« L’assurance vie n’est pas un bon outil d’épargne retraite »

Par Jean-Philippe Dubosc

INTERVIEW – Le député (Modem) des Yvelines Jean-Noël Barrot et la chef d’entreprise Alice Zagury ont remis le 21 décembre 2017 un rapport au ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire qui préconise d’unifier les produits d’épargne retraite dans un « compte avenir », individuel ou collectif, sur la base de caractéristiques communes, comme une sortie en rentes privilégiée. Le point de vue d’Hugues Garros, président de la commission technique de Générations ERIC (Epargne, Retraite, Investissement, Croissance), un « think tank » sur l’épargne retraite.  

Hugues Garros, président de la comission technique de Générations ERIC

Toutsurmesfinances.com : Le rapport Barrot-Zagury propose d’unifier les produits d’épargne retraite. Etes-vous favorable à une telle mesure ?

Hugues Garros, président de la commission technique de Générations ERIC : Le rapport préconise de simplifier l’offre d’épargne retraite et de ne conserver qu’un dispositif à deux versants, un collectif et un autre individuel. Le but de simplification est louable. Générations ERIC milite depuis plusieurs années pour un dispositif professionnel unique qui puisse suivre les changements de statut professionnel du travailleur.

Selon nous, les pouvoirs publics devront ensuite définir ce qui relève de l’épargne obligatoire. Nous pensons en effet que seul un dispositif professionnel à adhésion obligatoire peut soulager les régimes de retraite par répartition. Le véritable enjeu demeure l’augmentation des flux de l’épargne retraite qui se sont péniblement élevés à 12 milliards d’euros en 2016, soit à peine 10% des versements en assurance vie.

Ne dit-on pas que la préparation à la retraite est le premier motif de souscription de l’assurance vie ?

On le dit, mais je ne sais pas sur quoi repose cette assertion. Ce qui est réellement établi est que l’avantage fiscal est le moteur de l’assurance vie, notamment pour favoriser la transmission des patrimoines (l’assurance vie ne fait pas partie de la succession, NDLR).

On sait aussi que les capitaux placés en assurance vie sont majoritairement détenus par les ménages aisés. Un quart des encours est ainsi détenu par le 1% de ménages ayant les patrimoines les plus élevés, soit environ 250.000 foyers.

De plus, les rachats partiels programmés des contrats d’assurance vie ne garantissent pas un revenu viager. Comme le souligne le rapport Barrot-Zaguzy, l’assurance vie n’est pas un bon outil d’épargne retraite.

Que faudrait-il pour développer l’épargne retraite en France ?

Nous préconisons la mise en place d’un dispositif professionnel de rémunération différée, à caractère obligatoire, dont bénéficieraient tous les travailleurs, qu’ils soient salariés, indépendants, professions libérales ou fonctionnaires. L’épargne collectée pendant la vie active serait perçue sous forme de rente viagère en supplément des régimes de retraite par répartition.

Rappelons que pour obtenir une rente mensuelle de 500 euros à l’âge de la retraite, il faut avoir épargné au moins 150.000 euros, ce qui est exactement la valeur du patrimoine médian des Français. On voit bien que l’épargne au fil de l’eau et les transmissions ne suffisent pas pour se constituer des rentes.

Il nous semble également souhaitable de proposer des dispositifs facultatifs pour ceux qui disposent d’une bonne capacité d’épargne. Le Perp (plan d’épargne retraite populaire, NDLR) et le Perco (plan d’épargne pour la retraite collectif, NDLR) existent déjà. La question est de savoir s’il est possible d’en augmenter les flux.

Les cotisations obligatoires que vous proposez ne risquent-elles pas d’alourdir les charges des entreprises et de rogner ainsi leur compétitivité ?

La rémunération différée de retraite n’est rien d’autre qu’une part de rémunération. A ce titre, elle doit être prise en compte dans les négociations annuelles sur les salaires. Il est parfaitement possible d’en définir les règles au niveau des branches professionnelles et des entreprises, car il serait illusoire d’appliquer brutalement une mesure universelle. Les partenaires sociaux auront leur mot à dire.

Ceci n’exclut pas qu’il y ait une remise à plat complète du financement de la protection sociale. Schématiquement, les dépenses de solidarité ne devraient pas reposer sur les entreprises, comme c’est le cas par exemple pour le financement des allocations familiales.

Pensez-vous que les déductions fiscales de l’épargne retraite pourraient être remises en cause ?

Je ne sais rien de précis sur les intentions des pouvoirs publics. S’agissant de l’épargne retraite collectée dans le cadre professionnel, il me semble indispensable de revenir à un régime fiscal de droit commun. Parce que tout régime dérogatoire, comme c’est le cas aujourd’hui pour l’épargne retraite collective, est tôt ou tard contesté et que cela crée une instabilité permanente très préjudiciable aux entreprises.

En ce qui concerne les produits individuels d’épargne retraite, il est sûr que l’abandon de la déductibilité fiscale des cotisations aurait un impact sur la collecte. Toute dépense fiscale qui ne favorise pas l’épargne à long terme et la constitution de rentes viagères devrait être pour le moins réexaminée.

Propos recueillis par Jean-Philippe Dubosc

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