Toutsurmesfinances.com : Cotisations demandées deux fois, retraites non liquidées, courriers laissés sans réponse, impossibilité de contacter la caisse par téléphone… Le rapport de la Cour des comptes sur la Cipav, publié en février 2014, est très sévère. Où en est-on de ces dysfonctionnements ?
Olivier Selmati, directeur de la Cipav : Tout d’abord, je tiens à dire que le rapport de la Cour des comptes constitue un travail sérieux qui a dépeint, hélas, la réalité même si, le temps que le document paraisse, certains dysfonctionnements avaient déjà été en partie résolus. Tous les problèmes ne sont pas encore réglés, mais nous sommes sur la bonne voie.
Un service dédié aux réclamations a été mis en place. Il a permis de traiter 1.500 réclamations, soit 80% des demandes. En un samedi, nous avons indexé 30.000 courriers laissés sans réponse. Aujourd’hui, quand un affilié appelle, le conseiller peut visualiser son courrier. Auparavant, on lui disait que la caisse n’avait rien reçu. Que faisait alors l’affilié ? Il écrivait une nouvelle lettre qui venait grossir le stock. Il fallait stopper ce tonneau des Danaïdes.
Nous avons aussi conclu un partenariat avec la MSA (la Mutualité social agricole, le régime des salariés et exploitants agricoles, NDLR) pour le traitement des chèques. Auparavant, un chèque n’était pas encaissé avant trois mois, ce qui posait des problèmes de trésorerie pour nos affiliés libéraux dont l’activité est fluctuante. Désormais, l’opération est réalisée en trois jours.
Quelles sont les causes de ces dysfonctionnements ?
La Cipav a dû gérer un afflux sans précédent d’adhérents. En 1993, la caisse comptait 50.000 affiliés. Cinq ans plus tard, ils étaient 150.000 et aujourd’hui, nous avons 800.000 comptes dont 600.000 actifs. Cette hausse brutale résulte en grande partie de la création en 2009 de l’autoentreprise.
La Cipav gère le régime de retraite des autoentrepreneurs délivrant des prestations intellectuelles (ceux proposant des prestations artisanales ou marchandes dépendent du Régime social des indépendants (RSI), NDLR). Quelque 300.000 autoentrepreneurs actifs sont ainsi affiliés chez nous. Toutefois, l’afflux auquel doit faire face la Cipav ne s’explique pas seulement par le succès de ce nouveau statut.
La caisse accueille aussi toutes les nouvelles professions libérales. On en trouve notamment dans les métiers du bien-être, comme les ostéopathes, les nutritionnistes ou encore les étiopathes. En réalité, la Cipav est impactée par les changements économiques et sociétaux actuels, conduisant à une nouvelle approche du travail avec des personnes qui créent leur activité ou qui se trouvent en situation de transition professionnelle. La caisse réunit environ 300 professions libérales différentes.
Nous enregistrons plus de 20.000 nouvelles adhésions par an. Ce flux important a été d’autant plus difficile à gérer que le système d’information (le système informatique, NDLR) n’était pas adapté. Il y avait aussi des problèmes d’organisation et de gestion.
Que voulez-vous dire ?
Il manquait des professionnels et de la stabilité. Il y a eu cinq directeurs en deux ans, dont un qui est resté un mois ! Lorsque j’ai été nommé à la tête de la Cipav, j’ai exigé de pouvoir renouveler l’équipe de direction, car au regard de l’ampleur des difficultés, un homme seul ne peut pas redresser la caisse. Je me suis entouré d’experts venant des Urssaf, de la CAF (la caisse d’allocations familiales, NDLR), du RSI, de l’Agirc-Arrco (les régimes de retraite complémentaire du privé, NDLR) ou d’Audiens (un groupe de protection sociale, NDLR).
Je sais aussi que je peux m’appuyer sur les multiples talents des salariés de l’entreprise, ces personnes qui ont souffert de l’instabilité mais qui ont conservé une motivation et une implication intactes. C’est pour cela que j’ai demandé à ce qu’il n’y ait aucun licenciement et que tous les postes soient maintenus. Non seulement les salariés n’avaient pas à subir les errements passés, mais ils possèdent les compétences dont la caisse a besoin. Enfin, je sais pouvoir compter sur le conseil d’administration qui est moteur dans toutes les orientations prises et nous soutient dans leur mise en œuvre.
Quel est votre plan d’action ?
Cinq millions d’euros vont être investis en trois ans dans le système d’information. Une liquidation automatique des retraites va être mise en place. L’objectif est que trois mois après la constitution du dossier complet de liquidation, les affiliés soient assurés de percevoir leur pension.
Il est aussi important que les adhérents puissent rencontrer des conseillers. C’est pourquoi, après avoir ouvert des points d’accueil à Marseille, Lyon et Lille, nous allons en installer de nouveaux à Nantes, Strasbourg, Bordeaux et Toulouse. Nous organisons, en outre, tous les mois des réunions en région et nous participons à de nombreux salons professionnels. L’accueil est plutôt chaleureux : les affiliés sont tellement contents de pouvoir rencontrer des conseillers de la Cipav !
A partir du 1er décembre prochain, la plateforme téléphonique va être en partie externalisée auprès de la MSA. Les appels « entrants » vont être pris en charge par leurs conseillers retraite, de façon à ce que ceux de la Cipav puissent se concentrer sur les appels « sortants ». Je souhaite que les nouveaux adhérents soient contactés dans les 30 jours suivants l’envoi de leur courrier d’affiliation. Enfin, au même titre que les autres affiliés de la Cipav, les autoentrepreneurs vont pouvoir accéder avant la fin de l’année à leur relevé de carrière en ligne et ainsi vérifier les points et les trimestres qu’ils ont acquis depuis 2009.
La Cipav a envoyé une lettre à ses affiliés les informant que le paiement des cotisations se fera désormais par prélèvement automatique sous peine d’une majoration de 0,2% du montant à payer. Pourquoi ?
Un décret paru en 2014 vise à accélérer la dématérialisation des cotisations des travailleurs indépendants. Par rapport à d’autres caisses, la Cipav a pris du retard sur ce chantier. C’est pour cette raison que nous avons imposé cette année le prélèvement pour les affiliés déclarant plus de 19.020 euros de revenus d’activité. Ceci dit, les affiliés pourront toutefois opter pour un virement automatique s’ils le souhaitent.
Je vous annonce également que la créance de 15.000 ex-affiliés représentant 950 millions d’euros va être effacée. Il s’agit de professionnels qui ont changé de statut ou qui ont arrêté leur activité. Les Urssaf ne nous avertissant pas de ces changements, nous continuions à leur réclamer des cotisations calculées sans avoir connaissance de leur revenu. Nous avons obtenu une mise à jour du fichier. Ils seront radiés et leur dette annulée.
En dehors de la résolution des dysfonctionnements, quels sont vos autres projets ?
En premier lieu, je veux que le plan d’action réussisse. Je me suis donné jusqu’à décembre 2016 pour que tous les dysfonctionnements disparaissent. Ensuite, j’ai lancé une étude actuarielle pour savoir si nos réserves financières peuvent nous servir à autre chose qu’à servir les pensions.
Si tel est le cas, je souhaite que des indemnités journalières (IJ) soient versées au bout du 91ème jour d’arrêt de travail. Pour l’heure, les affiliés de la Cipav n’ont pas d’IJ en cas de maladie. Par ailleurs, le conseil d’administration réfléchit à une prestation dépendance qui pourrait prendre, pourquoi pas, la forme d’une majoration des pensions à partir de 85 ans. À cet âge, les besoins augmentent, notamment en matière d’accompagnement de la perte d’autonomie. Nous devrions avoir les résultats de l’étude actuarielle début 2016.
Propos recueillis par Jean-Philippe Dubosc