La Cour des comptes estime que l’APL accession, aide au logement que le gouvernement entend limiter dès 2016, est « de moins en moins pertinente ». Une perspective opposée à celle des parlementaires et des professionnels de l’accession sociale à la propriété. Selon ces derniers, 30.000 projets immobiliers pourraient être remis en cause par cette réforme.
Logement : la suppression de l’APL accession continue de diviser
Faut-il arrêter de verser des aides au logement aux propriétaires modestes ? La question va agiter les débats budgétaires du Parlement cet automne. D’un côté, le gouvernement, appuyé par un rapport de la Cour des comptes dévoilé mercredi 16 septembre 2015, veut remettre en cause l’APL accession : dès le 1er janvier 2016, cette aide distribuée dans le cadre des prêts à l’accession sociale (PAS) ne doit être versée qu’en cas de chute importante (30% et plus) des revenus de l’emprunteur, comme cela a été voté dans le Budget 2015 en fin d’année dernière.
De l’autre, de nombreux parlementaires et spécialistes de l’accession sociale à la propriété s’opposent à ce projet. Dernière prise de position en date, celle du sénateur LR Philippe Dallier : le rapporteur spécial de la mission « Egalité des territoires et logement » « réaffirme, pour sa part, son attachement aux aides personnelles à l’accession », explique-t-il dans ses observations générales sur le rapport de la Cour des comptes.
25% de bénéficiaires en moins depuis 2004
Au-delà d’une économie budgétaire minime évaluée à 150 millions d’euros, qui risquerait d’être annulée par les pertes de recettes de TVA, c’est l’utilité du dispositif qui est questionnée par les Sages de la rue Cambon. La Cour des comptes explique que le nombre de bénéficiaires « est passé d’environ 680.000 fin 2004 à 494.000 fin 2013, soit une baisse de 27,4% ». En 2013, le nombre de nouveaux allocataires se limitait ainsi à 29.953 acquéreurs, contre 52.696 en 2010.
Si ces chiffres donnent raison à la Cour des comptes, qui juge le dispositif « de moins en moins pertinent », et par extension au gouvernement, il faut les remettre dans leur contexte. Par exemple, le secteur de la maison individuelle a vu son activité diminuer de 40% entre 2005 et 2015. Or, une large partie des acquéreurs de ce type de logement, des primo-accédants de moins de 40 ans avec des revenus limités, représente le public cible de l’APL accession. La dépression du marché de la maison individuelle, couplée à la montée en puissance du prêt à taux zéro (PTZ) à la fin des années 2000, explique donc au moins en partie le moindre succès de cette aide.
Effet d’aubaine contre effet couperet
De plus, ses défenseurs dénoncent l’effet couperet d’une telle réforme. Le Crédit Foncier estime ainsi que les emprunteurs n’auraient plus accès au crédit immobilier pour financer leur projet, puisque l’APL accession, en diminuant la mensualité de remboursement, permet de limiter le taux d’endettement des emprunteurs à un niveau acceptable pour les banques. Dès lors, l’établissement leader dans la distribution du PAS (38% de part de marché), évalue à 30.000 le nombre d’achats immobiliers qui seraient annulés en cas de réforme de l’APL accession. Le rapport Pupponi de mai 2015 retenait pour sa part le nombre de 15.000 ventes qui ne se feraient pas si la réforme gouvernementale devait être maintenue. Un calcul financièrement perdant pour l’Etat, puisque ces ménages resteraient alors en grande partie locataires et percevraient alors des aides au logement supérieures (229 euros par mois en moyenne dans le locatif contre 152 euros pour l’accession).
Mais pour les finances publiques et la Cour des comptes, l’APL accession représente plutôt un effet d’aubaine. « Les revenus de référence de ses titulaires sont plus élevés de 30 à 75% » que ceux des locataires, pointe l’institution présidée par Didier Migaud. En outre, l’aide au logement représente de 19 à 30% du montant de la mensualité de remboursement, contre 47 à 80% du loyer pour les locataires. En résumé, l’APL accession n’aide pas les ménages les plus fragiles, ce qui permet de justifier une remise en cause alors que l’exécutif cherche à réduire les dépenses publiques en matière de logement, le budget annuel des aides au logement s’élevant à 18 milliards d’euros par an.
Le gouvernement privilégie le PTZ
Dans ces conditions, les débats budgétaires à l’Assemblée nationale et au Sénat devraient donc être animés sur cette question. Du côté des élus, le consensus est déjà prêt : députés et sénateurs, de gauche comme de droite, rejettent le projet gouvernemental. Mais ils vont devoir obtenir gain de cause face au gouvernement puisque si rien n’est voté en ce sens dans la loi de finances pour 2016, l’APL accession sera bel et bien réduite à un mécanisme assurantiel en cas de forte chute des revenus.
Mais l’exécutif semble bien décidé à écarter l’APL accession au profit d’une autre aide à l’achat immobilier. L’an passé, il avait justifié son choix en expliquant vouloir privilégier le PTZ pour aider les ménages modestes à accéder à la propriété. Il avait alors amélioré les conditions d’accès à ce prêt sans intérêts de remboursement au 1er octobre 2014 pour l’achat d’un logement neuf, avant de l’étendre à l’immobilier ancien sous conditions de travaux dans près de 6.000 communes début 2015. Et l’histoire pourrait bien se répéter cette année, puisque François Hollande a annoncé lundi 14 septembre que 30.000 communes supplémentaires profiteront du PTZ dans l’ancien à compter de janvier 2016. De quoi enterrer tout espoir d’un maintien de l’APL accession ? Réponse d’ici le 23 décembre prochain, date du vote définitif de la loi de finances pour 2016.
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