Toutsurmesfinances.com : Le gouvernement s’intéresse de près à la location meublée et les ministères du Logement et des Finances étudient des pistes de réforme. Quel est le point de départ de cette mission interministérielle ?
Maud Velter, directrice juridique de Lodgis : Le parc de logements meublés se développe et il est bien connu que la fiscalité est plus attractive qu’en location vide. La démarche, selon moi, était de s’interroger sur le choix des propriétaires qui font du meublé et ce qui les incite à le faire, afin que le biais fiscal ne soit pas le critère de sélection des investisseurs et qu’il y ait suffisamment de locations vides. Cette problématique s’observe à Paris et dans les centres urbains, où on s’aperçoit que le parc locatif privé n’est pas suffisant tandis que la part du meublé a beaucoup augmenté sur les 20 dernières années.
« La location meublée, trois marchés distincts »
Le phénomène grandissant des locations ou sous-locations meublées de courte durée a-t-il poussé l’exécutif à se pencher sur le sujet ?
Le développement des meublés touristiques a dû également inciter la mise sur pied de cette mission, mais ce n’est pas la seule dimension de la question. En location meublée, il faut distinguer trois marchés distincts : la location de courte durée, qui s’est beaucoup développée avec les plateformes de type Airbnb ou Homeaway, et la location traditionnelle, dans laquelle on sépare les locations à titre de résidence principale du locataire et les autres.
Quand le bien est loué à titre de résidence principale, on tombe sous le coup de la loi de 1989 sur les rapports locatifs, avec le contrat de bail type, le plafonnement des honoraires des agences immobilières… Il y a beaucoup de règles à respecter et de protections pour le locataire. Hors résidence principale en revanche, la libre disposition des parties prime. Elles inscrivent ce qu’elles veulent dans le bail et ne sont même pas obligées de rédiger un contrat écrit : si elles ne prévoient rien, le code civil s’applique. Sur ce point, je pense que le gouvernement a estimé qu’il y avait une zone de non-droit.
Quelles sont les idées de réforme discutées ?
Ce ne sont que des pistes mais il y a une volonté de rapprocher la location meublée du régime foncier de la location vide, tout en conservant une imposition adaptée (voir encadré). La possibilité de créer un bail spécifique pour les locations temporaires hors résidence principale d’une durée de trois à douze mois a également été évoquée.
Un autre volet concerne la location meublée de très courte durée, avec par exemple l’idée de donner la faculté à l’assemblée générale de copropriétaires d’interdire ces locations, par un vote à l’unanimité. Mais si cette mission aboutit à un projet de loi qui permet cela, elle n’a aucun intérêt : ils peuvent déjà le faire aujourd’hui, en décidant de modifier le règlement de copropriété à l’unanimité.
« La location vide présente trop de contraintes »
Rapprocher la fiscalité de la location meublée de celle des revenus fonciers peut-il redonner de l’attrait à la location vide ?
Les investisseurs s’orientent vers le meublé en partie pour son régime fiscal, mais ce n’est pas la principale raison. C’est surtout la souplesse de ce type de location qui explique son attractivité, en termes de durée notamment mais aussi parce que les locataires présentent un profil beaucoup plus sûr. Ils sont là pour une durée déterminée, avec un loyer qui est budgété. Le risque qu’ils traversent une période de chômage ou une séparation et qu’ils ne soient plus en mesure d’assumer le loyer est donc très faible.
Ce rapprochement envisagé ne va pas inciter les propriétaires à revenir vers la location vide, qui est aujourd’hui extrêmement contraignante. Le meublé a été largement aligné sur le vide d’un point de vue juridique mais sa souplesse a été préservée et surtout on ne touche pas les mêmes profils de locataire.
Les bailleurs en meublé ne risquent donc pas de basculer vers la location vide ?
Les investisseurs qui font du meublé uniquement pour la fiscalité, et ils sont peu nombreux, s’orienteront peut-être vers d’autres placements mais pas vers la location vide. La gestion locative est plus tranquille [les changements de locataire sont moins fréquents qu’en location meublée, Ndlr] mais au-delà de ça, elle n’est pas très intéressante et présente des contraintes trop importantes. Il suffit de tomber sur un mauvais locataire pour se retrouver dans une situation financière délicate et c’est quelque chose qu’on rencontre beaucoup moins fréquemment en meublé.
Propos recueillis par Thibault Fingonnet
Les réformes fiscales sur la table
Parmi les idées soulevées par la mission intergouvernementale figure la possibilité de réduire l’abattement forfaitaire sur les revenus des locations meublées : actuellement fixé à 50% pour le régime micro-BIC, il pourrait être ramené à 40%, soit un niveau encore supérieur à la déduction autorisée par le régime micro-foncier de la location vide (30%).
Autre possibilité étudiée, restreindre l’amortissement aux seuls meubles pour les bailleurs qui déclarent leurs charges au réel. Actuellement, ils peuvent déduire de leurs revenus locatifs l’amortissement des meubles et du bien.
Enfin, le gouvernement pourrait proposer de supprimer la cotisation foncière des entreprises (CFE) payée par les propriétaires de meublés. |
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