INTERVIEW La nouvelle garantie publique des loyers impayés Visale fait ses débuts lundi 1er février 2016. Loin de révolutionner la donne, ce nouveau dispositif cible un public trop précis et devrait susciter des réticences chez les bailleurs, prévient le juriste Logement de l’association de consommateurs CLCV David Rodrigues.
Garantie des impayés Visale : « Du neuf avec du vieux »
Toutsurmesfinances.com : Le dispositif Visale entre en vigueur le 1er février. Comment accueillez-vous cette nouvelle garantie publique des loyers impayés ?
David Rodrigues, juriste Logement de l’association CLCV : Sur le principe, tout dispositif de ce type est intéressant, qu’il soit assurantiel, mutualiste ou de cautionnement, tel que Visale. Cela permet de faciliter l’accès au logement d’une catégorie de locataires tout en sécurisant les rapports locatifs en apportant la certitude au bailleur qu’il sera remboursé en cas d’impayés de loyers.
Le problème repose dans les modalités du dispositif. Visale n’est ni plus ni moins que le Loca-Pass qui existait il y a une dizaine d’années. C’est la même philosophie : une caution facultative pour un public cible.
« Rien sur les déménagements en cours de contrat de travail »
Visale doit bénéficier aux salariés précaires. En quoi ce ciblage pose-t-il problème ?
La problématique repose dans le caractère assez restreint des bénéficiaires. Il s’agit de salariés précaires, qui doivent rentrer dans le logement concomitamment à la prise de fonctions : la personne qui veut déménager pour se rapprocher de son lieu de travail en cours de contrat n’est pas éligible. Les plus de 30 ans en CDI ne sont pas éligibles non plus, mais les moins de 30 ans si.
C’est là tout le défaut de Visale. Ce principe de caution n’est pas nouveau mais on a trop fermé le dispositif : il n’y a rien sur les déménagements en cours de contrat, rien pour les personnes en CDI avec de faibles revenus, qui ne sont plus éligibles au-delà de 30 ans, ce qui est d’autant plus appréciable que l’entrée sur le marché du travail est de plus en plus tardive…
Les locataires éligibles sont couverts tant qu’ils ne consacrent pas plus de 50% de leurs ressources au logement. S’agit-il d’un risque trop élevé ?
Le taux d’effort de 50% n’est pas choquant, car c’est la philosophie de ce genre de mécanisme : on a une personne qui est financièrement plus fragile mais comme elle est couverte par un organisme, un bailleur peut la prendre en location. Les assurances GLI se situent plutôt entre 25 et 33%, afin de minimiser le risque locatif, en partant du principe qu’une personne avec un taux d’effort limité à 33% aura moins de difficultés.
Mais on fait du neuf avec du vieux. Avec la GUL, on proposait de mutualiser le risque. Ici, on se concentre sur un public plus risqué, ce qui met potentiellement l’équilibre financier de l’opération en danger. On a l’impression que les pouvoirs publics ne savent plus comment prendre le problème et que par conséquent, ils ont tout enterré et sorti Visale.
« Un propriétaire peut refuser un locataire couvert par Visale »
Vous critiquez également le caractère facultatif de la garantie…
Un propriétaire peut tout à fait refuser un locataire couvert par Visale. Les bailleurs sont très attachés à la notion de caution personne physique, ce qui est assez aberrant dans le sens où un particulier aura plus de mal à rembourser des impayés. Il n’empêche que les bailleurs vont être réticents, comme ils l’ont été au Loca-Pass.
Contrairement à ce qu’affirment les pouvoirs publics, Visale ne remplace pas la garantie universelle des loyers (GUL) mais la GRL, ou garantie des risques locatifs. La GRL était, sur le papier, un dispositif très intéressant avec un accompagnement social du locataire en cas d’accident et la prise en compte des loyers, des charges, des dégradations et des frais de justice pour l’indemnisation des bailleurs. Et cela n’a pas fonctionné, car peu d’assurances voulaient proposer la GRL et préféraient mettre en avant leur propre garantie des loyers impayés (GLI) « maison ». Et il ne faut pas oublier qu’un grand nombre de bailleurs passent par des agences immobilières, qui proposent également leurs propres outils.
Pour les bailleurs, Visale couvre les impayés de loyers mais pas les dégradations occasionnées par le locataire. Est-ce un frein supplémentaire ?
C’est vicieux, car le bailleur doit prendre une assurance complémentaire de type GLI pour être indemnisé sur les dégradations. Or, le critère de taux d’effort est bien inférieur à Visale, donc le propriétaire ne va pas aller jusqu’à 50% mais jusqu’à 33%, soit le taux commun entre la GLI et Visale. Donc tout l’objectif de la garantie, qui est de permettre l’accès au logement aux locataires qui consacrent la moitié de leur revenu au loyer, est mis de côté.
Propos recueillis par Thibault Fingonnet
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