Impôts : je n’ai jamais déclaré mes revenus au fisc, comment faire ?

Par Thibault Fingonnet

Oubli ou absence de déclaration par négligence ou phobie administrative ? Que faire ? Quand on n’a jamais déclaré ses revenus aux impôts, ou pas depuis 5 ou 10 ans, il n’est pas trop tard pour se mettre en règle aux yeux de l’administration fiscale. La démarche de régularisation coûtera de l’argent, mais beaucoup moins qu’en cas de fraude volontaire. Décryptage.

Ne pas déclarer ses revenus aux impôts : que se passe-t-il ?

Quelles sanctions et pénalités ?

Ne pas déclarer ses revenus, pendant plusieurs années, et ne serait-ce que pour une seule année, c’est courir le risque de devoir payer des pénalités ou sanctions administratives fiscales, infligées par l’administration et à des sanctions pénales. Le cumul entre sanctions pénales et fiscales est possible « dans les cas de fraudes les plus graves », comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel le 23 novembre 2018, saisi dans le cadre d’un recours de l’ancien ministre de François Hollande, Thomas Thévenoud.

En effet, remplir une déclaration de revenus annuelle aux impôts est une obligation légale, prévue à l’article 170 du Code général des impôts (CGI). Ne pas respecter cet obligation, c’est commettre une infraction relative à l’assiette de l’impôt sur le revenu (sa base de calcul).

En l’absence de déclaration, le contribuable se voit infliger une pénalité fiscale (sanction pécuniaire en euros) prévue à l’article 1728 du CGI, qui vise le défaut de production de la déclaration de revenus annuelle, mais pas uniquement. Cette pénalité prend la forme d’une majoration, proportionnelle au montant de l’impôt évité, qui s’ajoute au montant de l’impôt dû. Le taux de majoration est fixé à 10%, 40% ou 80% selon l’infraction reprochée, comme le montre le tableau ci-dessous :

Taux de majorationConditions
Sources : article 1728 du CGI, BOFiP (BOI-CF-INF-10-20-10)
Majoration de 10%en l'absence de mise en demeure
Majoration de 10%en cas de dépôt de la déclaration dans les 30 jours suivant la réception d’une mise en demeure
Majoration de 40%en cas de dépôt de la déclaration au-delà du délai de 30 jours
Majoration de 80%en cas de découverte d'une activité occulte

Ce barème s’applique quelles que soient les modalités de régularisation de la situation du contribuable :

  • envoi spontané (mais tardif) d’une déclaration par le contribuable lui-même
  • procédure de rectification contradictoire
  • taxation d’office.

De plus, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude (article 12), l’administration fiscale peut, dans le cadre d’un contrôle fiscal sur place, dresser un PV, à l’occasion constate l’absence réitérée (à plusieurs reprises) de dépôt des déclarations d’impôt sur le revenu, dans le cadre de la procédure dite de flagrance fiscale (prévue à l’article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales).

La notification du PV de flagrance fiscale a pour effet de permettre la réalisation immédiate de saisies conservatoires, sans autorisation préalable du juge.

Quelles procédures en l’absence de déclaration ?

Différentes procédures de contrôle, de rectification et d’imposition d’office sont susceptibles de s’appliquer, en cas de défaut de déclaration de revenus :

  • demande de renseignements par un agent des finances publiques, par écrit ou oralement (réponse du contribuable facultative)
  • demande d’éclaircissements et de justifications par un agent des finances publiques (réponse du contribuable exigée)
  • contrôle sur pièces (travail de bureau des agents)
  • procédure d’évaluation d’office au titre des déclarations de bénéfices industriels, commerciaux (BIC), de bénéfices non commerciaux (BNC), de bénéfices agricoles (BA)
  • procédure de taxation d’office, qui vise en particulier les cas de défaut de production de la déclaration d’ensemble des revenus (2042)
  • procédure de rectification contradictoire
  • examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP)

Quelle est la démarche à effectuer pour régulariser sa situation ? A qui m’adresser ?

Comment régulariser pour l’impôt 2024 sur les revenus 2023

Un citoyen qui entend se mettre en règle auprès du fisc après plusieurs années durant lesquelles il n’a pas déclaré ses revenus aux impôts, doit d’abord commencer par remplir sa déclaration de revenus pour l’année écoulée, soit la déclaration 2024 sur les revenus 2023 cette année, qui s’effectue au printemps.

Le déclarant qui dépose son formulaire 2042 papier ou en ligne en bonne et due forme et dans les délais impartis, ne paiera pas de pénalité particulière au titre de l’année précédente (2023) et sera soumis normalement à l’impôt sur le revenu (IR ou IRPP 2024) durant l’été. En savoir plus sur le calendrier > Déclaration de revenus : les dates-limites par département

Absence de déclaration IR depuis 2, 5 ou 10 ans

Reste ensuite la question de l’absence de déclaration au titre des revenus touchés les années précédentes. Si certains sont être tentés de les dissimuler, la manœuvre est risquée puisque les pénalités sont fortement augmentées (voir encadré en bas de cet article). Pour les contribuables qui souhaitent régulariser leur situation, le plus simple est de s’adresser directement aux services de l’administration fiscale (centre des finances publiques, service des impôts des particuliers). Cette démarche tend à attester la bonne foi du contribuable aux yeux du fisc… mais ne l’empêchera pas de payer des pénalités.

Droit de reprise : sur combien de temps l’administration fiscale peut-elle remonter ?

Délai de reprise : prescription triennale

L’administration fiscale dispose d’un droit de reprise qu’elle peut exercer auprès d’un contribuable qui n’a jamais déclaré ses revenus aux impôts. Ce droit de reprise lui offre la possibilité de réparer le préjudice subi par l’État au titre des omissions totales de déclaration commises par les contribuables.

Mais tous les revenus passés ne sont pas forcément susceptibles d’être imposés rétroactivement à ce titre. D’abord parce que certains revenus sont exonérés. Mais aussi parce que le fisc applique la règle de la prescription triennale : les revenus des trois années qui précèdent l’année en cours seront concernés. Précisément, l’article L169 du LPF (livre des procédures fiscales) que « pour l’impôt sur le revenu […] le droit de reprise de l’administration des impôts s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due ».

Pour l’année 2024, cela signifie que le contribuable doit déclarer ses revenus de 2023 mais que le fisc peut également remonter jusqu’à ceux de 2022 et 2021. Quand on a touché des revenus non déclarés en 2015 et 2016 par exemple, ces derniers ne seront pas soumis à l’impôt, sauf en cas d’activités occultes ou de contrôle fiscal (cas où le droit de reprise s’applique pendant 10 ans).

Inversement, les revenus de 2021 déclarés en 2022 peuvent être soumis au droit de reprise du fisc jusqu’au 31 décembre 2024.

Délai de prescription : en 2024, quelles années concernées ?

En temps habituel, le délai de reprise court jusqu’à la fin de la 3ème année suivant l’année de perception des revenus, soit 2024 sur les années 2021, 2022 et 2023.

A noter : exceptionnellement, pour le calcul de l’impôt 2019 sur les revenus de 2018, les agents des impôts ont bénéficié d’un délai d’un an supplémentaire pour exercer leur droit dans le cadre de l’année blanche fiscale, soit un délai de reprise qui courait jusqu’à la fin de la 4ème année suivant 2018. L’administration aura donc eu la possibilité de réclamer son dû (par exemple un supplément d’impôt sur des revenus exceptionnels 2018 non déclarés) jusqu’au 31 décembre 2022.

Droit de reprise selon l’année de déclaration : les années non prescrites

  • En 2027, le droit de reprise peut s’exercer sur les revenus des années 2024, 2025 et 2026.
  • En 2026, le droit de reprise peut s’exercer sur les revenus des années 2023, 2024 et 2025.
  • En 2025, le droit de reprise peut s’exercer sur les revenus des années 2022, 2023 et 2024.
  • En 2024, le droit de reprise peut s’exercer sur les revenus des années 2021, 2022 et 2023.
  • En 2023, le droit de reprise peut s’exercer sur les revenus des années 2020, 2021 et 2022.
  • En 2022, le droit de reprise pouvait s’exercer sur les revenus des années 2018, 2019, 2020 et 2021.

Quel pénalité d’impôt dois-je payer suite à régularisation ?

Lorsqu’un contribuable régularise sa situation, il doit payer normalement ses impôts, ici sur ses revenus de 2023. Si les revenus des années précédentes sont imposables, il aura également à payer l’impôt auquel il a échappé et des pénalités équivalentes à 10% du montant de l’impôt au titre des revenus non déclarés précédemment (perçus en 2021 et 2022).

Mais ce n’est pas tout : il faut également payer les intérêts de retard, calculés sur le montant dû au taux légal de 0,2% par mois ou 2,4% par an (taux en vigueur en 2024, source : article 1727 du CGI).

Droit à l’erreur

Le droit à l’erreur, instauré par loi Essoc (État au service d’une société de confiance) du 10 août 2018, prévoit le paiement d’intérêts de retard réduits de moitié, soit 0,1% par mois et 1,2% par an, pour toute déclaration rectificative spontanée déposée par le contribuable.

Cependant, cette réduction de 50% du taux de l’intérêt de retard ne s’applique pas en cas d’absence ou d’oubli de dépôt de la déclaration de revenus ou de dépôt après la date limite.

Je ne peux pas payer ce que me réclame le fisc, que faire ?

Dans certains cas, les sommes à payer au fisc (rappels d’impôts + pénalités + intérêts) peuvent excéder la capacité de remboursement du contribuable. Quand on est dans ce cas, on peut essayer de demander un étalement des paiements. Un échéancier pourra être proposé après examen de la situation financière du contribuable.

Revenu non déclaré : que se passe-t-il si j’étais non imposable ?

Certains revenus bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu (ils n’entrent pas dans le calcul de l’impôt). Et plus de la moitié des contribuables sont non imposables à l’IR car ils déclarent des revenus inférieurs au seuil d’imposition.

Si les revenus passés qui n’ont jamais été déclarés ne vous rendent pas imposable, vous n’avez logiquement pas d’impôt à payer. Dans ce cas, le contrevenant ne doit s’acquitter d’aucune pénalité, la majoration de 10%, 40% ou 80% étant en principe étant calculée sur le montant de l’impôt dû (or celui-ci est nul). Le contribuable est cependant susceptible de payer une amende de 150 euros, en application de l’article 1729 B du CGI.

Par ailleurs, l’absence de déclaration présente un inconvénient majeur : l’omission peut être frein à l’octroi de certaines aides financières accordées sous conditions de revenus, sur présentation d’un avis d’imposition ou dans le cadre des échanges d’information entre la Direction générale des finances publiques (DGFiP) en charge des impôts et les organismes de Sécurité sociale comme la CAF.

 

Quelle différence en cas de fraude active ?

Lorsqu’on tente volontairement de flouer le fisc pour échapper à toute sanction, le risque encouru est de payer davantage. En effet, l’administration fiscale pourra remonter sur dix ans, et non pas trois, pour calculer les impôts à payer de façon rétroactive. De quoi alourdir significativement la facture… Les contribuables ayant des revenus occultes ou illégaux ainsi que ceux qui subissent un contrôle fiscal qui révèle la fraude sont susceptibles d’être sanctionnés de la sorte.

 

Bon à savoir

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