Programme du RN pour les législatives 2024 : pouvoir d’achat, impôts, retraite, immobilier, quelles mesures ?

Par Loic Farge

Le programme du Rassemblement national de Jordan Bardella en matière de finances personnelles se traduit par quelques mesures emblématiques, applicables à plus ou moins brève échéance. Parmi les promesses phares : la baisse de la TVA sur les énergies pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, l’abrogation de la dernière réforme des retraites ou encore le remplacement de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) par un impôt sur la fortune financière. Tour d’horizon.

Législatives 2024 : le RN entre défense du pouvoir d’achat et pragmatisme

La défense du pouvoir d’achat des Français figure parmi les propriétés du programme du Rassemblement national (RN) pour les législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024. Son président, Jordan Bardella, a rappelé, lors de la présentation dans les médias des principaux axes du programme de son parti le 14 juin, que ce thème constituait – avec la sécurité et l’immigration – l’une des « trois grandes urgences » que son gouvernement traiterait dans la perspective de sa nomination au poste de premier ministre, qu’il conditionne à l’obtention d’une majorité absolue (et non relative) à l’Assemblée nationale à l’issue du scrutin. On notera le RN n’a, à ce jour, pas présenté de programme détaillé.

Dans une approche qu’il qualifie de « pragmatique et raisonnable » – eu égard aux contraintes financières du pays, mais aussi juridiques (notamment de la part de Bruxelles) -, le leader du RN a, depuis, temporisé sur un certain nombre de mesures relatives aux finances personnelles des Français. Instaurant ainsi une sorte de valse à deux temps dans le calendrier de mise en œuvre de ses propositions sur lesquelles, pour certaines, il entretient encore un certain flou. Ce qui se résume dans sa formule : d’abord le temps « de l’urgence », ensuite celui « des réformes ».

Preuve en est la question de la TVA. Si le RN prône une « baisse immédiate » (dès cet été) de cette taxe sur le carburant, l’électricité, le gaz et le fioul, il remet à plus tard la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité. Autre marqueur de ces louvoiements (des « renoncements », dénoncent même ses contradicteurs), le sujet des retraites. Alors qu’il avait qualifié en 2023 la réforme des retraites d’Emmanuel Macron d’« injuste », Jordan Bardella, qui défendait l’abrogation pure et simple de la réforme des retraites (portant l’âge légal de départ en retraite à 64 ans), a mis de l’eau dans son vin en affirmant que ce plus la priorité du moment.

Le programme du RN, tel que présenté officiellement par Jordan Bardelle le 24 juin 2024, contient les propositions suivantes en matière de pouvoir d’achat en cas d’obtention d’une majorité aux législatives 2024 :

  • le contrôle de l’effectivité de la baisse de la TVA sur les produits énergétiques
  • la sortie des règles européennes de fixation des prix de l’électricité

Des incitations à revaloriser le niveau des salaires

Les propositions du Rassemblement national en matière de salaires concerne principalement le niveau de rémunération des salariés du secteur privé. Alors que le Nouveau Front Populaire (NFP, alliance des partis de gauche) promet une revalorisation immédiate du Smic de près de 200 euros net par mois (pour le porter à 1.600 euros), la formation de Jordan Bardella appelle à réformer l’actuel système d’exonération de cotisations patronales.

À ce titre, le RN reprend une des mesures qui figurait parmi le programme de Marine Le Pen pour la présidentielle de 2022 : « Permettre aux entreprises une hausse des salaires de 10% (jusqu’à trois Smic) en exonérant cette augmentation de cotisations patronales ». Une proposition défendue le 20 juin 2024 par Jordan Bardella lors de son grand oral au côté de son allié Éric Ciotti, instigateur d’une alliance entre une partie des Républicains et du RN.

Jordan Bardella estime que cette mesure, sur la base du volontariat et qu’il qualifie de « gagnant-gagnant avec les chefs d’entreprises », pourrait intégrer le Budget de 2025. Dans ce cadre, il a annoncé, dans le quotidien « Le Parisien » (daté du 18 juin 2024), qu’il souhaitait ouvrir d’ici là une conférence avec les partenaires sociaux pour évoquer « le niveau des salaires ». Sans plus de précision.

Pour info, une proposition de loi déposée en ce sens par le groupe Rassemblement national avait été rejetée en janvier 2024 par l’Assemblée nationale.

Côté chiffrage, l’Institut Montaigne estime que la mise en place de cette proposition engendrerait un manque à gagner pour les finances publiques de 800 millions d’euros en 2025, de 4,8 milliards en 2027 et de 12 milliards en 2029.

Le programme du RN pour les élections législatives anticipées, présenté par Jordan Bardella le 24 juin 2024, inscrit les mesures suivantes en matière de salaires :

  • la revalorisation des revenus du travail par une incitation forte à l’augmentation des salaires : permettre aux entreprises d’augmenter les
    salaires de 10% jusqu’à trois fois le Smic, en les exonérant de l’augmentation des cotisations patronales pendant trois à cinq ans
  • la protection du pouvoir d’achat en cas de forte inflation par la suspension de la TVA sur une centaine de produits de première nécessité

Abrogation de la réforme des retraites « à l’automne »

La retraite : voilà bien un sujet sur lequel le Rassemblement national a joué les équilibristes en début de campagne des législatives de 2024, au point de multiplier les explications confuses. Son chef de file Jordan Bardella assure qu’il souhaite entreprendre une réforme des retraites s’il est élu. Il s’engage à abroger la réforme de 2023 (qui porte l’âge légal de départ en retraite à 64 ans au lieu de 62 ans) « à partir de l’automne ».

Jordan Bardella a précisé sa position lors d’un débat réunissant les représentants des trois principaux blocs politiques, le 25 juin 2024 sur TF1. Il a réaffirmé qu’il souhaitait « prioriser les Français qui ont commencé à travailler très tôt ». Il entend ainsi mettre l’accent sur ceux ont débuté de manière précoce leur carrière professionnelle. Son credo : « Que ceux qui ont commencé avant 20 ans – car ce sont des métiers difficiles qui n’ont pas la chance de travailler dans des bureaux climatisés durant l’été et chauffés durant l’hiver -, puissent partir, dès l’automne, avec un temps de cotisation de 40 annuités et un âge de départ légal de 60 ans ». C’était déjà une promesse de Marine Le Pen en 2022. « Je ne conçois pas que des millions de Français qui ont commencé à travailler très tôt prennent leur retraite en mauvaise santé », avait déclaré Jordan Bordella le 21 juin devant le patronat.

C’est à ce moment-là qu’il entend se pencher sur un retour à un âge de départ à 60 ans (une promesse de Marine Le Pen en 2022)… mais pas pour tout le monde. Jordan Bardella entend mettre l’accent sur ceux ont débuté de manière précoce leur carrière professionnelle. Il promet la mise en place d’un âge légal de départ à la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans et qui ont cotisé 40 annuités.  « Je ne conçois pas que des millions de Français qui ont commencé à travailler très tôt prennent leur retraite en mauvaise santé », a-t-il déclaré devant le patronat.

Pour les autres personnes ayant démarré leur carrière professionnelle après 20 ans, le leader RN a indiqué sur TF1 que, s’il était nommé à Matignon, il entendait instaurer, pour les retraites, une progressivité qui « tournera autour d’un âge pivot de 62 ans et de 42 annuités ». Il a ainsi expliqué qu’une personne qui a commencé à travailler à 24 ans partira à la retraite « avec 42 annuités de cotisation, c’est-à-dire 66 ans ». Ce qui correspond à deux deux ans de plus que le plafond imposé par la précédente réforme de 2023.

Le flou qui a prévalu jusque-là tenait pour partie à l’alliance opportuniste scellée avec Éric Ciotti. Le président des Républicains avait défendu le report de l’âge légal à 64 ans, pendant la réforme initiée par Emmanuel Macron.

« Baisse immédiate » de la TVA sur le carburant, l’électricité, le gaz et le fioul

Le Rassemblement national s’engage, dans sa volonté affichée de redonner rapidement du pouvoir d’achat aux Français, à mettre en place une « baisse immédiate » de la TVA sur le carburant, l’électricité, le gaz et le fioul. Une mesure, là aussi recyclée par rapport au programmes électoraux précédents du RN, qui se traduirait par un abaissement, dès cet été, de 20% à 5,5% du taux de la TVA sur les prix des produits liés à l’énergie. Le chef de file du parti, Jordan Bardella, souhaite, s’il accède à Matignon, s’appuyer sur un projet de loi de finances rectificative lors d’une session parlementaire extraordinaire. Bémol : celle-ci ne pourrait se tenir qu’à condition que le président de la République ait, au préalable, signé un décret.

Par ailleurs, l’eurodéputé s’engage à lancer « immédiatement » des négociations avec la Commission européenne pour obtenir « une dérogation sur le marché européen de l’électricité ». Jordan Bardella explique qu’il « faut permettre à la France de retrouver un prix français de l’électricité » et vise une baisse de « 30 % » des factures des consommateurs français.

Dans le cas où il s’adjugerait la majorité à l’Assemblée nationale le 7 juillet, le RN dit qu’il « obtiendra une dérogation temporaire, comme l’a eue la Pologne sur 18 mois et ensuite on négociera une dérogation définitive », a indiqué Jean-Philippe Tanguy le 21 juin 2024 sur RTL. Le « Monsieur Économie » du parti a reconnu qu’il fallait s’attendre à une « négociation plus ardue » sur le carburant. Et d’évoquer la nécessité de mettre en place un « rapport de force » avec la Commission pour obtenir une dérogation définitive de l’Union européenne (UE). Rappelons que l’UE interdit d’abaisser au taux minimum la TVA sur les carburants, pour rester en conformité avec le pacte vert et l’objectif de décarbonation. Une interdiction qui ne concerne plus le gaz, l’électricité et le fioul, considérés comme des biens de première nécessité.

À noter que dans entretien au « Parisien », le 18 juin 2024, le président du Rassemblement national a renvoyé la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité à « un second temps » dans le programme du RN.

Impôts : le RN veut remplacer l’IFI par l’IFF

La principale mesure fiscale du Rassemblement national proposée dans le cadre des législatives anticipées de 2024 se traduit par le remplacement de l’impôt sur la fortune immobilière – IFI, qui a pris la relève de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en 2018 – par un impôt sur la fortune financière (IFF).

Cette proposition (encore une déjà présente dans le programme de Marine Le Pen pendant la campagne présidentielle 2022) se distingue de l’ISF par deux différences majeures : d’une part, l’exonération de l’imposition de la résidence principale des foyers fiscaux et, d’autre part, celle des œuvres d’art acquises depuis plus de dix ans.

> Lire notre article : IFF, le nouvel ISF du RN de Jordan Bardella expliqué

Toujours sur le plan fiscal, Jordan Bardella a finalement décidé de reculer sur l’exonération d’impôts sur le revenu pour les créateurs d’entreprises de moins de 30 ans.

À noter que pour financer son programme économique – et notamment sa proposition de baisse de la TVA sur l’énergie (voir plus faut) -, le RN ambitionne entre autres de supprimer certaines niches fiscales, à l’instar de celle dont bénéficient les armateurs (dont le coût pour l’État est estimé à 4 milliards d’euros).

Voici les mesures fiscales inscrites dans le programme pour les législatives 2024, présenté le 24 juin 2024 par Jordan Bardella :

  • la suppression des impôts sur l’héritage direct pour les familles modestes et les classes moyennes
  • l’exonération des donations des parents et des grands-parents à leurs enfants et petits-enfants, jusqu’à 100.000 euros par descendant tous les 10 ans
  • le remplacement de de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), « qui entrave la conservation et la transmission des patrimoines et épargne de tout effort contributif les fortunes exclusivement mobilières, par un impôt sur la fortune financière (IFF)
  • l’institution d’une part fiscale complète dès le deuxième enfant
  • le rétablissement de la demi-part fiscale des veufs et des veuves

Logement : assouplissement des règles du DPE et révision de la loi SRU

Le chef de file du RN, Jordan Bardella, a dévoilé plusieurs premières mesures concernant le logement dans la perspective où le parti à la flamme obtiendrait la majorité à l’Assemblée nationale, à l’issue des législatives anticipées.

Pour pallier la crise du secteur, il propose, en premier lieu, d’assouplir la réglementation sur les diagnostics de performance énergétique (DPE) des biens immobiliers. « Aujourd’hui les interdictions qui sont liées au DPE quand vous voulez mettre en vente votre logement ou en location sont tellement compliquées que ça immobilise et ça paralyse tout le marché du logement. Je lèverai les interdictions liées au diagnostic de performance énergétique », a-t-il déclaré le 18 juin 2024 dans l’émission « L’Évènement » sur France 2.

Ce DPE serait maintenu comme un outil de mesure de référence permettant de réaliser les travaux de rénovation adaptés, mais le RN prévoit, dans le même temps, de supprimer purement et simplement l’interdiction de louer des logements classés G dès le 1er janvier 2025 et F dès le 1er janvier 2028 (les fameuses « passoires thermiques »). Se basant sur un rapport du Sénat qui relativise l’efficacité du calendrier établi dans la loi Climat et Résilience, le parti de Jordan Bardella espère ainsi remettre en urgence des logements sur le marché de la location en cas de blocage.

Le RN souhaite également réviser la loi SRU, qui impose à certaines communes de disposer d’un nombre minimal de logements sociaux (HLM).  Objectif poursuivi : assouplir cette loi pour inclure le logement intermédiaire destiné aux classes moyennes dans ces quotas.

Du côté de l’accession à la propriété, le RN lorgne toujours sur les primo-accédants en proposant, comme en 2022, un prêt à taux zéro (PTZ) pour les jeunes familles françaises. Il ajoute à cette mesure une incitation supplémentaire à partir du troisième enfant, où le prêt se transformerait partiellement en don. La limite d’âge pour figurer parmi ces « jeunes familles » n’est pas précisée, tout comme l’ampleur de la subvention. En 2022, l’institut Montaigne chiffrait cette mesure à 12,6 milliards d’euros par an. Mais c’était avant le quadruplement des taux des crédits immobiliers intervenu depuis…

Santé : pas d’impôt pour les médecins en cumul emploi-retraite

Lors de la présentation du programme du RN pour les législatives de 2024, son chef de file Jordan Bardella a insisté sur une mesure précise en matière de santé. Classée au rang des urgences, cette promesse concerne les médecins et les infirmiers qui reprendraient une activité, dans le cadre du cumul emploi-retraite.

Cela se traduirait, dans le programme du RN, par :

  • un allègement des dispositifs du cumul emploi-retraite pour les médecins et les infirmiers
  • la suppression de l’impôt sur le revenu (IR) sur les revenus d’activité des médecins et des infirmiers retraités qui reprennent su service

Dans une interview au « Parisien » le 18 juin 2024, Jordan Bardelal avait déjà avancé l’idée d’une exonération d’impôt sur le revenu (IR) pour tous les médecins qui reprendraient une activité,. « Cela enverra dès l’été un signal pour renforcer l’offre de santé sur tout le territoire », avait-il affirmé. Une proposition transverse qui concerne le pouvoir d’achat et la lutte contre les déserts médicaux.

À LIRE AUSSI :

> Le programme fiscal du Nouveau Front Populaire pour les législatives 2024
> Législatives anticipées 2024 : pouvoir d’achat, demandez les programmes !
> Vote par procuration : démarches, date limite, résiliation

Nos offres sélectionnées pour vous :

ARTICLES CONNEXES
Menu