Dans une location immobilière, le bailleur doit garantir à l’occupant la jouissance paisible du logement. En retour, le locataire est tenu de veiller à l’entretien des lieux et de s’abstenir de susciter des troubles de voisinage.
Troubles de voisinage, nuisances sonores : responsabilités et recours du locataire
Définition des troubles de jouissance
La notion de trouble de jouissance dans une location recouvre deux situations :
– Lorsque le propriétaire ne permet pas à son locataire de vivre tranquillement dans le logement
– Quand le locataire pose des problèmes importants (dégradations, nuisances, comportement) à ses voisins et/ou au bailleur.
La loi impose ainsi une obligation de respect de l’occupation paisible du logement sur les deux parties. Côté bailleur, le devoir de permettre au locataire de vivre « normalement » est rappelé par l’article 1719 du Code civil. Concrètement, il doit s’abstenir de perturber la vie du locataire et s’assurer qu’il n’y a pas de défauts dans le logement qui l’empêchent d’en profiter pleinement (isolation thermique ou phonique déplorable par exemple).
Le locataire est quant à lui tenu « d’user de la chose louée raisonnablement » selon les termes de l’article 1728 du Code civil. La loi rappelle ainsi qu’il s’agit d’une des principales obligations du locataire, avec le paiement du loyer. Si elle n’est pas respectée, on parle alors d’un abus de jouissance du locataire. Dans certains cas, le propriétaire peut demander à la justice de résilier le bail de location.
A savoir : selon diverses enquêtes sur le sujet, les troubles de jouissance figurent parmi les premiers motifs de plainte des locataires. Ils arrivent même en tête des sujets de discorde les plus souvent relevés par une enquête de la Confédération générale du logement (CGL) publiée le 10 octobre 2016, à égalité avec le dépôt de garantie.
Les troubles de jouissance imputables au propriétaire
La loi exige d’un bailleur de faire le nécessaire pour que le logement loué ne présente pas de vice ou de défaut empêchant l’habitation : le locataire doit pouvoir s’y installer et y vivre dans la tranquillité. En revanche, elle ne liste pas les différents troubles de jouissance du locataire qui découlent du comportement du propriétaire.
Exemples de troubles de jouissance du locataire
Les cas les plus fréquents de troubles de jouissance mettant en jeu la responsabilité d’un bailleur sont les suivants :
– Violation de domicile : le propriétaire entre dans les lieux sans l’autorisation du locataire
– Transformation du logement sans l’accord préalable du locataire
– Présence d’amiante dans le logement
– Infestation de nuisibles (insectes, rongeurs, …)
– Mauvaise odeur persistante dans le logement qui n’est pas due à l’hygiène du locataire ou à l’entretien et au nettoyage du logement
– Refus d’installer une boîte aux lettres
– Manquements graves concernant la distribution d’eau et d’électricité (absence d’installations, de robinets, …).
A savoir : si le problème résulte d’un cas de force majeur, comme une tempête ou une inondation provoquant une panne générale d’électricité, ou d’un autre locataire (odeurs par exemple), le bailleur ne peut pas être mis en cause.
Les recours du locataire
Confronté à un trouble de jouissance, un locataire dispose de plusieurs moyens de recours. Dans un premier temps, il est recommandé de contacter directement le bailleur ou le professionnel à qui celui-ci a confié la gestion locative du bien pour trouver une solution amiable.
Lorsque les deux parties ne parviennent pas à s’entendre (refus du propriétaire ou absence de réponse au-delà de deux mois), le locataire peut saisir la commission départementale de conciliation (CDC), une instance spécialisée dans le règlement des litiges locatifs. Elle rend un avis dans un délai de deux mois, en cherchant à satisfaire chaque partie.
Si le désaccord subsiste, le locataire doit saisir le tribunal d’instance pour obtenir gain de cause. Une procédure qui peut prendre du temps, d’autant que selon la complexité du problème, le juge peut exiger des expertises diverses avant de rendre sa décision. S’il tranche en faveur du locataire, il pourra :
– Ordonner au propriétaire de faire réaliser les travaux nécessaires pour mettre fin au problème
– Autoriser le locataire à les faire
– Imposer au bailleur le versement de dommages et intérêts
– Prononcer la résiliation du bail.
A savoir : un trouble de jouissance n’autorise pas le locataire à cesser de payer le loyer, sauf s’il ne peut plus vivre dans les lieux ou lorsque le bailleur n’a pas mis en œuvre les travaux prescrits par la justice.
Les abus de jouissance du locataire
Dégradation du logement et des parties communes de l’immeuble
En principe, l’occupant est responsable des dégâts occasionnés dans le logement. L’article 1732 du Code civil précise qu’il peut être exonéré de tout reproche dès lors qu’il parvient à prouver que les dégradations « ont eu lieu sans sa faute ».
Le locataire est également présumé responsable des dégradations commises par un proche (famille, concubin…), un sous-locataire ou une personne dont il emploie les services (déménageur ou plombier par exemple). En revanche, si des invités provoquent des dégâts dans les parties communes de l’immeuble, l’habitant ne peut pas être mis en cause.
Dès lors que le logement présente des dégradations, le locataire est tenu de les réparer afin de rendre le logement en bon état à son départ. Cela sera vérifié à l’occasion de l’état des lieux de sortie, en comparant ce document au constat réalisé à son arrivée. Si les réparations ne sont pas effectuées, le bailleur doit retenir tout ou partie du dépôt de garantie pour financer les travaux, en présentant des devis et factures pour justifier les montants exigés. Si nécessaire, un supplément peut être versé par le locataire, si le dépôt de garantie ne couvre pas toutes les dépenses de réparation.
A savoir : lorsque le bailleur constate des dégradations en cours de bail, avant le dépôt du préavis de départ du locataire, il peut lui rappeler ses obligations de bon entretien par courrier recommandé, puis faire appel à un conciliateur de justice pour trouver une solution amiable au problème. Le propriétaire peut également décider de donner congé au locataire pour motif légitime et sérieux en fin de bail.
Troubles de voisinage et intervention du propriétaire
Les troubles de voisinage correspondent à diverses nuisances comme des bruits intempestifs, des disputes ou des chants récurrents, du tapage diurne ou nocturne ainsi que des odeurs nauséabondes. Plus largement, le locataire doit respecter les clauses du bail* concernant l’occupation paisible du logement.
Ces manquements peuvent entraîner la résiliation du bail après une décision de justice si le contrat comporte une clause résolutoire.
*Sauf s’il s’agit d’une clause abusive, réputée non-écrite. Pour aller plus loin : notre article sur les clauses abusives d’un bail de location
Que doit faire le propriétaire ?
A la différence des dégradations du logement, les nuisances répétées d’un locataire impliquent directement le bailleur. Les voisins victimes des nuisances peuvent en effet attaquer le locataire en justice mais aussi le propriétaire du logement, dans le cadre d’une action séparée. Autrement dit, il ne doit pas rester les bras croisés, comme l’indique l’article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs : « Après mise en demeure dûment motivée, les propriétaires des locaux à usage d’habitation doivent, sauf motif légitime, utiliser les droits dont ils disposent en propre afin de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent ces locaux. »
Pour commencer, le bailleur peut adresser des courriers (lettre recommandée avec avis de réception) de mise en demeure au locataire pour lui demander de cesser ses activités nuisibles. Il peut également contacter le syndic de copropriété afin qu’il intervienne dans ce sens. A cette occasion, il doit lui indiquer qu’il a pris contact avec le locataire pour régler le problème, de façon à empêcher le syndic de se retourner contre lui. Enfin, le propriétaire doit répondre aux voisins qui ont dénoncé les nuisances, pour les informer de son intervention.
Le ou les courriers adressés au locataire peuvent lui rappeler que le bailleur dispose de la faculté de mettre fin au bail de location, par la délivrance d’un congé pour motif légitime et sérieux. Il peut avoir recours à cette option si l’occupant ne cesse pas ses agissements mais doit disposer de preuves suffisantes (témoignages, photos, constats d’huissier…) pour ce faire. De plus, le congé ne prend effet qu’à la fin du bail en cours, ce qui limite parfois grandement la portée de la sanction.
Enfin, le propriétaire peut saisir le tribunal d’instance afin d’obtenir la résiliation du bail. Des preuves des nuisances et des démarches engagées doivent être présentées au juge. Celui-ci peut accéder à la demande du propriétaire mais également la rejeter si le locataire a mis un terme à ses agissements. Une nouvelle poursuite judiciaire pourra être engagée s’il recommence.
Comportement du locataire et de ses proches
Plus que des abus de jouissance, il est question ici d’incivilités plus ou moins graves, comme par exemple :
– Des invectives à l’égard de passants
– Des violences contre le bailleur et/ou les autres locataires
– Des injures écrites répétées à l’égard du propriétaire dans le cadre d’un litige
– Le refus de toute visite du logement dans le cadre de sa mise en vente.
Ces événements autorisent le bailleur à demander la résiliation du bail. Il faut également noter que le locataire signataire du bail est responsable des troubles commis par des personnes vivant sous son toit, comme ses enfants majeurs ou mineurs par exemple. Il faut toutefois que les faits reprochés aient un lien avec un manquement à l’obligation d’occuper les lieux de manière paisible.
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