Prix trop élevé, absence de locataires, carence locative, rentabilité inférieure aux espérances… Les scandales liés à la défiscalisation dans l’immobilier se suivent et tendent à se ressembler. Pour ne pas en être victime, les investisseurs potentiels peuvent déjouer les pièges tendus par des opérateurs peu scrupuleux, à condition d’adopter quelques bonnes pratiques.
Défiscalisation immobilière : comment échapper aux arnaques
Défiscalisation immobilière : l’arnaque n’arrive pas qu’aux autres
Réduire ses impôts en investissant dans l’immobilier peut se retourner contre l’investisseur s’il n’est pas sur ses gardes et conduire à une perte d’argent. Malgré les scandales révélés par le passé, de nouveaux cas d’espèce continuent de voir le jour. Dernier épisode marquant en date, révélé par le journal L’Equipe en février 2019 : une soixantaine de joueurs de football professionnels à la retraite ou encore en activité disent avoir été victimes d’une escroquerie après avoir investi des bâtiments anciens à restaurer, dont le château de Tancarville, en Seine-Maritime, afin de bénéficier d’avantages fiscaux. Mais les travaux de rénovation n’ont jamais été achevés et la bâtisse, laissée à l’abandon, risque de s’effondrer. De leur côté, les sportifs n’ont pas atteint l’objectif de défiscalisation escompté, au contraire : le préjudice atteindrait entre 40 et 100 millions d’euros. Selon le quotidien, deux plaintes ont été déposées contre X pour « escroquerie en bande organisée ».
Auparavant, des copropriétaires de résidences ont assigné leur promoteur immobilier en justice pour avoir été induits en erreur sur le potentiel locatif de leurs investissements De Robien réalisés dans les années 2000.
Pour éviter d’en arriver là, voici quelques précautions à prendre avant d’investir dans un bien immobilier vendu en défiscalisation Pinel, déficit foncier ou Malraux.
Demander un second avis sur le produit de défiscalisation
Le meilleur moyen de se retrouver piégé par une arnaque à la défiscalisation reste de s’engager sans savoir où l’on va. Il faut se poser des question et en poser au chargé de commercialisation.
Prendre du recul face aux promesses commerciales n’est toutefois pas toujours à la portée de chacun. Si certaines manquent évidemment de crédibilité – la promesse d’un rendement « garanti » dépassant allègrement les 5% par exemple – d’autres sont plus difficiles à déchiffrer et demandent le concours d’un expert, ou a minima l’avis d’un ou plusieurs tiers indépendants.
Exemple typique : La simulation « parfaite » : Si l’on vous présente une simulation du rendement de votre investissement au bout de 15 ou 20 ans, il faut tenter de la mettre en doute. Pour cela, il convient de se renseigner :
- sur la profondeur du marché locatif (est-il alimenté par un marché de l’emploi dynamique, une démographie favorable ?) et les niveaux réels des loyers dans l’ancien dans le secteur où se trouve le programme immobilier, en contactant plusieurs agences immobilières sur place. Une fois l’information obtenue, il faut les comparer avec les valeurs retenues pour la simulation.
- sur les hypothèses de revalorisation des loyers : sont-elles réalistes ? que donnerait la simulation sans revalorisation ?
- sur les charges à déduire des revenus locatifs
- sur le montant de la taxe foncière qui est à la charge du propriétaire.
Quel que soit le mode d’acquisition (cash ou à crédit), il est utile d’interroger sa banque mais aussi des établissements concurrents ou un courtier en crédit immobilier, bref de faire jouer la concurrence. Ces différents interlocuteurs ne manqueront pas d’analyser le projet, et donc de s’intéresser à son intérêt économique et à sa viabilité chacun avec un regard différent, au-delà de l’avantage fiscal.
Mieux vaut redoubler de méfiance si le vendeur juge inutile de parler de l’investissement à d’autres intervenants, comme la banque ou le notaire de famille.
Si l’opération de défiscalisation est effectuée en étant accompagné par un conseiller en gestion de patrimoine (CGP), il est de bon ton de lui demander de quelle manière il se rémunère, afin d’assurer que la vente profite au moins autant à l’investisseurs qu’à son CGP.
Le scandale : Helvet Immo : Des clients de BNP Paribas Personal Finance ont souscrit en 2008 et 2009 des prêts libellés en francs suisses remboursables en euros proposés par des professionnels de la gestion de patrimoine dans le cadre d’un « package » de défiscalisation de type Scellier. Induits en erreur, selon leurs avocats, par les documents de la banque sur la stabilité du franc suisse, leur capital restant dû à rembourser a considérablement grimpé en raison de l’évolution défavorable des parités monétaires. Ils se sont alors retrouvés confrontés à une dette plus élevée (hausse du capital restant dû) que leur emprunt initial. Certains de ces prêts ont fait l’objet d’un traitement par le médiateur de BNP Paribas Personal Finance, d’autres d’une assignation en justice.
Investir au bon prix : comment ne pas acheter trop cher
Trop souvent, les particuliers peinent à traiter une défiscalisation comme un investissement immobilier classique. Est-ce que j’achète trop cher ou au bon prix ? A trop se concentrer sur l’avantage fiscal, certains en oublient de s’interroger sur le prix d’achat qui leur est demandé… et ne réalisent pas la supercherie, sachant que les prix dans l’immobilier neuf sont bien souvent supérieurs aux appartements de surface et de typologie équivalentes dans l’ancien. Ce n’est pas forcément une arnaque en soi car la TVA à 20% s’applique sur un bien neuf dans la majorité des programmes et le promoteur immobilier empoche sa marge qui est comprise dans le prix de vente.
La rentabilité du placement s’en retrouve fortement diminuée si le bien a été surpayé. Risque à la clé : une moins-value hautement probable à la revente, en plus de la désagréable sensation de s’être fait avoir.
Pour prévenir ce risque, il est indispensable de se renseigner auprès de plusieurs agences immobilières qui connaissent le marché local pour en prendre le pouls : but de la manœuvre : connaître les prix des transactions sur des biens de nature et de surface équivalentes au projet d’acquisition, afin d’évaluer la justesse du prix payé.
Exemple typique : le bien qui perd de sa valeur : Quiconque achète un logement pour investir espère en tirer une plus-value à la revente. Dans la plupart des scandales de défiscalisation immobilière, l’inverse se produit et des investisseurs se sont retrouvés avec des biens qui avaient perdu jusqu’à la moitié de leur valeur par rapport au prix d’achat. Une moins-value qui est parfois assumée, simplement pour tourner la page de cette mauvaise opération.
Dans l’autre sens, il faut faire preuve de méfiance pour les biens proposés à très bon marché. Un prix « trop » bas peut témoigner d’un marché inactif ou très peu demandé.
L’investisseur aura toutes les peines à trouver des locataires, or la vacance locative est ce qui coûte le plus cher pendant la période de détention, aucun revenu ne couvrant les échéances de crédit, les charges et la taxe foncière. Sans parler du risque de redressement fiscal dans le cadre des dispositifs où l’acquéreur a pris l’engagement de louer le bien.
Le scandale Apollonia : Dans cette escroquerie à l’investissement en statut de loueur en meublé professionnel (LMP), les commerciaux de la société Apollonia avaient démarché agressivement des particuliers en leur demandant de signer en toute hâte des offres de prêt qu’ils n’ont pas pu consulter. Apollonia suggérait également à ses clients de ne pas en parler à leurs interlocuteurs habituels. Résultat : plus de 400 victimes qui ont souscrit de multiples prêts « fantômes » pour acheter des biens 2,5 à 6 fois plus chers que les prix du marché et une arnaque évaluée à un milliard d’euros.
Faire une visite sur place pour voir le programme immobilier
C’est le coup classique : vous habitez Paris, Lille ou Strasbourg et un commercial vous promet monts et merveilles si vous placez vos économies dans un appartement à Perpignan, Albi ou Périgueux. Une ville que vous ne connaissez peut-être pas et qui se trouve surtout loin de chez vous. Il ne faut pas tomber dans la paranoïa : ce genre de propositions ne vise pas forcément à décourager l’investisseur de se rendre sur les lieux. Mais l’éloignement ne doit pas oublier le bon sens qui doit prévaloir avant tout achat immobilier : l’emplacement doit être de qualité, tant pour l’occupant afin de se garantir des loyers sans interruption, que pour le propriétaire dans l’optique de la revente. Or avec la distance, il n’est pas évident de savoir si on achète au bon endroit, le voisinage, sauf à investir dans sa ville natale que l’on connait comme sa poche.
Exemple typique : l’investissement en Outre-mer : par définition, investir en défiscalisation dans les DOM-COM éloigne considérablement le contribuable du lieu où il compte placer ses économies. Bien souvent, les investisseurs ne viennent pas sur place. Impossible, dès lors, de constater que ce pour quoi l’acheteur a payé n’a jamais été mis en chantier. Un investissement de plus de 150.000 euros vaut bien un petit aller-retour au soleil pour s’assurer que toutes les conditions sont réunies localement pour espérer faire une bonne affaire.
Pour éviter de devenir la victime d’une arnaque à la défiscalisation immobilière, il faut à tout prix éviter de prendre sa décision en s’appuyant uniquement sur les plans et documents commerciaux présentés. Renseignez-vous sur le potentiel locatif de la commune et du quartier ciblés et venez sur place : il s’agit encore du meilleur moyen pour évaluer la pertinence d’investir à cet endroit.
Le scandale : Akerys et les copropriétaires de Maine-et-Loire : 43 copropriétaires d’une résidence à Beaupréau dans le Maine-et-Loire accusent le promoteur Akerys de tromperie. Selon eux, l’opérateur leur a vendu des opérations avec une rentabilité garantie loin d’être au rendez-vous. D’après l’un des avocats des plaignants, cité par l’Agence France Presse, Akerys a vendu les appartements « à des clients comme par hasard très éloignés géographiquement du lieu d’implantation de la résidence ».
Ne pas se précipiter pour investir dans un programme vendu en défiscalisation !
Rien ne presse ! Se donner tu temps à la réflexion et à l’analyse est fondamental. Il convient de se méfier si le commercial explique qu’il faut signer le plus vite possible pour ne pas passer à côté de l’opportunité du siècle, sans vous laisser le temps de vous renseigner. Ce genre de « suggestions » doit toujours alerter sur le sérieux de ce qui est proposé.
La jurisprudence du côté des victimes de la défiscalisation
Pour les personnes s’estimant lésées, tout n’est pas nécessairement perdu. La Cour de cassation s’est rangée du côté d’un couple qui avait investi en De Robien dans un deux pièces à Carcassonne en 2005. L’appartement avait été vendu à un prix 30 à 50% supérieur à sa valeur réelle, avec la promesse d’un loyer lui aussi surévalué par rapport au marché.
Dans sa plaquette commerciale, le commercialisateur vendait un « placement sûr et rentable à court terme », évoquant également la « forte demande locative » à Carcassonne. Pourtant, la ville était à l’époque saturée de nouvelles constructions pour l’investissement en défiscalisation immobilière. Résultat, les investisseurs n’avaient jamais pu louer leur appartement.
« L’état de saturation du marché immobilier carcassonnais était déjà observable », affirme d’ailleurs la Cour de cassation. Une nouveauté importante pour l’association de consommateurs UFC Que choisir, car « jusqu’à présent, les défiscalisateurs ont presque toujours réussi à faire passer en justice l’idée que la saturation était imprévisible ».
En définitive, les juges du fond ont donc confirmé le jugement rendu en 2014 par la cour d’appel de Montpellier qui avait prononcé l’annulation du contrat de vente. Ils ont rejeté à cette occasion l’idée d’un manque de prudence du couple d’investisseurs, au motif que « l’erreur provoquée par un dol [manœuvre trompeuse, Ndlr] est toujours excusable ».
« Sauf revirement de jurisprudence, cet arrêt [rendu le 7 avril 2016, Ndlr] devrait faire date », se réjouit UFC Que choisir.
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