Acheter un bien immobilier à 2, une démarche plus complexe qu’il n’y paraît

Par Thibault Fingonnet

Acheter un bien immobilier peut sembler une évidence pour tous les ménages vivant en couple, quelle que soit l’union considérée (libre, Pacs, mariage). L’amour aidant, il est facile d’oublier qu’il s’agit d’un engagement extrêmement long et conséquent.

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A l’occasion d’une semaine spéciale consacrée aux droits des familles, la chambre des notaires de Paris – Ile-de-France a organisé une conférence sur le thème de l’achat à deux. Pour visionner le reportage sur ce sujet et les conseils de Maitre Névine Goubert, notaire à Neuilly-sur-Marne, cliquez ici.

Préciser les conditions du financement, une étape indispensable

La première question, fondamentale car elle va avoir impact déterminant sur la revente ou pour une transmission, est celle du financement. Autrement dit, dans quelles proportions l’achat est effectué : 50/50, 70/30 etc. Indiquer la réalité du financement permet de figer la situation et surtout de justifier la proportion du bien qui reviendra à chacun des conjoints en cas de séparation.

A l’inverse, sans trace de justification, seule une décision de justice peut modifier le partage du bien en parts égales, à moins de pouvoir compter sur la bonne foi du conjoint dont on vient de se séparer… Sur ce point, être mariés, pacsés ou en union libre ne change rien.

Le bien acheté en union libre reste soumis à l’indivision après le mariage

Le bien immobilier acheté par un couple avant son mariage (ou la signature d’un Pacs) reste soumis aux règles de l’indivision, valables pour un achat en union libre, même après les épousailles. Cela signifie notamment que chacun des conjoints peut légalement exiger la vente du bien et peut forcer la main de l’autre le cas échéant. Ainsi, les conjoints n’ont pas de protection particulière leur permettant de rester sur les lieux après une séparation.

De même, en cas de séparation, le poids de chacun dans l’achat a son importance. Car si les conjoints peuvent se mettre d’accord sur un acte de partage pour restituer à chacun ce qui lui paraît être dû, cela nécessite une bonne entente entre les deux parties, ce après une séparation. S’il n’y a pas d’accord, ce sont les proportions de financement au moment de l’achat qui sont retenues pour effectuer le partage, d’où l’importance de préciser clairement dès le départ l’effort financier de chacun dans le processus d’acquisition.

Pas de revalorisation en indivision

Mais l’indivision pose un autre problème de taille puisque les montants engagés dans l’achat immobilier ne sont pas revalorisés dans le temps. Explications : un des conjoints apporte 10.000 euros pour acheter un bien évalué à 100.000 euros au moment de l’acquisition. Au moment de la revente, le bien est évalué à 200.000 euros. Pour autant, la part qui reviendra au conjoint sera égal à son investissement de départ, soit 10.000 euros et non pas 20.000 euros. Dans ce cas de figure, seul un acte de partage à l’amiable peut permettre de modifier la donne.

A l’inverse, l’achat dans le cadre du Pacs ou du mariage donne davantage de protections pour les conjoints. En effet, sous le régime du Pacs, qui reste proche de l’indivision, les montants des financements apportés par chacun sont revalorisés en fonction de l’évolution de la valeur du bien et chacun reste avec ses proportions dé départ. Dans un mariage, c’est le type de contrat qui va déterminer les modalités de la séparation. Sous le régime de séparation des biens, les modalités de partage restent similaires à celles du Pacs. Sous le régime de la communauté des biens, le bien est réputé comme appartenant au couple à parts égales, sauf indication contraire sur la réalité du financement de l’achat. En revanche, sur ce point précis, le mariage n’apporte pas de protection particulière et si les éléments financiers de l’achat ne sont pas précisés, il faudra que le conjoint concerné puisse prouver matériellement qu’il a contribué plus significativement à l’achat pour espérer récupérer la part qu’il considère comme devant lui revenir.

Décès : seul le mariage protège des enfants

En cas de décès d’un des conjoints, le mariage apporte là encore la meilleure protection pour le conjoint survivant puisque par cet acte, les conjoints deviennent héritiers l’un de l’autre quel que soit le contrat de mariage, ce qui n’est pas le cas pour un Pacs ou une union libre. En revanche, même sans enfants à considérer, les ascendants du conjoint (beaux-parents, beau-frère/sœur) ont des droits sur la succession du conjoint décédé. Aussi, une donation entre époux renforce les droits des conjoints, qui deviennent alors prioritaires sur la succession de l’autre. Autre caractéristique qui donne l’avantage au mariage sur les autres types d’union : le conjoint survivant est bénéficiaire de l’usufruit, c’est-à-dire de la jouissance du bien. Autrement dit, les enfants, même issus d’une autre union, ne peuvent pas mettre le conjoint survivant à la rue en forçant la vente du bien contre sa volonté.

En dehors du mariage, la situation du conjoint survivant est plus fragile, puisque le Pacs ne le protège véritablement qu’une année. Passé ce délai, les enfants héritiers peuvent obliger le conjoint survivant à payer une indemnité pour rester dans « son » logement. En situation d’indivision, le conjoint survivant est encore plus mal placé car il ne peut pas s’opposer au droit à réserve des enfants héritiers, droit qui leur octroie notamment le bénéfice immédiat du bien. Ce droit à réserve correspond à la moitié des biens en présence d’un enfant, les deux tiers avec deux enfants et les trois quarts avec trois enfants et plus.

Testament, avec ou sans enfants

Ainsi, en dehors du mariage, il est fortement recommandé de passer par la case testament afin de spécifier la procédure à suivre en cas de décès. En l’absence d’enfants nés de l’union en question ou d’une précédente, le testament offre une liberté totale puisqu’il permet de transmettre ce que l’on veut (sa part du bien, l’usufruit, l’ensemble du patrimoine) à qui on veut. Le testament permet ainsi de moduler clairement la succession. En présence d’enfants cependant, la situation est plus compliquée étant donné que les enfants ont des droits d’office sur la succession de leur parent et le testament ne permet pas d’assurer le maintien dans les lieux par exemple puisque seul le mariage donne le bénéfice de l’usufruit au conjoint survivant. Un testament permet cependant de garantir que ce dernier bénéficiera d’une reconnaissance a minima de ses droits.

La principale différence entre le Pacs et l’union libre en matière de succession entre conjoints est en réalité la fiscalité. En effet, sous le régime d’indivision, la transmission du bien (ou de la partie du bien considérée) au conjoint survivant est soumise à une taxation de 60%, ce qui peut obliger le conjoint survivant à vendre le bien alors qu’un testament avait été établi pour qu’il puisse rester sur place. Le Pacs quant à lui ne donne pas de droit particulier au conjoint survivant sur la succession (c’est là le rôle du testament) mais lui permettra d’échapper à la fiscalité. A ce titre, c’est la fiscalité en vigueur au moment du décès – et d’une manière générale, au moment où l’événement engendrant l’imposition se produit- qui sera retenue pour l’imposition de la succession : actuellement, aucun seuil au-delà duquel l’imposition se déclencherait n’est en vigueur pour les successions entre conjoints pacsés ou mariés.

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