Assurance vieillesse des aidants (AVA) : le régime de retraite pour les proches aidants

Par Jean-Philippe Dubosc

Depuis le 1er septembre 2023, les personnes qui arrêtent de travailler ou passent à temps partiel pour aider un proche souffrant d’une grave maladie, d’un handicap ou d’une perte d’autonomie, sont affiliées à l’assurance vieillesse des aidants, un nouveau régime créé par la dernière réforme des retraites.

Réforme des retraites et assurance vieillesse des aidants (AVA)

La réforme des retraites, promulguée le 15 avril 2023, a notamment créé l’assurance vieillesse des aidants (AVA). Ce nouveau régime de retraite, entré en vigueur depuis le 1er septembre 2023, permet aux personnes, qui cessent ou réduisent leur activité professionnelle pour apporter leur aide régulière à un proche gravement malade, handicapé ou dépendant, de valider des trimestres de retraite, et ce, sans contrepartie de cotisations.

Ces trimestres « gratuits » permettent aux aidants familiaux de compenser – en partie – les trimestres qu’ils n’ont pas pu cotiser parce qu’ils ont arrêté de travailler ou parce qu’ils sont passés à temps partiel pour s’occuper de leur conjoint, descendant (enfant, petit-enfant), ascendant (parent, grand-parent), oncle, tante, neveu, nièce, cousin, cousine ou, dans certains cas, d’un membre extérieur à leur famille. Grâce à l’AVA, les aidant peuvent limiter, voire annuler, la minoration sur leur retraite (décote) qu’ils subissent s’ils ne respectent pas leur durée d’assurance (le nombre de trimestres exigé dans leur génération pour percevoir une pension de vieillesse sans décote).

La différence entre l’assurance vieillesse des aidants (AVA) et l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF)

Avant la création de l’AVA, certains aidants pouvaient déjà valider des trimestres de retraite grâce à l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF). Créée à l’origine pour permettre aux pères et (surtout) aux mères qui ne travaillent pas pour élever leur(s) enfant(s) de cotiser volontairement à la retraite, l’AVPF est aujourd’hui également proposée, sans contrepartie de cotisation cette fois-ci, aux parents modestes. Puis, elle a été étendue à certains aidants familiaux.

Ces aidants ont basculé, le 1er septembre 2023, à l’AVA. Non couverts jusqu’ici par l’AVPF, les parents dont l’enfant présente un taux d’incapacité permanente (IP) inférieur à 80%, les aidants qui ne vivent pas avec l’adulte handicapé aidé, et ceux n’ayant pas de lien familial, mais uniquement « un lien stable et étroit », avec la personne aidée, sont désormais affiliés à l’AVA et valident donc des trimestres de retraite, ce qui n’était pas le cas avant.

Si les aidants familiaux ne dépendent plus de l’AVPF, y sont toujours affiliés de manière volontaire les parents au foyer et, gratuitement, les parents aux faibles ressources qui touchent l’allocation de base, la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) ou le complément familial. À condition de ne pas dépasser certains plafonds de revenus, l’allocation de base et la PreParE sont versées aux parents d’enfant de moins de 3 ans ou d’enfant adopté de moins de 20 ans (ils doivent avoir cessé ou réduit leur activité professionnelle pour toucher la PreParE). Le complément familial est, lui, attribué aux parents modestes de trois enfants et plus, âgés de plus de 3 ans et de moins de 21 ans.

Qui a droit à l’assurance vieillesse des aidants (AVA) ?

Plusieurs profils d’aidants sont éligibles à l’AVA. Compte tenu de l’élargissement du périmètre d’affiliation de l’AVA par rapport à l’AVPF, le gouvernement estime qu’entre 32.000 et 40.000 aidants de plus par an vont pouvoir valider des trimestres, alors qu’ils n’auraient pas pu le faire avant la réforme des retraites de 2023. Ils vont s’ajouter aux 60.000 aidants familiaux qui étaient auparavant affiliés à l’AVPF.

Les bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP)

L’allocation de présence parentale (AJPP) est versée par la Caisse d’allocations familiales (Caf) ou la Mutualité sociale agricole (MSA) – pour les assurés relevant du régime agricole (salariés agricoles, chefs d’exploitation, collaborateurs agricoles, aides familiaux) – aux parents qui cessent temporairement leur activité pour s’occuper d’un enfant gravement malade, accidenté ou handicapé. L’enfant doit être âgé de moins de 20 ans et avoir besoin de la présence d’une tierce personne.

L’AJPP s’élève à 62,44 euros par jour (31,22 euros pour une demi-journée) en 2023. La prestation est versée sous condition de ressources. Les parents qui perçoivent des indemnités journalières (pour maladie, maternité, paternité ou accident), une allocation chômage, une pension de retraite ou d’invalidité, l’allocation forfaitaire de repos maternel ou d’allocation de remplacement pour maternité ou l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ne sont pas éligibles à l’AJPP. Les bénéficiaires de l’AJPP étaient déjà affiliés à l’AVPF avant la création de l’AVA.

Les parents d’enfants handicapés avec un taux d’incapacité d’au moins 80%

Quel que soit leur niveau de revenu, les parents, dont l’enfant de moins de 20 ans présente un taux d’incapacité permanente (IP) de 80% et plus, ont droit à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). Le taux d’IP est déterminé par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), qui dépend de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Versée par la Caf ou la MSA, l’AEEH est constituée d’un montant de base (fixé à 142,70 euros par mois en 2023) et d’un complément.

Le montant du complément AEEH dépend de l’état de santé de l’enfant et de ses besoins d’accompagnement. Il existe six catégories de complément qui varient selon qu’un parent cesse ou réduise son activité professionnelle, de l’embauche d’une personne tierce et du niveau des dépenses liées au handicap. Les montants cumulés de l’AEEH de base et du complément vont de 249,72 euros par mois à 1.353,60 euros par mois en 2023. Une majoration est prévue pour les parents isolés bénéficiaires du complément AEEH. Les parents d’enfant handicapés avec une IP d’au moins 80% étaient affiliés à l’AVPF avant la réforme des retraites de 2023.

Certains parents d’enfants handicapés avec un taux d’incapacité de moins à 80%

Les parents, dont l’enfant de moins de 20 ans présente un taux d’IP compris entre 50% et 79%, peuvent percevoir le complément AEEH si l’enfant est placé dans un établissement spécialisé ou si son état exige le recours à un dispositif adapté ou à des soins préconisés par la CDAPH.

À la place du complément AAEH, ils peuvent préférer toucher la prestation de compensation du handicap (PCH). Cette aide versée par le département vise à compenser les frais liés à l’aménagement du logement et/ou du véhicule. Le montant de la PCH dépend à la fois des ressources et du niveau des dépenses nécessaires. Il est fixé par la CDAPH.

La MDPH aide les parents d’enfants avec une IP de moins de 80% à déterminer s’il est plus intéressant pour eux de percevoir le complément AEEH ou la PCH. Avant la réforme des retraites de 2023 et la création de l’AVA, ces parents n’étaient pas affiliés à l’AVPF et ne pouvaient donc pas acquérir de droits à la retraite en tant qu’aidant familial.

Les aidants d’adultes handicapés avec un taux d’incapacité d’au moins 80%

Les personnes, qui aident régulièrement un proche de plus de 20 ans ayant un taux d’IP de 80% ou plus, sont affiliés à l’AVA. Ils dépendaient de l’AVPF avant la réforme des retraites de 2023. Comme à l’époque de l’AVPF, pour avoir le statut d’aidant (et donc l’affiliation à l’AVA), il faut que la CDAPH ait reconnu que l’état de l’adulte handicapé « nécessite une assistance ou une présence ».

Dans la majorité des cas, la personne aidée perçoit l’allocation adulte handicapé (AAH). Cette prestation est versée par la Caf ou la MSA, sous condition de ressources (11.656,44 euros de revenus annuels en 2021 si l’allocataire est célibataire ou 21.098,16 euros de revenus annuels en 2021 s’il vit en couple), aux adultes de 20 ans et plus justifiant d’une IP d’au moins 80% ou d’une IP de 50% à 79% si la CDAPH a reconnu que le handicap entraîne « une restriction importante et durable pour l’accès à l’emploi ». Le montant maximum de l’AAH s’élève à 971,37 euros par mois depuis le 1er avril 2023.

Les bénéficiaires du congé proche aidant (CPA)

Depuis 2017, les salariés des entreprises et associations et les salariés agricoles (travaillant dans une exploitation agricole, une coopérative agricole, une mutuelle agricole ou une industrie agroalimentaire) peuvent bénéficier d’un congé de proche aidant (CPA). Le CPA, qui permet de cesser ou de réduire temporairement son activité pour s’occuper d’un proche avec un taux d’IP d’au moins 80%, a été étendu aux fonctionnaires titularisés, aux agents non titulaires de la fonction publique (contractuels, vacataires) et au personnel des établissements de santé.

Le congé ne peut pas être refusé par l’employeur. Il dure 3 mois, renouvelable. Le CPA ne peut excéder, au final, un an (12 mois). Les bénéficiaires du congé de proche aidant étaient affiliés à l’AVPF.

Les bénéficiaires de l’allocation journalière de proche aidant (AJPA)

Depuis 2020, les salariés et fonctionnaires, qui prennent un congé de proche aidant et qui ont des revenus modestes, ont droit à l’allocation jorunalière de proche aidant (AJPA). L’AJPA est versée par la Caf ou la MSA selon les mêmes modalités que l’AJPP. Son montant est identique (62,44 euros par jour ou 31,22 euros pour une demi-journée depuis le 1er janvier 2023). Seule différence (de taille) : alors que l’AJPP peut être servie pendant trois ans, l’AJPA est versée durant 66 jours au maximum.

Les bénéficiaires de l’AJPA étaient déjà affiliés à l’AVPF avant la création de l’AVA.

Les aidants d’adultes handicapés non-cohabitants

Pour être affiliés à l’AVPF, les aidants d’adultes présentant un taux d’IP d’au moins 80% devaient habiter avec la personne aidée. Cette condition n’est plus exigée avec l’AVA.

Les aidants ne présentant pas de lien familial avec la personne aidée

Seules les personnes, qui aidaient leur conjoint, un membre de leur famille ou de la famille de leur époux ou partenaire de Pacs, étaient affiliées à l’AVPF. Désormais, les aidants ne présentant pas de lien familial, mais uniquement « un lien stable et étroit » avec la personne aidée, sont également éligibles à l’AVA.

Démarches d’affiliation à l’assurance vieillesse des aidants (AVA)

La circulaire sur l’AVA n’étant pas, à l’heure où nous écrivons ses lignes, encore été publiée, la démarche d’affiliation à l’assurance vieillesse des aidants n’est pas encore connue. Reste qu’elle ne devrait pas être éloignée de celle de l’AVPF, comme nous l’a confirmé une source bien informée.

Voici donc les données que nous avons à l’heure actuelle et qui sont susceptibles d’être modifiées. Comme du temps de l’AVPF, les aidants allocataires de certaines prestations sont affiliés automatiquement à l’AVA par la Caf ou la MSA qui leur verse l’allocation. Les autres aidants doivent déposer une demande d’affiliation à l’AVA auprès de leur caisse d’allocations familiales ou de leur caisse MSA.

Dans les deux cas, l’affiliation est gratuite : c’est la Caf ou la MSA qui prend en charge les cotisations vieillesse pour le compte de l’aidant. Ces cotisations sont calculées sur la base d’un salaire forfaitaire équivalent à 169 fois le taux du Smic horaire en vigueur au 1er juillet de l’année précédente. Le salaire forfaitaire peut être réduit de 20% à 50% selon l’allocation servie.

Affiliation automatique

Les parents d’enfants gravement malades bénéficiaires de l’AJPP et les parents d’enfants de moins de 20 ans avec une invalidité d’au moins 80% bénéficiaires de l’AAEH sont affiliés automatiquement par la Caf ou la MSA à l’AVA. Ils n’ont donc aucune démarche à effectuer. 

Les bénéficiaires de l’AJPP et de l’AEEH reçoivent, tous les ans, une notification via caf.fr ou msa.fr qui reprend les cotisations AVA (et les cotisations AVPF d’avant la réforme des retraites) versées durant les cinq dernières années.

Les trimestres AVA/AVPF sont indiqués dansle relevé individuel de situation (RIS). Le RIS (ou « relevé de carrière ») récapitule les trimestres et points de retraite acquis à l’instant T. Il est envoyé par courrier tous les cinq ans à compter des 35 ans de l’assuré ou consultable, à tout moment, via le compte retraite de l’assuré disponible sur info-retraite.fr.

Demande d’affiliation

Les bénéficiaires du CPA et de l’AJPA doivent remplir le formulaire de demande d’affiliation à l’AVA et l’envoyer à leur Caf ou leur caisse MSA. Le formulaire devrait être prochainement disponible sur caf.fr et msa.fr. 

Les parents d’enfants handicapés bénéficiaires du complément AAEH ou de la PCH, ainsi que les aidants d’adultes handicapés, doivent solliciter la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Si la commission donne un avis favorable, ils peuvent déposer leur formulaire de demande d’affiliation à l’AVA auprès de leur Caf ou de leur caisse MSA, en y joignant l’attestation de la CDAPH.

Trimestres assurance vieillesse des aidants (AVA) 

En étant affilié à l’AVA, l’aidant valide des trimestres à la retraite de base. Il ne peut pas – en toute logique – acquérir plus de quatre trimestres par an, y compris en intégrant les trimestres cotisés si l’aidant poursuit une activité professionnelle à temps partiel. 

Les trimestres AVA sont comptabilisés dans la durée d’assurance, soit le nombre de trimestres exigé pour percevoir une retraite sans décote qui varie selon la date de naissance de l’assuré. À la suite de la réforme des retraites de 2023, la durée d’assurance est portée à 172 trimestres (43 ans) pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1965.

En revanche, les trimestres AVA, comme les autres trimestres « assimilés » (attribués sans contrepartie de cotisation au titre du service militaire, de la maternité, de la maladie, du chômage indemnisé ou de l’invalidité), ne permettent pas d’obtenir une surcote. Cette majoration est octroyée lorsque l’assuré dépasse sa durée d’assurance.

Par ailleurs, seuls quatre trimestres AVA sont pris en compte pour la retraite anticipée pour carrière longue (RACL). La RACL est un dispositif qui permet aux actifs justifiant de leur durée d’assurance et qui ont commencé à travailler jeune de partir plus tôt à la retraite. Depuis le 1er septembre 2023, les assurés qui ont tous leurs trimestres dont quatre ou cinq trimestres (selon leur mois de naissance) à leur 16ème anniversaire peuvent prendre leur retraite à 58 ans, à 60 ans avec quatre ou cinq trimestres à leur 18ème anniversaire, 62 ans avec quatre ou cinq trimestres à leur 20ème anniversaire ou à 63 ans avec quatre ou cinq trimestres à leur 21ème anniversaire.

La durée d’assurance prise en compte pour la RACL est différente de celle pour un départ non anticipé. Tous les trimestres assimilés ne sont pas comptabilisés. En ce qui concerne l’AVA, seuls quatre trimestres sont donc comptés. Si l’assuré a également acquis des trimestres via l’AVPF, seulement quatre trimestres sont là aussi pris en compte au titre à la fois de l’AVPF et de l’AVA.

À savoir : les salariés aidants peuvent acquérir des points de retraite complémentaire auprès de l’Agirc-Arrco. Les points sont accordés, sous conditions, aux salariés en congé parental d’éducation, en congé de présence parentale, en congé de solidarité familiale ou en congé de proche aidant (CPA). Il faut, en outre, qu’un accord dans l’entreprise prévoit une telle possibilité, car l’employeur prend en charge une partie des cotisations vieillesse complémentaires du salarié aidant.

A lire également : Retraite des aidants familiaux : fonctionnement, cotisations, trimestres

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