INTERVIEW – La Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (Cipav), de loin la plus importante caisse libérale avec la moitié des professionnels libéraux français affiliés, a diffusé un communiqué critique sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, présenté le 11 octobre 2017 en Conseil des ministres. Le président de la Cipav, Philippe Castans, explique les raisons de son mécontentement et expose ses propositions au gouvernement.
Dans un communiqué, la Cipav annonce que le Budget de la Sécurité sociale pour 2018 va entraîner le transfert de 90% des adhérents de la caisse au régime général de la Sécurité sociale, le régime de protection sociale de base des salariés. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Philippe Castans, président de la Cipav : L’article 11 du PLFSS 2018 modifie l’article L 640-1 du Code de la Sécurité sociale qui fixe désormais à 9 professions (architectes, géomètres-experts, ingénieurs conseil, psychothérapeutes, ergothérapeutes, ostéopathes, psychologues, moniteurs de ski, artistes ne relevant pas de l’Agessa, NDLR), contre 300 actuellement, la liste des professions libérales relevant de la Cipav. Cela signifie, en creux, que les libéraux non mentionnés dans cette liste ne sont pas considérés comme des professions libérales, mais comme des travailleurs indépendants au même titre que les artisans et les commerçants.
Ils ne devront plus cotiser, pour l’invalidité-décès et l’assurance vieillesse, à une caisse de retraite et de prévoyance libérale mais au RSI (le Régime social des indépendants, NDLR). Or, comme vous le savez, le PLFSS 2018 prévoit l’adossement du RSI au régime général de la Sécurité sociale à partir du 1er janvier 2018. Comme 300 des 400 professions libérales représentées à la Cipav ne figurent pas dans l’article L 640-1 remanié, nous estimons que 90% de nos 600.000 adhérents vont être transférés à terme au régime général.
Quelles seront les conséquences d’un tel transfert pour vos adhérents ?
Comme les niveaux de cotisation sont plus élevés au RSI qu’à la Cipav, les professionnels libéraux ayant un revenu annuel inférieur à 70.000 euros vont voir leurs cotisations de prévoyance et de retraite augmenter sensiblement. Selon nos calculs, en prenant en compte l’invalidité-décès, la retraite de base et la retraite complémentaire, la hausse va atteindre en moyenne 50%. Ce qui, vous en conviendrez, est énorme et va à l’encontre du souhait du gouvernement de baisser les charges.
Justement, le gouvernement conteste vos estimations…
Elles sont pourtant justes. Le gouvernement reconnait d’ailleurs cette hausse, puisqu’il a instauré dans le PLFSS 2018 un dispositif dérogatoire et transitoire de réduction des cotisations retraite pour les professions libérales transférées. L’article 11 du PLFSS 2018 prévoit toutefois à terme un alignement des cotisations des professions transférées sur celles actuellement applicables au RSI.
Quelles sont vos propositions ?
Nous proposons que ce ne soit pas 90% de nos affiliés qui soient transférés au régime général mais 100%.
Mais cela ne signerait-il pas la fin de la Cipav ?
Non, car nous proposons, dans le même temps, que la Cipav continue à piloter les paramètres du régime de retraite complémentaire de nos 600.000 adhérents et de gérer ses réserves. On pourrait imaginer que la caisse intègre le régime général tout en restant autonome dans sa gestion. Le conseil d’administration de la Cipav continuerait ainsi à fixer, chaque année, les valeurs d’achat et de service des points de retraite complémentaire.
C’est la solution qui semble se dessiner pour le RCI (le régime de retraite complémentaire géré par le RSI, NDLR). Notre proposition concourt au souhait d’Emmanuel Macron d’instaurer à terme un régime unique de retraite. Nous ne voyons pas pourquoi le gouvernement la refuserait.
Propos recueillis par Jean-Philippe Dubosc
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