La question des impayés de loyer a agité le débat politique depuis la présentation du projet de loi Alur sur le logement et l’urbanisme. La garantie universelle des loyers (GUL) proposée par Cécile Duflot a suscité de fortes critiques, certains n’estimant pas nécessaire d’instituer une garantie publique sur les fonds de l’Etat alors que le taux moyen d’impayés se situe aux alentours de 2-3%. Mais cette moyenne peine à refléter la dynamique du phénomène, comme l’explique une étude de l’Edhec Business School sur les dysfonctionnements du marché locatif privé.
Un risque variable dans le temps
Le risque d’impayés n’est pas constant sur toute la durée de la relation entre propriétaire et locataire : « Généralement très faible pour les ménages ayant récemment emménagé, le risque augmente plus ou moins fortement selon le logement considéré avant de décroître pour les locataires anciens », affirment les auteurs. A son entrée, le locataire ayant été trié sur le volet (revenus trois fois supérieurs au loyer, par exemple), il présente moins de chances de ne pas payer son loyer. Par la suite, le risque d’impayés s’accroît du fait de perspectives professionnelles et financières plus incertaines pour le locataire, qui peut aussi être influencé par l’attitude du bailleur (réalisation de travaux, entretien) ou la qualité du logement qu’il connaît mieux.
Au-delà de 7 à 8 ans, la dynamique s’inverse : le locataire connaît bien les lieux et son loyer est inférieur aux loyers de marché car réglementé par l’indice de référence des loyers (IRL). « Un ménage avec une longue durée d’occupation de son logement paie donc un loyer nettement inférieur à celui qu’il paierait s’il devait se reloger dans un logement comparable », avance l’étude. Dès lors, sa propension à ne pas payer faiblit.
Comment les bailleurs encouragent malgré eux les impayés
L’étude pointe d’autres facteurs qui jouent sur le taux d’impayés, parmi lesquels la localisation et la taille du logement. Sans surprise, le risque est plus présent dans les zones défavorisées ou zones urbaines sensibles (ZUS) que dans Paris. « Pour un studio, [le taux d’impayés] culmine à 5,60% en ZUS pour un locataire présent depuis 7 ans dans le logement contre seulement un peu plus de 3% à Paris », en sachant que le rapport est sensiblement le même pour les plus grands appartements.
Par ailleurs, plus le logement est petit, plus le risque est élevé. « À Paris, le taux d’impayés pour 5 pièces ne dépasse pas 2,4%, alors qu’il peut atteindre 3% pour un studio », détaillent les auteurs. « Cela peut provenir de trajectoires plus stables sur le marché du travail des adultes dans des ménages de grande taille [couples actifs avec plusieurs enfants à charge, NDLR] ».
Surtout, ils montrent que les bailleurs eux-mêmes peuvent encourager le risque d’impayés de loyer en cherchant à s’en prémunir. « Pour couvrir le risque d’impayés de loyer, une stratégie du bailleur pourrait consister à fixer un loyer plus haut qu’il ne le ferait s’il était assuré de ne pas subir d’impayés », expliquent-ils. L’idée étant de toucher un loyer plus important et de sélectionner un meilleur profil à l’entrée du locataire. Mais en réalité, un tel choix contribue à augmenter le risque d’impayés : le taux d’effort du locataire augmente avec son loyer car ce dernier progresse plus rapidement que son revenu, ce qui fragilise sa capacité à payer.