Attribution, loyers… coup de pied dans la fourmilière du logement social

Par Thibault Fingonnet

Les locataires d’un même immeuble HLM ne seront bientôt plus soumis aux mêmes loyers. Une nouveauté qui s’accompagne d’une réforme des règles d’attribution des logements sociaux.  

Comment les loyers des logements sociaux vont changer

Les « ghettos de riches » dans les HLM, bientôt de l’histoire ancienne ? C’est en tout cas l’ambition du gouvernement, qui présente mercredi 13 avril 2016 le projet de loi Egalité et citoyenneté en Conseil des ministres.

Des loyers différents pour des logements similaires

Plus précisément, l’exécutif veut donner la possibilité aux bailleurs sociaux de baisser les loyers au cas par cas afin de loger des locataires plus modestes dans les immeubles où les prix sont les plus élevés. Le texte prévoit ainsi « la possibilité pour les bailleurs [de différencier], le cas échéant, les loyers des logements pratiqués selon les secteurs ou au sein des immeubles », selon un avant-projet de loi dévoilé en mars. En résumé, des logements similaires au sein d’un même ensemble n’afficheront plus nécessairement les mêmes prix à la location.

Le gouvernement s’apprête donc à bouleverser quelques habitudes bien ancrées en matière de logement social. En effet, les loyers sont actuellement déterminés en fonction du mode de financement choisi pour construire les immeubles. Les bâtiments financés à l’aide d’un prêt locatif social (PLS) permettent ainsi de pratiquer des loyers plus élevés et d’accueillir des ménages plus aisés, tandis que ceux financés par un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) affichent des prix plus accessibles pour les locataires les plus modestes. Conséquence : « Ce mécanisme a favorisé une certaine concentration des inégalités » et « contribue [à leur renforcement] en favorisant l’exclusion des ménages les plus pauvres des immeubles les mieux classés ».

Les locataires « trop riches » devront partir plus rapidement

Cette faculté de baisser les prix à la location sera ouverte après le départ d’un locataire, l’idée n’étant pas de forcer les foyers les plus aisés à aller trouver un toit ailleurs… Encore que. Ceux qui veulent rester en place doivent se préparer à en payer le prix. Le projet de loi entend en effet augmenter les suppléments de loyers imposés aux locataires dont les ressources progressent « sensiblement et durablement » depuis leur entrée dans l’immeuble, selon le ministère du Logement, cité par l’AFP. Une manière de les inciter à chercher un autre type de logement (location privée, accès à la propriété) afin de libérer des places dans le parc social et de réduire le nombre de ménages sur liste d’attente, estimé à 1,8 million.

Surtout, le droit au maintien dans les lieux va être durci. Aujourd’hui, un locataire dont les revenus correspondent à 200% du plafond de loyer du logement qu’il occupe doit le quitter dans un délai de trois ans. Demain, il devra plier bagage au bout de 18 mois à partir du moment où ses ressources représentent au moins 150% du plafond.

La mobilité professionnelle, une priorité

La méthode d’attribution des logements sociaux va également être revue et corrigée dans cette optique. « Il faut que les attributions de logements sociaux se fassent de manière plus équitable sur le territoire et que les ménages les plus pauvres aient accès aux villes les plus riches », a appuyé la ministre du Logement Emmanuelle Cosse sur le plateau d’iTélé le 13 avril. Par exemple, l’Etat, à travers les préfets, pourra déterminer lui-même qui sera logé dans les communes qui souffrent d’un manque de logements sociaux. De même, les compétences d’attribution dévolues aux maires vont être transférées aux intercommunalités, toujours dans l’idée d’encourager la mixité sociale et de défaire les « ghettos » existants.

De nouveaux critères prioritaires vont aussi voir le jour. La mobilité professionnelle doit ainsi devenir un paramètre essentiel dans l’analyse des dossiers des demandeurs, au même titre que leurs revenus ou leurs conditions de logement actuelles. Dans le même ordre d’idée, les candidats à un logement social qui reprennent une activité après un chômage de longue durée seront prioritaires, sans que leurs conditions de logement ne rentrent en ligne de compte.

Des amendements attendus

Attention toutefois, rien n’est encore gravé dans le marbre. Le projet de loi Egalité et citoyenneté doit être étudié par le Parlement à compter de juin prochain. Et certains élus ne cachent pas qu’ils vont proposer des modifications : dans un communiqué diffusé le 11 avril, l’Union sociale de l’habitat (USH), présidée par le député PS de la Meuse Jean-Louis Dumont, a dénoncé un texte « pas à la hauteur » des enjeux du logement HLM et des mesures trop complexes, au point de les rendre « inopérantes ». Autant dire que la bataille ne fait que commencer.

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