmaciens, experts-comptables…).

Les personnes en préretraite ne peuvent pas bénéficier de la retraite progressive. Un décret publié au Journal Officiel daté du 8 juillet 2024 liste d’autres professions exclues du dispositif :

  • les administrateurs des groupements mutualistes
  • les personnes bénéficiaires d’un appui à la création ou la reprise d’entreprise
  • les particuliers qui font appel pour leur usage personnel à d’autres particuliers pour effectuer de manière ponctuelle un service de conseil ou de formation en contrepartie d’une rémunération

Les conditions pour bénéficier de la retraite progressive ?

Les conditions exigées avant le 1er septembre 2023

  • être salarié du secteur privé, artisan, commerçant ou agriculteur
  • être au maximum à deux ans de l’âge légal de départ à la retraite (60 ans ou plus)
  • avoir validé au moins 150 trimestres (37,5 années de cotisation)
  • travailler au minimum 40% et au maximum 80% d’un temps complet pour les salariés ou réduire ses revenus professionnels de 20% à 60% pour les indépendants

Les conditions exigées depuis le 1er septembre 2023

  • être salarié du secteur privé, artisan, commerçant, agriculteur, fonctionnaire, agent d’un régime spécial ou profession libérale
  • être au maximum à deux ans de l’âge légal (de 60 ans et 3 mois à 62 ans d’ici 2032)
  • avoir validé au moins 150 trimestres (37,5 années de cotisation)
  • travailler au minimum 40% et au maximum 80% d’un temps complet pour les salariés, au minimum 50% et au maximum 90% d’un temps complet pour les fonctionnaires, ou réduire ses revenus professionnels de 20% à 60% pour les indépendants

A quel âge peut-on demander la retraite progressive ?

Depuis le 1er janvier 2015, les salariés peuvent accéder à la retraite progressive dans les deux ans précédant l’âge légal de départ à la retraite fixé à 62 ans pour les assurés nés à partir de 1955 et dans la limite de 60 ans. Bénéficier de la retraite progressive à 58 ou 59 ans est donc impossible. La réforme des retraites de 2023 instaurant un recul progressf de l’âge légal à 64 ans d’ici 2032, l’âge d’accès à la retraite progressive est progressivement décalé pour atteindre à terme 62 ans.

Date de naissance de l’assuréAge d’accès à la retraite progressive
Jusqu’au 31 août 196160 ans
Du 1er septembre 1961 au 31 décembre 196160 ans et 3 mois
Du 1er janvier au 31 décembre 196260 ans et 6 mois
Du 1er janvier au 31 décembre 196360 ans et 9 mois
Du 1er janvier au 31 décembre 196461 ans
Du 1er janvier au 31 décembre 196561 ans et 3 mois
Du 1er janvier au 31 décembre 196661 ans et 6 mois
Du 1er janvier au 31 décembre 196761 ans et 9 mois
A partir du 1er janvier 196862 ans

Par exemple, pour personne née le 30 juin1964, la retraite progressive pourra être demandée à partir de 61 ans, soit à compter du 1er juillet 2025. Pour personne née le 30 juin 1965, la retraite progressive pourra être demandée à partir de 61 ans et 3 mois, soit à compter du 1er octobre 2026.

Un accord sur l’emploi des seniors, rédigé le 14 novembre 2024 par les partenaires sociaux, prévoit que la retraite progressive soit accessible à l’ensemble des salariés (quelle que soit leur date de naissance) à partir de 60 ans. Le document n’est pas encore signé et on ne sait pas quand il sera mis en oeuvre.

Nombre de trimestres requis pour bénéficier de la retraite progressive

Il faut disposer d’au moins 150 trimestres de cotisation à la retraite de base. Sont comptabilisés, depuis le 1er janvier 2015, les trimestres cotisés dans les régimes de la fonction publique et les régimes dits « spéciaux » (EDF, SNCF, RATP, Banque de France…). Avant cette date, seuls les trimestres validés dans les régimes de retraite de base du secteur privé étaient pris en compte.

Outre les trimestres cotisés, les trimestres « réputés cotisés » (ou « assimilés »), c’est-à-dire octroyés au titre du service militaire, de la maternité, de la maladie ou du chômage indemnisé, sont comptabilisés dans les 150 trimestres. Idem pour les trimestres rachetés. Les actifs ont la possibilité de racheter jusqu’à 12 trimestres au titre des années d’études supérieures (validées par un diplôme reconnu par l’Etat) et/ou des années incomplètes de cotisation (moins de quatre trimestres validés dans l’année).

Travail à temps partiel, à quel taux ?

En retraite progressive, le salarié ou le fonctionnaie doit impérativement travailler à temps partiel. L’objectif du dispositif est, en effet, que le senior travaille moins et que cette baisse d’activité soit compensée en patie.

Le temps partiel doit représenter au maximum 80% et au minimum 40% d’un temps plein pour un salariés et au maximum 90% et au minimum 50% d’un temps plein pour un fonctionnaire. Les travailleurs déjà à temps partiel peuvent bénéficier de la retraite progressive (à condition de respecter les pourcentages 80%-40% pour les salariés, ou 90%-50% pour les fonctionnaires).

Les temps partiels cumulés des salariés multi-employeurs doivent représenter 40% à 80% d’un temps complet. À noter : la retraite progressive peut s’appliquer dans le cadre d’un contrat à durée déterminée (CDD) de droit privé.

Les conditions pour les non-salariés

Les artisans, commerçants et exploitants agricoles ne peuvent, comme les salariés, accéder à la retraite progressive qu’à partir de 60 ans. Ils doivent, eux-aussi, justifier d’au moins 150 trimestres de cotisation (tous régimes de retraite de base confondus, y compris les régimes des professions libérales, de la fonction publique et les régimes « spéciaux »).

Par ailleurs, les artisans et commerçants doivent réduire leur revenu professionnel au minimum de 20% et au maximum de 60% par rapport à la moyenne des revenus des cinq années précédentes, sachant que le revenu de référence doit être au moins supérieur à 40% du Smic. Les exploitants agricoles doivent, eux, céder des surfaces exploitées ou des parts de l’exploitation ou diminuer leurs heures de travail.

Calcul de la retraite progressive

Salariés du privé

La pension de vieillesse servie se base sur les droits de retraite acquis au moment de la demande de la retraite progressive. Une fraction est appliquée au montant estimé de la retraite de base des salariés des entreprises et associations et des salariés relevant du régime agricole. Ce ratio dépend du temps partiel. Par exemple, si le salarié travaille à 55% d’un temps complet, il percevra 45% de sa retraite de base, calculée au moment de sa demande de retraite progressive.

Le montant de la fraction de retraite peut être majoré si le salarié est parent d’au moins trois enfants, s’il est lourdement handicapé ou s’il dispose d’une surcote (un bonus octroyé s’il a dépassé la durée de cotisation requise dans sa classe d’âge pour percevoir une retraite sans abattement). Une décote sera appliquée s’il ne respecte pas sa durée de cotisation (c’est-à-dire dans la majorité des cas), dans la limite de 25% (l’équivalent de 20 trimestres manquants).

En matière de retraite complémentaire, la fraction de pension est également calculée en fonction du rapport du temps partiel et de la durée de travail à temps complet. Le pourcentage de la fraction de la retraite Agirc-Arrco est au maximum de 60% (pour un temps partiel à 40% d’un temps complet) et au minimum de 20% (80% d’un temps complet). Un coefficient de minoration vient minorer la fraction de la pension complémentaire servie en cas de décote sur la pension de base.

Non-salariés

La fraction de la pension de vieillesse de l’artisan ou du commerçant versée dans le cadre de la retraite progressive est calculée en fonction de la réduction de son revenu professionnel. Par exemple, si l’indépendant gagne 40% de moins, il percevra 40% de sa retraite de base et 40% de sa retraite complémentaire.

Les exploitants agricoles, qui cèdent de 35% à 45% de leurs terres agricoles ou de leurs parts dans l’exploitation agricole, abaissent leur durée annuelle de travail de 400 à 800 heures et diminuent leurs revenus professionnels de 25%, perçoivent 40% de leur retraite de base et de leur retraite complémentaire. Ceux, qui vendent plus de 45% de leurs terres ou parts, abaissent leur durée annuelle de travail au-delà de 800 heures et diminuent leurs revenus professionnels de 35%, touchent 50% de leurs retraites de base et complémentaire.

Exemple de calcul de la fraction de pension

Antonin est né en le 1er juin 1963 et a validé 154 trimestres. Il est salarié et décide de travailler, à compter du 1er juin 2023 (c’est-à-dire à ses 60 ans), à 50% d’un temps plein. Son employeur ayant accepté son passage à temps partiel, il demande à bénéficier de la retraite progressive.

Calcul pour la fraction de la pension de base

Son salaire annuel moyen (SAM), qui correspond à ses 25 meilleures années de carrière, s’élève à 40.000 euros. La durée de cotisation étant fixée à 168 trimestres pour la génération 1963, il manque 14 trimestres (168 – 154) à Antonin pour disposer du taux de pension à taux plein (50%). La décote étant de 0,625% par trimestre manquant, son taux de pension est de 41,25% (50% – [0,625% x 14])

La formule de calcul de la retraite de base est la suivante : SAM x Taux de pension x (Nombre de trimestres validés / Durée de cotisation) = montant de la pension de base annuelle

La fraction de la pension de base versée à Antonin dans le cadre de sa retraite progressive sera la suivante :

40.000 x 41,25% x (154 / 168) = 15.125 euros bruts annuels pour un temps plein, soit 7.562,50 euros bruts annuels pour temps partiel à 50% (15.125 x 50%)

Antonin touchera 630,20 euros bruts (7.562,50 / 12) par mois de fraction de la retraite de base

Calcul pour la fraction de la pension complémentaire

Lorsqu’un salarié ne respecte pas sa durée de cotisation à la retraite de base, un coefficient de minoration déterminé en fonction du nombre de trimestres manquants s’applique sur la pension Agirc-Arrco. Antonin ayant 14 trimestres manquants, le coefficient est de 0,855 (85,50% de sa retraite complémentaire). Il a acquis 15.000 points Agirc-Arrco. Par ailleurs, il a choisi de travailler à 50% d’un temps plein dans le cadre de sa retraite progressive.

La formule de calcul de la retraite Agirc-Arrco est la suivante : Nombre de points Agirc-Arrco acquis x Valeur du point de service Agirc-Arrco du moment = montant annuel de la pension Agirc-Arrco

La fraction de la pension complémentaire versée à Antonin dans le cadre de sa retraite progressive sera la suivante :

15.000 points Agirc-Arrco x 85,50% x 1,4159 euros (valeur de service en vigueur entre le 1er novembre 2023 et le 31 octobre 2024) = 18.158,92 euros bruts annuels pour un temps plein, soit 9.079,46 euros bruts annuels pour un temps partiel à 50% (18.158,92 x 50%)

Antonin touchera 756,62 euros bruts (9.079,46 / 12) par mois de fraction de sa retraite Agirc-Arrco.

Revalorisation de la fraction de retraite

Les pensions de vieillesse servies dans le cadre de la retraite progressive sont revalorisées, le 1er janvier de chaque année, dans les mêmes conditions que les retraites. Ainsi, pour un salarié bénéficiaire de la retraite progressive au 1er janvier 2024, la fraction de pension de base perçue fera l’objet d’une augmentation de 5,3%, visible à compter du paiement du 9 février au titre du mois de janvier. Pour la fraction de la pension complémentaire, il lui faudra attendre la revalorisation du point de service Agirc-Arrco au 1er novembre 2024.

À l’image des retraites de base et complémentaire, les fractions des pensions de base et complémentaires versées dans le cadre de la retraite progressive sont assujetties aux mêmes contributions sociales (CSG, CRDS et éventuellement Casa) et doivent être également intégrées aux revenus à déclarer à l’administration fiscale.

Retraite progressive et heures supplémentaires ou complémentaires

Un salarié en retraite progressive est autorisé à effectuer des heures supplémentaires. Ce surcroit de rémunération ne remet pas en cause le versement de la fraction de pension.

Toutefois, les heures supplémentaires en retraite progressive sont très encadrées. D’ailleurs, on parle d’« heures complémentaires » et non d’heures supplémentaires, comme pour les salariés en temps partiel. Ces heures complémentaires ne peuvent pas représenter plus de 10% de la durée du temps partiel en retraite progressive (ou un tiers de ce temps si la convention collective l’autorise), ni porter cette durée à 35 heures (soit la durée hebdomadaire d’un temps complet).

Retraite progressive et arrêt maladie

Il faut distinguer les arrêts maladie avant et après le passage en retraite progressive. Les salariés et salariés agricoles en congé de longue maladie peuvent demander à bénéficier du dispositif, à condition – bien sûr – de remplir les critères exigés (60 ans minimum, au moins 150 trimestres validés, temps partiel de 40% à 80% d’un temps plein). Toutefois, si leur employeur s’y oppose, ils ne peuvent pas y avoir accès. Les salariés en congé de longue maladie déjà à temps partiel n’ont, en revanche, pas besoin de l’autorisation de leur employeur.

Une fois en retraite progressive, les salariés, artisans, commerçants et agriculteurs en retraite progressive peuvent, comme n’importe quel autre actif, percevoir des indemnités journalières (IJ) versées par leur organisme d’assurance maladie obligatoire – l’Assurance maladie pour les salariés des entreprises et associations, la Mutualité sociale agricole (MSA) pour les salariés agricoles et les exploitants agricoles – en cas d’arrêt de travail à la suite d’un accident ou d’une maladie.

Il faut savoir que, depuis le 14 avril 2021, l’indemnisation des salariés et salariés agricoles en retraite progressive ne peut être supérieure à 60 jours. Ce plafonnement de la durée de versement des IJ, instauré par l’article 84 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2020, concerne les salariés qui touchent un avantage vieillesse. Ce qui est le cas des salariés et salariés agricoles en retraite progressive, Le plafonnement des 60 jours d’IJ ne s’applique pas, en revanche, aux artisans, commerçants et agriculteurs.

La réforme des retraites de 2023 prévoit la suppression du plafond de 60 jours d’indemnités journalières pour les bénéficiaires de la retraite progressive.

Retraite progressive et fonctionnaires

Comme vu précédemment, les agents titularisés (titulaires de leur poste) des trois fonctions publiques (d’Etat, territoriale et hospitalière) sont éligibles à la retraite progressive depuis le 1er septembre 2023 (dès le 12 août 2023 pour les agents territoriaux et hospitaliers). C’était déjà le cas avant cette date pour les agents non titulaires (vacataires, contractuels), dont le contrat de travail relève du droit privé. Idem pour les fonctionnaires territoriaux qui travaillent moins de 28 heures par semaine.

Seuls les agents relevant de la catégorie « sédentaire » de la fonction publique n’ont toujours pas accès au dispositif. Les agents relevant de la catégorie « active », c’est-à-dire dont « l’emploi présente un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles », continuent à en être exclus puisqu’ils peuvent partir à la retraite avant l’âge légal de départ.

Pour accéder à la retraite progressive, les fonctionnaires doivent être à deux ans de l’âge d’ouverture des droits (soit entre 60 et 62 selon leur date de naissance), avoir validé au moins 150 trimestres de retraite (37,5 ans) et travailler entre 50% et 90% d’un plein temps.

Retraite progressive et forfait jour

Depuis le 1er janvier 2022, les salariés dont le temps de travail est décompté en jours (et non en heures) peuvent avoir accès à la retraite progressive. Il s’agit essentiellement de cadres « au forfait », c’est-à-dire dont le temps de travail est annualisé. Concrètement, les salariés en forfait jours « réduit » (qui travaillent moins de 218 jours par an) sont désormais éligibles au dispositif. Un décret publié le 27 avril 2022 au Journal Officiel (avec effet rétroactif au 1er janvier 2022) a confirmé que la quotité de travail pour eux doit, à l’image des autres salariés, être comprise entre 40% et 80% d’un temps complet, soit entre 87 jours et 174 jours de travail par an. 

Le décret du 27 avril 2022 étend également la retraite progressive aux salariés non soumis à une durée de travail ou dont le temps de travail ne peut pas être déterminé. On y trouve notamment les représentants de commerce (VRP), les travailleurs à domicile, les journalistes payés à la pige, les artistes-auteurs, les mannequins, les ouvreuses de théâtre et les mandataires sociaux (gérants de sociétés, présidents de conseil d’administration…).

Avantages et inconvénients de la retraite progressive

Les avantages de la retraite progressive

  • Un « sas » entre vie professionnelle et retraite : en passant à temps partiel, l’assuré réduit son activité et s’habitue ainsi à moins travailler
  • Une grande souplesse : l’assuré peut décider de repasser à temps complet, ce qui met fin à sa retraite progressive
  • Le maintien de l’accès aux avantages de l’entreprise : le salarié n’ayant pas liquidé ses droits à la retraite, il fait toujours partie de l’effectif de l’entreprise. Du coup, il continue à avoir droit aux tickets restaurant, à la contribution de l’employeur aux frais de transports publics pour les déplacements entre sa résidence principale et son lieu de travail, à la mutuelle de l’entreprise, au contrat collectif de prévoyance, au comité d’entreprise (CE), ou encore aux dispositifs d’épargne salariale (intéressement, participation, plan d’épargne entreprise…) et d’épargne retraite (Perco, article 83, PER collectif…).
  • L’acquisition de droits supplémentaires à la retraite : l’assuré en retraite progressive continue de cotiser pour sa retraite. Au moment du départ à la retraite, la pension de vieillesse est recalculée afin de prendre en compte les trimestres de cotisation validés pour la retraite de base (Assurance retraite pour les salariés, artisans, commerçants et agents non titulaires de la fonction publique ; MSA pour les salariés agricoles et les exploitants agricoles ; SRE pour les fonctionnaires d’État ; CNRACL pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ; CNAVPL pour les professionnels libéraux) et les points acquis pour la retraite complémentaire (Agirc-Arrco pour les salariés et salariés agricoles ; Ircantec pour les agents publics non titularisés ; RCI pour les artisans et commerçants ; RCO pour les exploitants agricoles ; régimes complémentaires des caisses de retraite et de prévoyance libérales).

Les inconvénients de la retraite progressive

  • L’accord obligatoire de l’employeur : la retraite progressive implique un passage à temps partiel et donc un avenant au contrat de travail. Ce qui nécessite pour les salariés l’accord de leur employeur.
  • Une baisse probable de revenus : la fraction de la pension servie dans le cadre de la retraite progressive permet rarement de compenser totalement la baisse de rémunération due au passage à temps partiel.
  • Un contrôle annuel : tous les ans, l’assuré doit répondre à un questionnaire de contrôle envoyé par sa ou ses caisses de retraite dans lequel il certifie que sa durée de travail respecte bien les seuils de temps de travail exigés dans la retraite progressive. S’il ne répond pas au questionnaire ou en retraite, le versement de la fraction de sa pension de vieillesse est suspendu.
  • Une moindre acquisition de droits à la retraite : comme tous actifs à temps partiel, les bénéficiaires de la retraite progressive cotisent moins à la retraite, ce qui aura un impact pour leur future pension de vieillesse. C’est particulièrement vrai pour les retraites complémentaires, puisque l’assuré va acquérir moins de points. Toutefois, les artisans, commerçants et exploitants agricoles ont la possibilité de demander à leur caisse de retraite de cotiser comme s’ils étaient à temps plein. Cette surcotisation est également possible pour les salariés et fonctionnaires, à condition que leur employeur (qui verse des cotisations patronales) donne son accord.

Peut-on gagner plus en retraite progressive ?

Comme vu précédemment, il n’est pas possible de gagner davantage en retraite progressive que lorsque l’on était à plein temps. Le fait de passer à temps partiel ou de réduire son chiffre d’affaires pour les indépendants entraîne logiquement une baisse de revenus professionnels, qui est compensée en partie par la fraction de pension perçue en retraite progressive. Il est quasiment impossible que cette fraction compense totalement la perte de revenu puisqu’elle subit une décote pour la retraite de base et un coefficient de minoration pour la retraite complémentaire.

En réalité, il existe un cas de figure où l’on peut gagner plus en se mettant en retraite progressive : lorsque le bénéficiaire était déjà à temps partiel avant de bénéficier du dispositif.

Reprenons le cas d’Antonin cité plus haut. Il travaille à temps partiel à 50%. Il gagne 40.000 euros – comme la moyenne de ses 25 meilleures années de salaire qui ont servi au calcul de sa fraction de retraite de base et de sa fraction de retraite complémentaire -, soit 3.333 euros par mois. En retraite progressive à 50%, il continuera à toucher 3.333 euros, auxquels vont s’ajouter les 630 euros de fraction de retraite de base et les 756 euros de fraction de retraite complémentaire. Ce qui lui fera 4.719 euros par mois au total.

Demande de retraite progressive

Pour les salariés du entreprises et associations et les agents non titulaires de la fonction publique

Le formulaire de demande de retraite progressive de l’Assurance retraite doit être rempli, daté, signé et envoyé par courrier à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) pour les salariés et agents publics non titularisés franciliens, à la Caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) de la région pour ceux qui vivent en dehors de l’Île-de-France ou à la Caisse générale de Sécurité sociale (CGSS) pour ceux qui vivent à la Martinique, en Guadeloupe, à La Réunion ou en Guyane.

Le formulaire doit être accompagné des pièces justificatives suivantes :

  • la photocopie de la carte d’identité ou du passeport
  • un relevé d’identité bancaire (RIB)
  • la photocopie des deux derniers avis d’imposition
  • une copie des 12 derniers bulletins de salaire
  • une copie du ou des contrats de travail à temps partiel
  • L’attestation du ou des employeurs de l’activité salariée à temps partiel

Pour les salariés agricoles

Le formulaire de demande de retraite progressive de la Mutualité sociale agricole (MSA)  doit être rempli, daté, signé et envoyé par courrier à la caisse de MSA dont dépend le salarié agricole. Le document intègre l’attestation de retraite progressive remplie par l’employeur.

Le formulaire doit être accompagné justificatifs suivants :

  • la photocopie de la carte d’identité ou du passeport
  • un RIB
  • la photocopie des deux derniers avis d’imposition
  • une copie des 12 derniers bulletins de salaire
  • une copie du ou des contrats de travail à temps partiel

Pour les artisans et commerçants

Le formulaire de demande de retraite progressive de l’Assurance retraite  doit être rempli, daté, signé et envoyé par courrier à la (Cnav, Carsat, CGSS) dont dépend l’artisan ou le commerçant.

Le formulaire doit être accompagné justificatifs suivants :

  • la photocopie de la carte d’identité ou du passeport
  • un RIB
  • la photocopie des deux derniers avis d’imposition
  • le certificat de radiation du répertoire des métiers et/ou du registre des commerces et des sociétés, ou le certificat de cessation d’activité du chef d’entreprise délivré par la chambre des métiers, ou l’attestation de radiation des rôles de la contribution économique territoriale (CET)

Pour les agriculteurs

Le formulaire de demande de retraite progressive de la MSA doit être rempli, daté, signé et envoyé par courrier à la caisse de MSA dont dépend l’exploitant agricole. Le document intègre l’attestation de retraite progressive remplie par l’employeur.

Le formulaire doit être accompagné justificatifs suivants :

FAQ : questions-réponses sur la retraite progressive

Est-ce intéressant de prendre une retraite progressive ?

Si l’on a envie de travailler moins en fin de carrière, la retraite progressive constitue une bonne solution. Toutefois, il faut être prêt à subir une baisse de son pouvoir d’achat, la fraction de retraite versée ne compensant généralement pas le passage à temps partiel ou la réduction de chiffre d’affaires pour les indépendants. En vérité, la retraite progressive est financièrement intéressante uniquement pour les salariés ou fonctionnaires déjà à temps partiel.

Retraite progressive : y a-t-il des pièges, comment les éviter ?

Outre la baisse de revenu, le principal piège de la retraite progressive est la moindre cotisation à la retraite. Comme l’actif réduit son activité, il cotise moins et se constitue moins de droits, notamment à la retraite complémentaire qui fonctionne en points. Sa retraite définitive risque donc d’être moins élevée.

S’il est indépendant, il peut demander à cotiser de la même manière qu’avant la retraite progressive. Idem pour les salariés et fonctionnaires à condition que leur employeur soit d’accord. Mais son revenu professionnel à temps partiel sera réduit d’autant.

Peut-on cumuler retraite progressive et retraite anticipée pour carrière longue ?

Il n’est pas possible de cumuler retraite anticipée et retraite progressive, tout simplement parce qu’il faut ne pas avoir liquidé ses droits pour bénéficier du second dispositif. Or, on ne peut pas avoir à la fois le statut d’actif et celui de retraité.

L’employeur est-il dans l’obligation d’accepter une demande de retraite progressive ?

L’employeur doit accepter la demande de retraite progressive, sauf s’il démontre que le passage à temps partiel du salarié a une incidence économique sur l’entreprise. Il doit motiver son refus par écrit dans les deux mois suivant la demande de retraite progressive. Passé ce délai, le passage à temps partiel (et donc en retraite progressive) est considéré comme accepté.

Existe-il un simulateur de calcul de retraite progressive ?

Le portail Info Retraite, édité par le groupement d’intérêt public (GIP) Union Retraite qui représente les 35 principaux régimes français de retraite (sur les 42 existants), propose un simulateur en ligne de calcul de la retraite progressive. Grâce à cet outil gratuit, l’internaute a accès à une estimation de la fraction de pension qu’il toucherait s’il était en retraite progressive.

Pour cela, il faut se connecter à son compte retraite disponible sur info-retraite.fr en utilisant les identifiants de son compte créé au préalable ou via la plateforme sécurisée FranceConnect. Une fois connecté à son compte retraite, il faut aller à la rubrique « Mon estimation retraite », puis cliquer sur le bouton « Accéder au simulateur ». Il faut ensuite choisir « Personnaliser ma situation ». Après avoir précisé sa situation familiale (le nombre d’enfants) et sa situation professionnelle (statut professionnel, durée du temps de travail, montant de la rémunération brute annuelle), il faut cliquer sur « Accéder aux résultats ».

Un message d’alerte s’affiche alors, rappelant que l’estimation a uniquement un caractère indicatif. Il faut cliquer sur « J’ai compris ». La page de résultats s’affiche. Il faut aller en bas de la page et cliquer sur « Simuler ma retraite progressive ». En fonction. des données de carrière de l’internaute, il lui est indiqué quand il peut bénéficier d’une retraite progressive. Il est possible de choisir une date ultérieure. Il faut préciser le taux de temps partiel souhaité. Enfin, il faut mentionner la date envisagée de départ à la retraite. Il suffit ensuite de cliquer sur « Voir les résultats ». L’internaute  a accès à une estimation des montants de son salaire et de sa fraction de pension pendant la retraite progressive et une estimation du montant de sa retraite intégrant son passage en retraite progressive. En comparant avec l’estimation de la page de résultat, il peut ainsi mesurer l’impact du dispositif sur le montant de sa future retraite.

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