Un vrai contrat de bail pour louer à ses parents, son enfant
Louer un appartement à son fils, sa fille, ses parents ou tout autre membre de sa famille est parfaitement légal. Il n’existe pas d’interdiction de principe, pour les locations en direct comme pour celles conclues via une SCI (société civile immobilière).
Cela étant, la location aux ascendants et descendants est encadrée par la loi. Les propriétaires bailleurs ne sont pas libres de loger un membre de leur famille durablement sans suivre un certain nombre de formalités. Ainsi, dans le cadre d’une telle location intrafamiliale, il est indispensable d’établir a minima :
Comme pour toute location, le bailleur n’est pas obligé de passer par un professionnel pour conclure le bail. Dans cette situation, le recours à un agent immobilier semble peu approprié, mais peut toutefois s’envisager lorsque le propriétaire est très éloigné du logement ou qu’il a déjà confié la gestion locative d’un ou plusieurs biens à un professionnel. Ce dernier pourra alors se charger de contrôler le respect des obligations légales de location et traiter directement avec le locataire en cas de besoin (réparations, travaux, etc.).
Pour éviter tout problème avec le fisc ou la justice, les propriétaires doivent se montrer attentifs à deux points particuliers, à savoir le montant du loyer et les allocations logement (APL et autres).
Montant minimum ou maximum du loyer : comment le fixer ?
A priori, un propriétaire qui loue un logement à sa famille ne veut pas fixer un loyer trop élevé… Mais attention, le fisc veille et peut lancer un redressement fiscal à son encontre s’il juge le montant du loyer trop faible par rapport à la réalité du marché. En d’autres termes, il est illégal de louer un petit appartement de deux pièces à Paris, Lyon ou encore Marseille pour une centaine d’euros par mois, car les prix à la location sont bien plus élevés. Autre exemple : le fisc a sanctionné une SCI qui louait un appartement parisien de 139 mètres carrés au fils d’un associé pour 915 euros par mois seulement.
L’administration fiscale est attentive à cette pratique, car elle permet à un bailleur de réduire encore davantage l’impôt sur les revenus fonciers. L’idée est la suivante : la location génère un faible loyer annuel, mais des charges déductibles des revenus fonciers « normales » (travaux, taxe foncière et autres). Dès lors, le propriétaire peut échapper à toute fiscalité sur ce loyer grâce à la déduction des charges et même s’en servir pour diminuer le montant de ses autres revenus fonciers imposables s’il est multipropriétaire et met plusieurs logements en location. Le bailleur profite ainsi d’un avantage fiscal plus important que s’il avait loué le logement en dehors du cercle familial.
Problème : le fisc considère qu’en permettant à son fils (ou autre) de profiter d’une location à moindre coût, le bailleur se réserve la jouissance du bien pour lui-même. « Or, en application du II de l’article 15 du Code général des impôts, les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l’impôt au titre des revenus fonciers et en contrepartie aucune charge afférente à ces logements ne peut être déduite », explique l’administration fiscale (*). En résumé, le bailleur n’a pas le droit de déduire les charges locatives, car le fisc considère qu’il ne s’agit pas d’une location à proprement parler puisque le loyer est « anormalement bas ».
Le loueur risque ainsi un rappel d’impôt, c’est-à-dire le paiement des charges fiscales éludées grâce à cette manœuvre, et une pénalité de 80% en cas d’abus de droit, c’est-à-dire si le bail de location est jugé fictif.
Comment fixer le loyer ? Pour éviter tout problème de ce genre, il faut faire payer un loyer normal aux parents ou enfants logés. Pour ce faire, il suffit de se renseigner sur les prix à la location pratiqués dans le même quartier pour des logements similaires (taille, qualité du bâti, performance énergétique, etc.) et de proposer un loyer correspondant. De nombreuses références, mises à disposition par les agences départementales d’information sur le logement (Adil) et les observatoires des loyers (Olap, Clameur notamment), peuvent être utilisées à ce titre.
Pour aller plus loin : Comment évaluer le loyer d’une location immobilière ?
Les APL et aides au logement en cas de location à sa famille
La question des allocations logement ne doit pas être ignorée dans le cadre d’une location intrafamiliale. C’est d’autant plus vrai que la loi établit une différence selon la nature du lien familial.
Location en ligne direct, de parent à enfant
Si un père loue à sa fille ou qu’un enfant met la location à disposition de ses parents, le locataire n’a pas le droit de toucher des APL ou toute allocation logement. Quelle que soit sa configuration (montant du loyer, revenus de l’occupant, etc.), la location aux ascendants et descendants proscrit l’octroi des APL en toutes circonstances.
Le locataire ne peut pas percevoir des aides au logement si le bailleur est son père, sa mère, son fils, sa fille, son grand-parent ou son arrière grand-parent, son petit-enfant ou arrière petit-enfant. Il en va de même si le bailleur est un ascendant ou un descendant de la personne avec laquelle le locataire vit en couple.
Cette règle s’applique quel que soit le statut du locataire (étudiant, demandeur d’emploi ou personne handicapée, par exemple).
À savoir : l’enfant logé peut continuer à faire partie du foyer fiscal des parents bailleurs si la location ne relève pas d’un régime de défiscalisation de type Pinel ou Scellier.
Location à un autre membre de la famille (frère et sœur, neveux, cousins, etc.)
Louer à son neveu, un cousin ou tout autre membre de la famille hors ligne directe (enfant, parent, grand-parent) permet au locataire de toucher les aides au logement s’il y est éligible. De même, une bailleresse peut louer un appartement ou une maison à son frère sans que cela ne l’empêche de percevoir les allocations logement.
Pour aller plus loin : Le calcul et les critères d’octroi des APL 2021
La location aux ascendants et descendants en lois Pinel, Duflot et Scellier
Loi Pinel
La location aux enfants et parents est autorisée en dispositif Pinel. Le loyer doit être conforme aux plafonds imposés par la loi, le locataire ne peut pas toucher d’aides au logement et ne doit pas faire partie du foyer fiscal du ou des bailleurs.
Pour aller plus loin : Investissement Pinel, mode d’emploi pour louer à ses enfants
Loi Duflot
Les investisseurs sous le régime Duflot n’ont pas la possibilité de louer le bien à leurs ascendants et descendants.
Loi Scellier
Les bailleurs qui ont opté pour le dispositif Scellier libre peuvent louer le logement à leur progéniture ou un autre membre de la famille. Le locataire ne doit pas faire partie du foyer fiscal du bailleur.
À l’inverse, les investissements en Scellier intermédiaire et social ne permettent pas la location intrafamiliale.
À savoir : ces différentes dispositions s’appliquent tant que le propriétaire est soumis au régime de défiscalisation et en tire un avantage fiscal. Une fois l’engagement de location terminé, les règles de droit commun s’appliquent.
Hébergement gratuit et rapport à la succession
Pour loger facilement un enfant ou un parent sans lui faire payer de loyer, le bailleur peut simplement lui offrir l’hébergement à titre gratuit dans un logement différent du sien. Dans ce cas, il ne touche pas de revenus fonciers et ne génère pas de charges déductibles de ses revenus immobiliers puisqu’il ne s’agit pas d’une location.
Cette option présente toutefois certaines complications pour les parents qui logent un enfant, mais pas ses frères et sœurs. En effet, procéder de la sorte peut avantager un enfant vis-à-vis des autres qui se logent sur leurs propres moyens. Si l’hébergement gratuit entraîne bel et bien un appauvrissement du bailleur, qui ne touche pas de loyers pour un bien qu’il pourrait mettre en location, et un enrichissement de l’occupant, du fait de l’absence de loyers, les autres enfants héritiers peuvent demander à ce que l’hébergement gratuit soit considéré comme une donation. Dans ce cas, l’actif successoral de l’enfant logé gratuitement sera diminué du montant de cette donation.
Attention toutefois, cette logique ne s’applique pas systématiquement. Ainsi, si l’hébergement gratuit est soumis à des contreparties, comme la réalisation de travaux conséquents ou la prise en charge des parents âgés ou dépendants, il n’est plus considéré comme une donation. De plus, si les parents sont encore responsables de l’entretien de leur enfant majeur, parce qu’il suit de longues études et ne touche pas de revenu professionnel, l’hébergement gratuit ne correspond pas à une donation mais aux obligations parentales à remplir tant que l’enfant n’est pas entré dans la vie active.
À savoir : un enfant logé chez ses parents jusqu’à un âge avancé n’entre pas dans ce cadre car les parents ne se privent pas d’un loyer en l’hébergeant gratuitement.
(*) L’administration fiscale détaille cette position dans ses commentaires sur les avis rendus par le comité de l’abus de droit fiscal le 28 octobre 2016 (voir ici).