INTERVIEW – Le Parisien a révélé, le 25 mai 2013, que les demandes de liquidation des droits à la retraite avaient augmenté de 77% entre avril 2012 et avril 2013. Le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), Pierre Mayeur, conteste ce chiffre tout en reconnaissant une hausse des demandes sous l’effet de la réforme des retraites de 2010 et du décret sur les « carrières longues ».
Retraites : « Cela ne sert à rien de déposer son dossier 6 mois à l’avance »
Toutsurlaretraite.com : Confirmez-vous l’information du Parisien selon laquelle les demandes de liquidation de retraite ont augmenté de 77% sur un an ?
Pierre Mayeur : En réalité, cet article se fonde sur une mauvaise interprétation de données et de chiffres. L’augmentation du nombre de demandes de liquidation n’est pas de 77%, mais de 24% sur les quatre premiers mois de l’année. 2013 est une année très atypique dans la mesure où nous savions que se combineraient à la fois l’effet des liquidations retardées suite à la la réforme des retraites du 9 novembre 2010 et celui du décret du 2 juillet 2012 (qui permet aux personnes ayant commencé à travailler jeune et justifiant de tous leurs trimestres de cotisation de partir à la retraite plus tôt, NDLR). L’année 2012 était aussi très singulière en termes d’activité retraite puisque c’était la première année où les effets des mesures de reports d’âge prévues par la loi du 9 novembre 2010 jouaient à plein. En définitive, nous devrions avoir en 2013 un nombre de liquidations légèrement inférieur à celui de l’année 2010, soit un peu plus de 700.000 pensions.
Quel est l’impact du décret du 2 juillet 2012 ?
Nous sommes en train d’analyser les effets de cette mesure. Sur l’année 2012, nous savons que près de 85.000 assurés sont partis en retraite anticipée au titre des « carrières longues » et que sur le premier trimestre 2013 ce nombre s’est établi à 42.000 départs. S’agissant des départs au titre du seul décret du 2 juillet 2012, nos projections prévoyaient près de 17.000 bénéficiaires en 2012 et 70.000 bénéficiaires en 2013. A ce stade, nos prévisions semblent donc pleinement confirmées.
Ces hausses brutales de demandes sont-elles habituelles à l’approche d’une réforme des retraites ?
Ce n’est pas une hausse brutale, puisque nous allons retrouver un niveau équivalent à celui que nous connaissions en 2010. Ce n’est pas non plus l’annonce d’une réforme prochaine qui est en cause. Certaines caisses régionales peuvent cependant rencontrer plus de difficultés, les situations pouvant varier d’ailleurs d’une agence retraite à une autre.
En revanche, il est vrai que le nombre d’appels que nous enregistrons sur notre numéro de téléphone unique, le 39 60, a sensiblement augmenté, de près de 30%, depuis le printemps 2012 sans véritablement ralentir depuis cette date. Nous n’avons jamais géré autant d’appels téléphoniques, ce qui je crois est plutôt à mettre au crédit des caisses de retraite du régime général. L’annonce d’un projet de loi retraite contribue certainement pour une part à cet accroissement mais ce n’est pas le seul facteur. La mise en place de la CASA (contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, NDLR) à l’automne a aussi généré des appels.
Je crois qu’il ne faut pas non plus négliger les conséquences positives du développement du droit à l’information retraite. Les actifs s’intéressent de plus en plus à la retraite et de plus en plus jeunes puisqu’ils reçoivent des documents d’information qui n’existaient pas il y a 10 ans. De plus, les actifs qui approchent de l’âge de la retraite ont naturellement des questions à poser car la réglementation retraite nécessite des explications. L’augmentation sensible et durable du nombre des appels que nous recevons nous conduit d’ailleurs à mobiliser des moyens supplémentaires pour répondre aux assurés de façon satisfaisante.
Les dossiers sont normalement traités en quatre mois. Quelle est la durée de traitement actuelle ?
Le délai de quatre mois est un délai non pas de traitement des dossiers mais le délai que nous recommandons aux assurés pour le dépôt de leur demande. Très concrètement, nous conseillons à tout assuré qui a déterminé la date à laquelle il souhaite faire valoir ses droits à la retraite de déposer sa demande 4 mois avant le point de départ souhaité. Cela ne sert à rien de déposer son dossier 6 mois à l’avance : il ne sera pas traité plus rapidement pour autant.
Y a-t-il un traitement particulier pour les retraites modestes ?
Les caisses ont à cœur de prendre en compte la situation des dossiers qui leur semblent être les plus urgents, notamment afin d’éviter que les assurés se trouvent en situation de rupture de ressources. Cette situation est heureusement très rare.
Que conseillez-vous aux personnes proches de la retraite ?
Je conseille à tous les assurés d’activer leur espace personnel sur notre site Internet lassuranceretraite.fr pour pouvoir recevoir des informations personnalisées et accéder facilement à un certain nombre de services en ligne qui leur permettront de préparer dans les meilleures conditions leur départ à la retraite car il s’agit d’un événement unique dans une vie. Il est d’ailleurs aujourd’hui possible de demander en ligne sa retraite (son dossier de demande, pas de pension, NDLR).
Mais encore une fois qu’il s’agisse d’une demande déposée sur Internet ou en agence retraite, je crois important de rappeler que la retraite n’est pas attribuée automatiquement et qu’il appartient donc à chacun de fixer la date à laquelle il souhaite faire valoir ses droits à la retraite et de déposer sa demande quatre mois avant cette date. Rien ne sert de déposer une demande trop longtemps à l’avance puisque les dossiers sont traités en fonction de la date d’effet souhaitée.
Enfin, je crois bon de rappeler, en tant que service public de la retraite, que tout assuré a le droit de nous solliciter et qu’il est de notre devoir de lui délivrer de façon fiable, neutre et gratuite les informations et les conseils qui l’intéressent.
Propos recueillis par Jean-Philippe Dubosc
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