Retraite : comparatif des programmes du RN, du NFP, d’Ensemble, de LR
Programmes sur l’âge de départ à la retraite pour les législatives 2024
En France, il n’est pas possible (sauf exceptions) de liquider ses droits à la retraite obligatoire avant d’avoir atteint un âge minimum, appelé « âge légal de départ » dans le secteur privé ou « âge d’ouverture des droits » dans le secteur public. La réforme des retraites de 2023 a instauré un décalage progressif de l’âge légal de deux ans : de 62 ans pour les Français nés avant le 1er septembre 1961 à 64 ans pour ceux nés à compter du 1er janvier 1968.
Pour Bardella, 60 ans pour les carrières longues, 62 ans peut-être pour les autres
Le Rassemblement national (RN) propose que les actifs ayant commencé à travailler avant 20 ans et qui ont cotisé au moins 40 ans (160 trimestres de cotisation) puissent partir à la retraite à 60 ans à taux plein (sans décote) dès cet automne. Depuis le 1er septembre 2023, les Français, qui ont validé au moins 5 trimestres avant 16 ans, 18 ans, 20 ans ou 21 ans et qui disposent de leur durée de cotisation (jusqu’à 172 trimestres), ont la possibilité, dans le cadre du dispositif « carrière longue », de liquider leurs droits à taux plein respectivement à 58 ans, 60 ans, 62 ans ou 63 ans.
Un âge pivot serait mis en place pour les autres qui ont démarré leur carrière à 20 ans ou plus. Les Français pourraient prendre leur retraite à 62 ans, dès lors qu’ils justifieraient de 42 ans de cotisations (168 trimestres). Par exemple, une personne qui aurait débuté sa vie professionnelle à 24 ans pourraient liquider ses droits à taux plein… à 66 ans (24 + 42). L’âge pivot serait instauré selon un « calendrier progressif » qui n’a pas été précisé par le parti présidé par Jordan Bardella.
Cette mesure serait conditionnée aux résultats d’un grand audit financier lancé par le RN s’il arrive au pouvoir, sachant que la note de la France a récemment été dégradée par l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) et que la Commission européenne menace Paris de sanctions pour déficit public excessif.
Pour le Nouveau Front Populaire, 62 ans tout de suite, 60 ans plus tard
Le Nouveau Front Populaire (NFP) milite pour l’abrogation de la réforme des retraites de 2023. L’âge légal de départ serait donc rétabli à 62 ans. Si la coalition, qui rassemble La France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), le Parti communiste français (PCF) et les Écologistes (ex-EELV), dispose d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, elle souhaite faire passer une loi « avant 2027 » pour instaurer la retraite à 60 ans.
L’ordonnance du 26 mars 1982 signée par le gouvernement Mauroy avait fait abaisser l’âge légal de 65 à 60 ans à compter du 1er avril 1983, comme prévu dans le Programme commun défendu par François Mitterrand.
Pour le camp Macron, toujours 62 à 64 ans
Ensemble pour la République, qui rassemble les partis Renaissance, Mouvement démocrate (MoDem), Horizons, Parti radical (PR) et Union des démocrates et indépendants (UDI), est favorable au statu quo. L’âge légal serait progressivement décalé à 64 ans à partir de la génération 1968, comme prévu par la réforme de 2023.
Pour Les Républicains, l’âge légal à 65 ans
Le parti Les Républicains (LR) ne s’est pas vraiment exprimé sur l’âge minimum de départ à la retraite. Il semble que « LR canal historique » (le parti moins Éric Ciotti et les députés dissidents qui ont rejoint le RN) s’en tient à la proposition de Valérie Pécresse à l’élection présidentielle de 2022 : faire porter l’âge légal à 65 ans.
Programmes sur les droits et les cotisations retraite pour les législatives 2024
Pour le RN, une meilleure prise en compte de la pénibilité
Le Rassemblement national souhaite que la pénibilité soit mieux prise en compte dans les droits à la retraite, sans donner plus de détails. Aujourd’hui, le compte professionnel de prévention (C2P), instauré par la réforme des retraites de 2014 (réforme Touraine) et dont le périmètre a été réduit en 2018 par Emmanuel Macron, permet aux salariés exposés à des risques professionnels de partir deux ans avant l’âge légal (soit de 60 à 62 ans).
Les agents de la catégorie dite « active » de la fonction publique, dont l’emploi présente « un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles », peuvent prendre leur retraite avant l’âge légal : de 57 à 59 ans (selon l’année de naissance) pour les fonctionnaires « actifs » (aides-soignants, sage-femmes, assistants sociaux, agents d’entretien…) et de 52 à 54 ans (idem) pour les fonctionnaires « super actifs » (policiers, douaniers, gardiens de prison, sapeurs-pompiers professionnels…). La catégorie active concerne environ 20% des effectifs de la fonction publique.
Le RN propose une exonération des charges patronales sur les hausses de salaire dans la limite de 10% et jusqu’à trois fois le Smic. Cette mesure, destinée à inciter les entreprises à augmenter les rémunérations, va avoir un impact sur les droits à la retraite des salariés. Les cotisations vieillesse sont, en effet, prises en charge à 60% par l’employeur et à 40% par le salarié.
Pour le NFP, des droits supplémentaires et une forte hausse des cotisations
Le Nouveau Front Populaire souhaite que le revenu de solidarité active (RSA) ouvre des droits à la retraite. Le RSA n’étant pas soumis à des cotisations vieillesse, il ne permet pas actuellement d’acquérir des trimestres à la retraite de base, ni des points à la retraite complémentaire. Le successeur de la Nupes veut aussi rétablir les quatre facteurs de pénibilité du C2P supprimés en 2018 pour revenir aux 10 critères établis au lancement du compte en 2015.
Pour financer le retour à la retraite à 60 ans, le NFP prévoit une hausse des cotisations vieillesse de 0,25% par an pendant 5 ans et la création d’une surcotisation pour les hauts salaires. Les dividendes, la participation, l’épargne salariale, les rachats d’action et les heures supplémentaires seront assujettis aux cotisations vieillesse.
Pour la majorité présidentielle, un nouveau calcul des retraites agricoles
Pour améliorer les retraites des agriculteurs qui sont peu élevées, les partisans d’Emmanuel Macron veulent que les pensions agricoles soient calculées, à partir des retraites liquidées à compter du 1er janvier 2026, sur leurs 25 meilleures années de revenus professionnels (comme les salariés du privé et les autres indépendants), et non plus sur la totalité de leur carrière en tant que chef d’exploitation. « Cela représentera un gain de 100 euros par mois pour près de la moitié des futurs retraités agricoles afin de leur garantir une retraite digne », peut-on lire dans le programme d’Ensemble.
En réalité, cette mesure n’est pas nouvelle. La loi du 13 février 2023 instaure le calcul des 25 meilleures années de salaires pour les exploitants agricoles. Son application dépend de la publication d’un rapport prévu dans la loi. Selon une réponse du ministère de l’Agriculture à une question d’une députée publiée le 30 avril 2024, les premières conclusions du rapport montrent que les retraites agricoles faibles et les agriculteurs aux carrières hachées seraient pénalisés par le nouveau calcul. « Des travaux complémentaires sont nécessaires […] afin d’identifier des mécanismes d’ajustement et de compensation possibles pour réduire ou éliminer ces cas de pertes », reconnaît le ministère. Ces mécanismes devaient être intégrés dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, pour une mise en œuvre en 2026.
Pour LR, rien de nouveau
Les Républicains ne proposent, pour l’heure, aucune nouveauté en matière de droits à la retraite et/ou de cotisations vieillesse. Lors de la présidentielle de 2022, Valérie Pécresse avait souhaité l’octroi d’un trimestre tous les 10 ans d’engagement bénévole pour les dirigeants d’associations sportives, culturelles ou caritatives.
Durée de cotisation retraite : les propositions du RN, du NFP, d’Ensemble et de LR
La durée de cotisation est le nombre de trimestres qu’un assuré doit valider pour percevoir une retraite complète, c’est-à-dire sans décote. Ce nombre varie en fonction de la date de naissance. La réforme Touraine de 2014 a allongé la durée de cotisation de 41,5 ans (166 trimestres) à 43 ans (172 trimestres) à compter de la génération 1973. La réforme de 2023 a accéléré le calendrier : les 43 ans seront exigés dès la génération 1965.
Durée de cotisation de 40 ou 42 ans pour Bardella
Le Rassemblement national souhaite abaisser la durée de cotisation à 42 ans (168 trimestres). Elle correspond aujourd’hui à celles des Français nés entre le 1er janvier et le 31 août 1961. Pour partir à 60 ans, les actifs ayant commencé à travailler avant 20 ans devront disposer de 40 annuités (160 trimestres).
43 ans mais moins tôt pour le successeur de la Nupes
Le Nouveau Front Populaire veut abroger par ordonnances dans les 15 jours suivant son arrivée au gouvernement les décrets d’application de la réforme des retraites de 2023. Cela signifie que le calendrier d’allongement de la durée de cotisation de la réforme Touraine serait rétabli (43 ans à partir des natifs de 1973).
Pour le projet du NFP de retraite à 60 ans, on ne sait pas quelle sera la durée de cotisation requise pour bénéficier d’un départ au taux plein. Le coordinateur national de La France insoumise Manuel Bompard a déclaré que la durée de cotisation pourrait être ramenée à 40 ans.
43 ans comme prévu pour la Macronie
Ensemble pour la République ne souhaite pas revenir sur la réforme des retraites de 2023 que la majorité présidentielle a fait adopter aux forceps.
NC pour les LR
Les Républicains ne se sont pas prononcés sur la durée de cotisation retraite s’ils décrochaient la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Programmes sur les revalorisations des retraites pour les législatives 2024
Les retraites de base sont revalorisées, tous les ans, afin que les retraités ne perdent pas de pouvoir d’achat sous l’effet de l’inflation. Le taux de revalorisation suit normalement l’évolution des prix à la consommation (hors tabac), mais le gouvernement peut décider de fixer un taux inférieur (sous-indexation) ou même de le geler (indexation nulle) en vue de réaliser des économies.
Le taux de revalorisation des retraites complémentaire est, lui, fixé par les régimes de retraite complémentaire qui sont autonomes.
Revalorisation des retraites sur l’inflation pour Bardella
Le RN propose que les retraites de base soient indexées sur la hausse des prix… comme aujourd’hui. On ne sait pas si le parti à la flamme s’engage à ne pas sous-indexer ou à ne pas revaloriser dans le futur.
Revalorisation des retraites sur les salaires pour le NFP
Le Nouveau Front Populaire veut que les retraites de base soient revalorisées sur les salaires, sachant que les rémunérations augmentent traditionnellement plus vite que les prix. Cette indexation des retraites de base en fonction des hausses salariales était en vigueur jusqu’à la réforme des retraites de 1993 (réforme Balladur).
Revalorisation des retraites sur l’inflation pour le camp Macron
Ensemble prévoit lui aussi une revalorisation des retraites de base sur la hausse des prix. Pour rappel, après avoir gelé les pensions de base en 2018, sous-indexé en 2019 et sous-revalorisé partiellement (en fonction du montant de la retraite globale) en 2020, Emmanuel Macron s’est engagé à ne plus appliquer d’indexation inférieure à l’inflation à la suite du mouvement des Gilets Jaunes, ce qu’il a fait en 2021 et 2022.
Il a réitéré sa promesse lors de la campagne présidentielle de 2022. La revalorisation des retraites de base a été alignée sur la hausse des prix en 2023 et en 2024.
Flou sur la revalorisation des retraites pour LR
Le parti Les Républicains ne s’est pas exprimé officiellement sur la question de la revalorisation des retraites de base.
Pension minimum : les propositions du RN, du NFP, d’Ensemble et de LR
Pas de déclaration de Jordan Bardella
Le Rassemblement national ne s’est pas prononcé sur la pension minimum, c’est-à-dire la retraite plancher d’un assuré qui a validé tous ses trimestres (taux plein).
Idem sur l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), le successeur du minimum vieillesse versé, sous conditions de ressources, aux Français de 65 ans et plus qui n’ont pas ou peu cotisé à la retraite.
Pension minimum au niveau du Smic et minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté pour le NFP
Le Nouveau Front Populaire veut valoriser le minimum contributif (MICO) afin qu’un assuré disposant d’une carrière complète (taux plein) perçoive une pension minimum équivalente à 100% du Smic (1.398,69 euros nets par mois en 2024).
L’Aspa serait alignée sur le seuil de pauvreté, qui correspond en France à 60% du revenu médian (1.158 euros par mois pour une personne seule en 2024). Aujourd’hui, le montant maximum de l’ex-minimum vieillesse s’élève à 1.012,02 euros par mois.
Pension minimum à 85% du Smic au mieux pour le camp Macron
La majorité présidentielle s’en tient à la dernière réforme des retraites qui a revalorisé, le 1er septembre 2023, le minimum contributif de 25 euros par mois (MICO de base) ou de 100 euros par mois pour les retraités qui ont validé au moins 120 trimestres (30 ans) au régime général des salariés (MICO majoré).
La promesse de la réforme de porter la pension minimum à 85% du Smic concerne, en réalité, uniquement les bénéficiaires du MICO majoré, qui ont tous leurs trimestres (taux plein) et qui ont été payés au Smic durant toute leur carrière. Le gouvernement a reconnu que cela concernait seulement 10.000 à 20.000 nouveaux retraités par an (sur une cohorte annuelle d’environ 800.000).
Comme promis par Emmanuel Macon à la présidentielle de 2017, l’Aspa a progressivement été augmentée de 100 euros par mois sous son premier quinquennat. Le président de la République n’a pas réitéré sa promesse en 2022. Ensemble ne prévoit pas de nouveau coup de pouce du successeur du minimum vieillesse.
Pension minimum à 100% du Smic pour LR
Les Républicains n’abordent pas la question de la pension minimum dans la campagne des législatives anticipées de 2024. Pour la présidentielle de 2022, Valérie Pécresse avait promis « aucune pension en dessous d’un Smic net par mois pour une carrière complète ».
Les propositions du RN, du NFP, d’Ensemble et de LR sur le cumul emploi-retraite
Le cumul emploi-retraite (CER) permet aux retraités de cumuler leur pension de vieillesse et un revenu d’activité.
Pour le RN, un cumul emploi-retraite allégé et défiscalisé pour les médecins et infirmiers
Jordan Bardella souhaite « un allègement des dispositifs de cumul emploi-retraite pour les médecins et les infirmiers ». Si le président du RN n’a pas précisé son propos, on peut imaginer qu’il souhaite supprimer le CER partiel (ou CER plafonné) pour ces professionnels de santé.
Aujourd’hui, lorsqu’un retraité part à la retraite avant 67 ans sans disposer de tous ses trimestres, le cumul de sa retraite et d’un revenu d’activité ne peut pas dépasser un plafond, dont le montant dépend de son ex-statut professionnel. Dans le cas des médecins et infirmiers libéraux (et de toutes les professions libérales), il correspond au plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS). Si le cumul de revenu excède le PASS (46.368 euros en 2024), la retraite est réduite d’autant.
Pour inciter les médecins et infirmiers retraités à reprendre du service et ainsi réduire les déserts médicaux, le RN souhaite que ces professionnels puissent avoir accès à un CER intégral (ou CER déplafonné), c’est-à-dire qu’ils puissent cumuler leur retraite et un revenu d’activité sans limite, y compris pour ceux qui n’ont pas validé tous leurs trimestres.
Dans la même optique, le Rassemblement national veut supprimer l’impôt sur les revenus d’activité des médecins et des infirmiers retraités en cumul emploi-retraite.
Pas de programme NFP sur le cumul emploi-retraite
Le Nouveau Front Populaire n’a pas traité dans son programme du cumul emploi-retraite. Traditionnellement, la gauche voit plutôt d’un mauvais œil ce dispositif, estimant que les Français n’ont pas à ressentir le besoin de travailler une fois qu’ils sont à la retraite.
Pour le camp Macron, pas de nouveauté sur le cumul emploi-retraite
Ensemble s’en tient aux changements introduits par la réforme des retraites de 2023 en matière de CER. Les retraités, qui ont liquidé leurs droits à taux plein à compter du 1er septembre 2023, peuvent acquérir de nouveaux droits à la retraite par le biais du CER intégral et donc toucher, à terme, une seconde retraite.
Cela demeure, en revanche, impossible pour les retraités en CER partiel qui continuent, eux, de verser des cotisations vieillesse dans le cadre de leur reprise d’activité sans que celles-ci ne génèrent de trimestres et de points de retraite.
Pour LR, plus de limite pour le cumul emploi-retraite ?
Les Républicains n’évoquent pas le CER. Si l’on reprend une nouvelles fois le programme de Valérie Pécresse en 2022, le parti milite pour la « liberté de cumuler emploi et retraite, sans limite ». Ce qui signifie, en creux, la suppression du CER plafonné.