Présidentielle 2017 : le programme d’Emmanuel Macron pour les retraites

Par Jean-Philippe Dubosc

Avec 66,10% des suffrages exprimés le 7 mai 2017, Emmanuel Macron est devenu le huitième président de la Vème République. Si le nouveau chef de l’Etat ne veut pas bouleverser les principaux paramètres, notamment l’âge de départ, il propose la mise en place progressive d’un système unique de retraites, jugé plus juste et plus « lisible », qui viendrait remplacer les 37 régimes actuels. Suite à ses propos tenus lors du débat présidentiel, il semblerait que cette réforme d’envergure serait finalement limitée aux seuls régimes de base.  

Pas de révolution, mais une lente et profonde évolution. En matière de retraites, les propositions du plus jeune président de la République française ne bouleversent pas les règles du jeu actuelles tout en prévoyant à terme un changement majeur : l’instauration d’ici 10 ans d’un système unique de retraites auquel seront affiliés l’ensemble des Français quel que soit leur statut professionnel.

SOMMAIRE

– Age de départ maintenu à 62 ans

– Pas d’allongement de la durée de cotisation

– Pas de baisse des pensions

– Suppression du RSI et du régime de retraite des parlementaires

– Mise en place d’un système unique de retraites

– Le même calcul des retraites pour tous

 

Age de départ maintenu à 62 ans

Après plus de vingt ans de réformes successives, « le problème des retraites n’est plus un problème financier », estime Emmanuel Macron. Pour étayer ses propos, le nouveau chef de l’Etat se fonde sur le dernier avis du Comité de suivi des retraites (CSR). Selon ce cénacle d’experts créé par la réforme des retraites de 2014, les perspectives financières permettraient d’envisager l’avenir avec « une sérénité raisonnable », n’a pas manqué de relevé l’ex-ministre de l’Economie.

Emmanuel Macron oublie, au passage, que les avis du CSR sont jugés optimistes pour bon nombre de spécialistes. Peu importe, pour lui, il n’y a pas besoin de repousser l’âge légal de départ à la retraite, soit l’âge à partir duquel les Français sont autorisés à quitter la vie active. L’âge légal est donc maintenu à 62 ans.

Le nouveau président n’a, en revanche, jamais fait référence jusqu’ici à l’âge de retraite à taux plein, c’est-à-dire l’âge à partir duquel la décote est supprimée même si l’assuré ne dispose pas de tous ses trimestres de cotisation. Cet âge va être progressivement décalé de 65 à 67 ans d’ici 2022.

Pas d’allongement de la durée de cotisation

Toujours parce que les finances des régimes seraient sur la bonne voie, mais aussi pour ne pas perdre la confiance des jeunes dans le système des retraites, Emmanuel Macron ne veut pas augmenter la durée d’assurance, soit le nombre de trimestres de cotisation vieillesse nécessaire pour percevoir une pension de base complète (sans décote). Ce nombre dépend de l’année de naissance. Il varie de 166 trimestres (41,5 ans) pour les assurés nés en 1955 à 172 trimestres (43 ans) pour ceux nés à partir de 1973.

Par ailleurs, le fondateur du mouvement En Marche ! ne compte pas modifier les avantages de retraite. Des trimestres « gratuits » continueront ainsi à être octroyés au titre de la maternité, du chômage indemnisé ou encore de la maladie.

Pas de baisse des pensions

Au même titre que l’âge de départ ou le nombre de trimestres de cotisation, Emmanuel Macron ne veut pas toucher au niveau des retraites. Il n’a pas précisé s’il voulait changer le mode de revalorisation annuelle des pensions, actuellement indexées sur l’inflation. Toutefois, l’augmentation de la CSG de 1,7 point envisagée touchera 60% des retraités, ce qui amputera le montant versé par les caisses de retraite.

En revanche, il propose d’augmenter le minimum vieillesse de 100 euros par mois. Depuis le 1er avril 2017, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), qui a remplacé le minimum vieillesse en 2006, s’élève au maximum à 803,20 euros par mois pour un retraité célibataire et à 1.246,97 euros par mois pour un retraité vivant en couple.

Suppression du RSI et du régime de retraite des parlementaires

Estimant que le Régime social des indépendants (RSI) ne fonctionne pas bien, Emmanuel Macron a promis de le supprimer. Le RSI gère notamment la retraite de base et la retraite complémentaire des artisans, des commerçants et des chefs d’entreprise. Lors d’un déplacement à Dijon, le Premier ministre Edouard Philippe a confirmé le 5 septembre 2017 que le RSI sera adossé au régime général de la Sécurité sociale, le régime de retraite de base des salariés du secteur privé et des agents non titulaires de la fonction publique à compter du 1er janvier 2018. L’adossement sera définitif au plus tard au 31 décembre 2019.

Dans le cadre de la moralisation de la vie politique, le président de la République nouvellement élu prévoit de supprimer, à brève échéance, le régime de retraite spécifique des parlementaires. La caisse de pensions et de sécurité sociale des députés et anciens députés et la caisse des retraites des anciens sénateurs (respectivement créées en 1904 et 1905) sont régulièrement épinglées pour la générosité de leurs pensions, financées en partie par l’Etat.

Les parlementaires seraient affiliés au. Si le programme d’Emmanuel Macron ne le précise pas, députés et sénateurs devraient également cotiser à l’Ircantec, le régime de retraite complémentaire des agents publics non titularisés. C’est déjà le cas pour les élus locaux (maires, conseillers départementaux, conseillers régionaux…).

Mise en place d’un système unique de retraites

Il s’agit de LA grande réforme proposée par le nouveau chef de l’Etat. Les 37 régimes français de retraite seraient à terme remplacés par un système unique. Cela réglerait le problème de la diversité des règles entre les régimes qui crée de la confusion dans les esprits et suscite un sentiment (justifié ou non) d’inéquité qui alimente la méfiance à l’égard du système des retraites. Aux yeux d’Emmanuel Macron, les Français pourront plus facilement changer de statut professionnel puisqu’ils sauront que ce changement ne modifiera en rien leurs droits à la retraite.

Lors du débat télévisé avec Marine Le Pen organisé le 3 mai 2017, le leader d’En Marche ! a, semble-t-il, fait évoluer sa proposition de mise en place d’un régime unique puisqu’il a indiqué que cette réforme ne concernerait pas les régimes complémentaires. Seuls les régimes de base seraient fusionnés, ce qui paraît plus facilement réalisable sachant que leurs règles (âge de départ, durée d’assurance, calcul de la pension…) sont progressivement harmonisées. En outre, cela éviterait de se mettre à dos les partenaires sociaux, gestionnaires des régimes complémentaires.

En revanche, il n’est pas question de remettre en cause la retraite par répartition. Les pensions des retraités continueront à être financées par les cotisations vieillesse des actifs dont les retraites seront-elles-mêmes payées par la génération suivante. Emmanuel Macron se dit très attaché à cette solidarité intergénérationnelle. Cela signifie, en creux, qu’il ne souhaite pas développer la retraite par capitalisation dans laquelle les cotisations des assurés servent à financer leurs propres rentes.

Si Emmanuel Macron ne le spécifie pas noir sur blanc, le futur système unique devrait être basé sur un régime en points. Le candidat promet en effet que les assurés pourront consulter, via un site internet et même une application mobile, leurs droits acquis. Or, cela est plus facile avec un régime en points, comme les régimes de retraite complémentaire des salariés (Arrco) et des cadres (Agirc), comparé à un régime en annuités basé sur des trimestres de retraite.

La mise en place du système unique de retraites se fera très progressivement puisque qu’il faudra compter au moins 10 ans pour que le système soit pleinement effectif, a reconnu Emmanuel Macron. Son élaboration passera d’abord par l’organisation d’une grande concertation à laquelle participeront le patronat, les syndicats de salariés et les partis politiques.

De ce travail préliminaire débouchera un projet de loi, dont le calendrier d’adoption n’est pas stipulé.
Quoi qu’il en soit, Emmanuel Macron a assuré que les changements n’affecteront en rien les seniors qui prévoient de partir à la retraite dans les cinq années à venir. En d’autres termes, la future réforme des retraites pourrait concerner uniquement les assurés nés à partir de 1960 et qui prendront leur retraite à compter de 2022.

Le même calcul des retraites pour tous

Autre avantage du système unique des retraites : la pension sera calculée de la même manière pour l’ensemble des assurés. Aujourd’hui, les retraites du secteur privé sont calculées à partir de la moyenne des 25 meilleures années de salaire tandis que celles du secteur public se basent sur la moyenne du traitement indiciaire des six derniers mois (hors primes et avantages).

Au moment de la liquidation des droits, le nombre de points accumulés durant la carrière sera converti en pension, à l’aide d’un coefficient de conversion qui variera en fonction de l’âge de départ de l’assuré et de son année de naissance. « L’allongement de l’espérance de vie est donc pris en compte en continu, au fil des générations : plus besoin de réformes successives, qui changent les règles et sont anxiogènes et source d’incertitude », peut-on lire dans le programme.

Ce mode de calcul est proche de celui en vigueur en Suède. Loué pendant des années, ce système est de plus en plus critiqué car il débouche sur des inégalités de traitement entre les générations.

Ce qui changera pour les retraites

– Le RSI et le régime de retraite des parlementaires seront supprimés à court terme
– Les différents régimes de retraites, dont les régimes « spéciaux » (fonction publique, SNCF, RATP…), seront remplacés d’ici 10 ans par un régime unique
– Les retraites seront calculées en fonction des droits acquis, de l’âge de départ et de l’année de naissance.

Ce qui ne changera pas pour les retraites

– Le système par répartition (les actifs financent les pensions des retraités) est confirmé
– L’âge légal de départ à la retraite est maintenu à 62 ans
– La durée de cotisation n’est pas allongée

 

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