Retraite chapeau : comment ça fonctionne ?

Par Jean-Philippe Dubosc

Régulièrement épinglées pour les montants exorbitants accordés à certains cadres dirigeants, les retraites supplémentaires à prestations définies sont mal connues du grand public. Petit cours de rattrapage.    

Le montant des retraites chapeaux octroyées à certains PDG choque régulièrement l'opinion publique

Les « retraites chapeaux » défrayent régulièrement la chronique. Dans le cadre du scandale révélé le 30 août sur le « parachute doré » de 13,7 millions d’euros que le directeur général d’Alcatel-Lucent Michel Combes va toucher à son départ de l’équipementier télécom, on apprenait ainsi que ce « package » s’ajoutait à ses 50.000 euros de retraites supplémentaires d’entreprise.

Un montant somme toute dérisoire comparés aux 300.000 euros de retraites chapeaux par an de l’ex-PDG de PSA Peugeot Citroën Philippe Varin qui ont suscité une vive polémique. Au point que le ministre de l’Economie Emmanuel Macron a intégré dans sa loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques promulguée le 6 août dernier des garde-fous pour limiter les abus. Sur ce sujet ô combien sensible dans l’opinion publique, des amalgames sont faits le plus souvent par méconnaissance. Raison de plus pour revenir en détail sur ce dispositif d’épargne retraite collective.

 

Qu’est-ce que c’est ?

Les retraites chapeaux font partie des « retraites supplémentaires à prestations définies ». Ces dernières, plus connues sous l’appellation d’« article 39 » (en référence au code général des impôts qui les réglemente), sont, comme leur nom l’indique, des retraites qui viennent s’ajouter aux retraites obligatoires de base (régime général de la Sécurité sociale) et complémentaires (Arrco, Agirc). Certains parlent de retraites « surcomplémentaires ».

Les articles 39 sont des contrats d’assurance vie souscrits à titre collectif et qui garantissent le versement à la retraite d’un certain niveau de rentes viagères (servies à vie), fixé à l’avance. D’où l’expression de « prestations définies ».

En réalité, l’article 39 englobe deux régimes différents. Le régime dit « additionnel » permet de percevoir à la retraite un revenu de remplacement égal à un pourcentage du dernier salaire. Le régime dit « différentiel » garantit, lui, que les prestations perçues à la retraite (retraites obligatoires et autres retraites supplémentaires d’entreprise comprises) atteignent un certain pourcentage du dernier salaire. C’est ce dernier régime qui est baptisé « retraite chapeau. »

 

Qui est concerné ?

L’article 39 est proposé uniquement dans le cadre de l’entreprise. Ce dispositif n’existe pas dans la fonction publique. A l’origine, il a d’ailleurs été conçu pour les hauts fonctionnaires venus « pantoufler » dans le privé et qui auraient pris le risque de se retrouver avec une retraite moins élevée que s’ils avaient poursuivi leur carrière dans le secteur public.

Ces contrats sont le plus souvent réservés à une catégorie spécifique de salariés (cadres, cadres dirigeants…). Depuis la réforme de 2010, les entreprises qui proposent une retraite supplémentaire à une partie de leur personnel doivent instaurer un dispositif d’épargne retraite collective pour l’ensemble de leur effectif.

Un article 39 est mis en place par décision unilatérale de l’employeur, via un accord d’entreprise signé avec les représentants syndicaux ou (plus rare) via un référendum des salariés. La loi Macron prévoit que l’attribution des retraites chapeaux est désormais conditionnée à l’atteinte d’objectifs fixés à l’avance. En outre, l’augmentation appliquée aux droits acquis chaque année ne peut plus désormais dépasser 3% de la rémunération brute annuelle.

 

Quels sont les avantages pour le salarié ?

Ils sont nombreux. Non seulement le bénéficiaire est assuré de percevoir un revenu plus élevé à la retraite, mais les cotisations (fixées en fonction du niveau de prestation défini, de l’âge du salarié, de son évolution de salaire, de son âge de départ à la retraite et de son espérance de vie) sont versées uniquement par l’entreprise. En d’autres termes, le salarié touche des rentes à la retraite pour lesquelles il n’a pas épargné. Le rêve !

Mieux : les cotisations patronales étant jugées obligatoires et non du fait du salarié, ce dernier n’a pas à les intégrer à ses revenus à déclarer à l’administration fiscale. Par ailleurs, selon les contrats, les rentes versées à la retraite peuvent comporter des options comme la réversion (une part de la rente est attribuée au conjoint survivant au décès de l’assuré) ou une garantie dépendance (octroi d’une majoration en cas de perte d’autonomie).

 

Quels sont les inconvénients ?
Contrairement aux autres dispositifs d’épargne retraite collective (article 83, Perco), le salarié perd ses droits acquis en cas de départ (démission, licenciement) de l’entreprise. C’est pourquoi l’article 39 est généralement présenté comme un outil de fidélisation des meilleurs collaborateurs.

Si les cotisations ne sont pas fiscalisées, les rentes issues de l’article 39 sont, elles, imposées. Au même titre que les pensions de base et complémentaires, elles doivent être intégrées aux revenus à déclarer au fisc. Après abattement de 10%, elles sont soumises au barème de l’impôt sur le revenu.

En outre, les rentes sont assujetties à plusieurs prélèvements sociaux : contribution sociale généralisée (CSG) à 6,6%, contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) à 0,5%, cotisations maladie à 1% et, depuis le 1er avril 2013, contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (Casa) à 0,3%.

Une contribution sociale spécifique s’applique même depuis 2011, dont le taux varie en fonction du montant de la rente mensuelle et de la date de versement de celle-ci. Les rentes liquidées avant le 1er janvier 2011 en sont exonérées si elles n’excèdent pas 523 euros par mois, sont taxées à 7% pour la part comprise entre 523 et 1.046 euros par mois et à 14% au-delà de 1.046 euros par mois. Pour les rentes liquidées après le 1er janvier 2011, l’exonération concerne les rentes inférieures à 418 euros par mois, la taxe de 7% s’applique entre 418 et 628 euros par mois et la taxe à 14% touche la fraction supérieure à 628 euros par mois.

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